Trente diplômés en orbite
Un instrument conçu par des diplômés prend place à bord du satellite canadien SCISAT.
Par Gilles Drouin
Quand, le matin du 13 août 2003, le spectromètre à bord du satellite canadien SCISAT a répondu présent, une bonne trentaine de diplômés de l’Université Laval ont ressenti un grand soulagement et surtout une grande fierté d’avoir accompli un travail remarquable.
L’ histoire commence en 1996. Lors d’un congrès aux États-Unis, le professeur Pierre Tremblay, du Centre d’optique, photonique et laser de l’Université Laval, participe à une rencontre avec quelques chercheurs canadiens et américains, où germe l’idée de mettre en orbite un spectromètre infrarouge à haute résolution pour mesurer l’ozone et plusieurs composés gazeux. Deux ans plus tard, en 1997, l’Agence spatiale canadienne lance un appel de propositions scientifiques pour déterminer la charge utile du satellite scientifique canadien SCISAT-1. La mission «Expérience sur la chimie atmosphérique» (ACE, selon son acronyme anglais), est née.
Des scientifiques de 13 universités et centres de recherche répartis dans le monde, dont Pierre Tremblay, unissent alors leurs efforts sous la coordination scientifique du professeur Peter Bernath, de l’Université de Waterloo, en Ontario, pour proposer une expérience. Le projet final, accepté par l’Agence, consiste à mesurer la concentration d’une trentaine de molécules dans la haute atmosphère afin de mieux comprendre les fluctuations de la couche d’ozone.
L’empreinte des molécules
Pour y arriver, les chercheurs veulent utiliser, comme l’avaient suggéré les instigateurs de ce projet, un spectromètre qui mesurera l’absorption de la lumière infrarouge par les composés présents dans la haute atmosphère. Ils s’appuient sur le principe que chaque molécule absorbe des fréquences bien précises du rayonnement solaire. En enregistrant les parties absorbées par la molécule, on obtient une véritable empreinte spectrale, la carte d’identité de la molécule. Grâce à cette signature spectrale, il est alors possible de mesurer la concentration de la molécule et tenter de comprendre comment elle affecte l’ozone.
L’idée a séduit l’Agence spatiale canadienne. Mais encore fallait-il concevoir et fabriquer un instrument fiable satisfaisant le cahier des charges de l’équipe scientifique. L’Agence spatiale n’a pas eu à faire de véritable appel d’offres pour trouver une compagnie canadienne capable de livrer la marchandise. Une seule possède une telle expertise: la division Solutions analytiques de pointe de ABB, dont les bureaux sont situés au centre-ville de Québec. Elle collabore d’ailleurs de près avec les professeurs Bernath et Tremblay lors de l’élaboration de la mission. Anciennement connue sous le nom de Bomem, cette compagnie, fondée il y a 30 ans, est maintenant intégrée à la multinationale ABB.
«Entre l’idée et la mise en orbite d’un instrument fiable, il y a plusieurs étapes à franchir, souligne Marc-André Soucy (Génie électrique 1995), qui a coordonné le travail au sein de l’entreprise. En fait, nous y avons consacré plus de 100 000 heures de travail.» Les travaux de conception proprement dits ont commencé en 1999 et le satellite SCISAT a été lancé le 12 août 2003. Une dizaine d’heures plus tard, le spectromètre répondait aux premières commandes venues de la Terre.
Parmi la troupe des diplômés de l’Université Laval qui ont consacré bien des dimanches et des nuits à la conception de l’instrument, on remarque six chefs d’équipe: Roch Allard (Génie mécanique 1982), François Châteauneuf (Chimie 1997), Christophe Deutsch (Génie électrique 2001), Serge Fortin (Génie électrique 1983), Robert Poulin (Physique 1997) et Nicolas Étienne (Génie mécanique 1989).
Les contraintes de l’espace
«ACE n’est pas l’appareil le plus complexe que nous ayons eu à faire, remarque Marc-André Soucy, mais il comportait plusieurs contraintes d’espace, de masse et de puissance électrique.» Au départ, les exigences scientifiques étaient définies de façon assez générale. «Le devis précisait le niveau de qualité à atteindre, explique Robert Poulin, mais il nous a fallu décortiquer le tout pour déterminer les facteurs qui influencent la dégradation d’un signal et en tenir compte dans la conception des composantes mécaniques, optiques et électroniques ainsi que des algorithmes.»
Une fois ce travail effectué, il faut aussi fabriquer un instrument qui résistera aux vibrations lors de la mise en orbite ainsi qu’aux radiations de l’espace. Compte tenu des limites de poids (et de budget!) il a fallu imaginer des structures à la fois légères et solides. «Lors des premiers tests, raconte Roch Allard, certaines pièces ne résistaient pas aux vibrations. Il a fallu trouver les bons traitements thermiques, les bons finis de surface pour que non seulement ces pièces résistent aux vibrations, mais qu’elles conservent toutes leurs caractéristiques.» Un miroir déformé n’est pas très compatible avec la précision scientifique requise.
Les écarts thermiques constituent un autre problème important à résoudre. «La principale difficulté était liée au fait que nous ne pouvions compter sur une puissance électrique élevée pour assurer le maintien de la température», précise Marc-André Soucy.
Pour concevoir, fabriquer et tester ce genre d’appareil, il faut généralement deux fois plus de temps que l’équipe d’ABB en a pris. «L’intégration et les tests ont constitué les étapes où les membres de l’équipe ont donné le plus», souligne Christophe Deutsch. En tout, il aura fallu deux ans à participer à l’élaboration de la partie scientifique, trois ans à concevoir et construire l’appareil et un an pour intégrer le tout au satellite et faire les tests au sol. «ACE, c’est le bébé de tout le monde, lance Ghislain Paquet, responsable de l’aspect électronique. L’esprit d’équipe était exceptionnel et c’est ce qui nous a permis de livrer la marchandise dans des délais très courts.»
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L’ histoire commence en 1996. Lors d’un congrès aux États-Unis, le professeur Pierre Tremblay, du Centre d’optique, photonique et laser de l’Université Laval, participe à une rencontre avec quelques chercheurs canadiens et américains, où germe l’idée de mettre en orbite un spectromètre infrarouge à haute résolution pour mesurer l’ozone et plusieurs composés gazeux. Deux ans plus tard, en 1997, l’Agence spatiale canadienne lance un appel de propositions scientifiques pour déterminer la charge utile du satellite scientifique canadien SCISAT-1. La mission «Expérience sur la chimie atmosphérique» (ACE, selon son acronyme anglais), est née.
Des scientifiques de 13 universités et centres de recherche répartis dans le monde, dont Pierre Tremblay, unissent alors leurs efforts sous la coordination scientifique du professeur Peter Bernath, de l’Université de Waterloo, en Ontario, pour proposer une expérience. Le projet final, accepté par l’Agence, consiste à mesurer la concentration d’une trentaine de molécules dans la haute atmosphère afin de mieux comprendre les fluctuations de la couche d’ozone.
L’empreinte des molécules
Pour y arriver, les chercheurs veulent utiliser, comme l’avaient suggéré les instigateurs de ce projet, un spectromètre qui mesurera l’absorption de la lumière infrarouge par les composés présents dans la haute atmosphère. Ils s’appuient sur le principe que chaque molécule absorbe des fréquences bien précises du rayonnement solaire. En enregistrant les parties absorbées par la molécule, on obtient une véritable empreinte spectrale, la carte d’identité de la molécule. Grâce à cette signature spectrale, il est alors possible de mesurer la concentration de la molécule et tenter de comprendre comment elle affecte l’ozone.
L’idée a séduit l’Agence spatiale canadienne. Mais encore fallait-il concevoir et fabriquer un instrument fiable satisfaisant le cahier des charges de l’équipe scientifique. L’Agence spatiale n’a pas eu à faire de véritable appel d’offres pour trouver une compagnie canadienne capable de livrer la marchandise. Une seule possède une telle expertise: la division Solutions analytiques de pointe de ABB, dont les bureaux sont situés au centre-ville de Québec. Elle collabore d’ailleurs de près avec les professeurs Bernath et Tremblay lors de l’élaboration de la mission. Anciennement connue sous le nom de Bomem, cette compagnie, fondée il y a 30 ans, est maintenant intégrée à la multinationale ABB.
«Entre l’idée et la mise en orbite d’un instrument fiable, il y a plusieurs étapes à franchir, souligne Marc-André Soucy (Génie électrique 1995), qui a coordonné le travail au sein de l’entreprise. En fait, nous y avons consacré plus de 100 000 heures de travail.» Les travaux de conception proprement dits ont commencé en 1999 et le satellite SCISAT a été lancé le 12 août 2003. Une dizaine d’heures plus tard, le spectromètre répondait aux premières commandes venues de la Terre.
Parmi la troupe des diplômés de l’Université Laval qui ont consacré bien des dimanches et des nuits à la conception de l’instrument, on remarque six chefs d’équipe: Roch Allard (Génie mécanique 1982), François Châteauneuf (Chimie 1997), Christophe Deutsch (Génie électrique 2001), Serge Fortin (Génie électrique 1983), Robert Poulin (Physique 1997) et Nicolas Étienne (Génie mécanique 1989).
Les contraintes de l’espace
«ACE n’est pas l’appareil le plus complexe que nous ayons eu à faire, remarque Marc-André Soucy, mais il comportait plusieurs contraintes d’espace, de masse et de puissance électrique.» Au départ, les exigences scientifiques étaient définies de façon assez générale. «Le devis précisait le niveau de qualité à atteindre, explique Robert Poulin, mais il nous a fallu décortiquer le tout pour déterminer les facteurs qui influencent la dégradation d’un signal et en tenir compte dans la conception des composantes mécaniques, optiques et électroniques ainsi que des algorithmes.»
Une fois ce travail effectué, il faut aussi fabriquer un instrument qui résistera aux vibrations lors de la mise en orbite ainsi qu’aux radiations de l’espace. Compte tenu des limites de poids (et de budget!) il a fallu imaginer des structures à la fois légères et solides. «Lors des premiers tests, raconte Roch Allard, certaines pièces ne résistaient pas aux vibrations. Il a fallu trouver les bons traitements thermiques, les bons finis de surface pour que non seulement ces pièces résistent aux vibrations, mais qu’elles conservent toutes leurs caractéristiques.» Un miroir déformé n’est pas très compatible avec la précision scientifique requise.
Les écarts thermiques constituent un autre problème important à résoudre. «La principale difficulté était liée au fait que nous ne pouvions compter sur une puissance électrique élevée pour assurer le maintien de la température», précise Marc-André Soucy.
Pour concevoir, fabriquer et tester ce genre d’appareil, il faut généralement deux fois plus de temps que l’équipe d’ABB en a pris. «L’intégration et les tests ont constitué les étapes où les membres de l’équipe ont donné le plus», souligne Christophe Deutsch. En tout, il aura fallu deux ans à participer à l’élaboration de la partie scientifique, trois ans à concevoir et construire l’appareil et un an pour intégrer le tout au satellite et faire les tests au sol. «ACE, c’est le bébé de tout le monde, lance Ghislain Paquet, responsable de l’aspect électronique. L’esprit d’équipe était exceptionnel et c’est ce qui nous a permis de livrer la marchandise dans des délais très courts.»
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