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Automne 2006

Marie Gosselin: une carrière rouge tomate

Depuis 1989, l'agroéconomiste a placé son génie marketing au service des tomates Savoura. Elle se prépare maintenant à prendre la tête de l'entreprise qui les produit.

    Marie Gosselin (Agroéconomie 1989) voit la vie en rouge… tomate. Des tomates, elle en cuisine, elle en mange et, comme employée et actionnaire de l’entreprise Les Serres du Saint-Laurent, elle en produit et, surtout, elle en vend. Depuis longtemps! À peine sortie de l’Université Laval, à 23 ans, elle entre sur le marché du travail comme directrice des ventes et du marketing pour Les Serres du Saint-Laurent.

Son premier mandat: réaliser une étude auprès des consommateurs pour connaître leurs habitudes d’achat au rayon des tomates. À la lumière des conclusions qu’elle en tire, la nouvelle employée conseille aux actionnaires de l’entreprise de miser sur des produits haut de gamme. «Les gens sont prêts à payer plus pour avoir de belles tomates rouges, juteuses et savoureuses à l’année longue», plaide alors Mme Gosselin.

Sur ses recommandations, la compagnie crée donc la marque Savoura, qui se présente aujourd’hui en plusieurs produits : la tomate traditionnelle Beef, les tomates en grappes, les tomates cerises, les tomates italiennes ainsi que les solutions-repas Bruschetta et Pastalita, pour concocter une sauce à pâtes. Hiver comme été, quelque 900 000 de ces tomates sont écoulées chaque semaine, soit l’équivalent de 18 camions-remorques, principalement sur le marché québécois. Avec six serres (situées à Portneuf, Ham-Nord dans les Bois-Francs, Sainte-Marthe et Saint-Janvier-de-Mirabel, dans la région de Montréal, ainsi que deux à Danville en Estrie), l’entreprise constitue actuellement le plus important producteur de tomates de serre du Québec.

Si la marque Savoura tire son origine de l’étude de Marie Gosselin, sa renommée doit beaucoup à la campagne publicitaire Le goût prend le dessus, menée en 1996. C’est également Mme Gosselin qui est derrière cette publicité où l’on voyait une tranche de pain prise en sandwich par une tomate. Grâce à cette campagne, la marque Savoura est maintenant synonyme de… tomate. Même que la compagnie perd souvent son nom au profit de Savoura.

Par ailleurs, depuis cinq ans, la directrice des ventes et du marketing chapeaute aussi les opérations et la production de la serre de Portneuf ainsi que de deux divisions à Montréal, où elle règle les problèmes de main-d’œuvre, les stratégies d’horaire, le calendrier de culture… Toujours plus de responsabilités pour cette femme de 41 ans.

«Marie a bien compris que le succès venait avec une bonne compréhension du comportement des clients et de leur fidélité à Savoura, soutient Jean-Claude Dufour, professeur au Département d’économie agroalimentaire et sciences de la consommation de l’Université Laval. Elle est parvenue à relever les défis d’une compagnie en émergence grâce à ses efforts soutenus, à son excellente formation académique et à une vision marketing sans faille.» Elle-même reconnaît que ses études l’ont bien préparée au monde du travail: «Les concepts que j’ai intégrés à l’université me servent encore aujourd’hui.»
 
Le défi d’une vie


Non, Marie Gosselin n’est pas tombée dans les tomates lorsqu’elle était petite. Mais elle a toujours baigné dans une atmosphère de marketing et de commercialisation. Son père, Fernand Gosselin, était producteur et commerçant de pomme de terre. Question de s’occuper pendant la période creuse de cette production, il cultivait aussi des fraises à Pont-Rouge.

«Depuis que je suis petite, raconte Marie Gosselin, je travaille avec mon père, l’été. Au début, je l’aidais dans l’administration de son commerce de patate, mais à partir de 14 ans, je m’occupais surtout de la vente des fraises avec mon frère et ma sœur. Je choisissais les meilleurs points de vente, je montais les plus beaux étalages possible et j’invitais les gens à goûter nos produits pour les attirer à notre présentoir.»

Déjà, la jeune fille fait preuve d’un certain talent pour le marketing et la mise en marché… Très vite, elle sait ce qu’elle veut faire dans la vie : reprendre l’entreprise familiale. Mais son rêve s’évanouit lorsque, devant une occasion d’affaires incontournable, son père vend sa production et son commerce. «J’ai été très déçue, avoue Mme Gosselin, mais je me suis dit que je trouverais bien autre chose.»

C’est à ce moment qu’elle entreprend ses études de baccalauréat en agroéconomie où elle puisera des connaissances théoriques et pratiques sur la transformation, le commerce et la consommation des produits agricoles. Elle prend d’ailleurs tous les cours de marketing et de commercialisation qu’elle peut.

Jean-Claude Dufour ne tarit pas d’éloges à l’égard de son ancienne étudiante. «Dès ses débuts, elle était très axée sur le marketing, se souvient-il. Elle voulait relever le défi de l’entrepreneuriat. C’était une étudiante assidue à ses cours, et je ne l’ai jamais vue compter ses heures de travail! Mais elle savait décrocher de ses études et s’amuser: plusieurs vendredis matins paraissaient d’ailleurs difficiles pour sa concentration.»

À l’époque où l’étudiante termine ses études, son père décide d’investir dans les tomates. Il s’associe alors aux familles Jacques Gosselin –aucun lien de parenté– et Raymond-Marie Gauvin pour démarrer Les Serres du Saint-Laurent, avec un premier complexe à Portneuf. Comme il faut quelqu’un pour s’occuper de la mise en marché des produits, de la publicité et du développement d’une marque, Marie Gosselin n’hésite pas un instant. Malgré la réticence de son père, elle fait application pour le poste.

Mais pas d’exceptions pour la fille d’un des actionnaires: de même qu’à tous les autres candidats, le directeur général de l’entreprise, Jacques Gosselin (Sciences 1971), lui fait passer une entrevue formelle. «J’ai été impressionné par sa détermination et ses idées, témoigne-t-il. C’est vrai qu’elle n’avait aucune expérience, puisqu’elle sortait tout juste de l’université. Mais, d’un autre côté, elle n’avait aucun mauvais pli non plus!» Misant sur la jeunesse, la passion et les connaissances fraîchement acquises, le directeur général engage donc la jeune femme. Une décision qu’il n’a jamais regrettée.

Rencontre au sommet

C’est aussi à une entreprise familiale que Marie Gosselin doit en quelque sorte sa rencontre avec Marc Boutin, celui qui est devenu son conjoint voilà 13 ans. «Ma famille était propriétaire du centre de ski La Crapaudière, relate-t-elle. J’y allais toutes les fins de semaines, autant pour faire du ski que pour aider à faire rouler les affaires.» Un jour, Marc se retrouve assis sur le même télésiège qu’elle. « Il m’a demandé ce que je faisais, et j’ai répondu: je vends des tomates. J’ai tout de suite regretté ma réponse, me disant que je ne le reverrais certainement plus.» Mais le jeune homme est revenu faire du ski chaque fois qu’il le pouvait. Quelques années plus tard, en plein milieu de l’aventure Savoura, le couple mettra au monde Laura, suivi par Sébastien.

La conciliation travail-famille n’est pas facile –seulement deux mois de congé de maternité pour chacun des enfants–, mais Mme Gosselin est passée maître dans la gestion du temps. Elle trouve même quelques heures pour s’engager bénévolement, entre autres à titre de vice-présidente du syndicat des producteurs en serre du Québec, un organisme qui représente les intérêts des producteurs et qui s’implique dans des dossiers comme la salubrité des aliments ou l’énergie en serre. Elle est également administratrice pour Moisson Québec et directrice de l’Association québécoise de la distribution de fruits et légumes, dont la mission est de promouvoir la consommation de ces denrées. Enfin, depuis 2002, année du retrait de son père des Serres du Saint-Laurent, la directrice des ventes et du marketing est aussi actionnaire de la compagnie avec son frère et sa sœur.

«Depuis que je suis actionnaire, avoue-t-elle, le travail a pris une dimension personnelle. Ce qui touche la compagnie me touche directement aussi. Et puis, j’aime le défi de prendre des décisions à huit personnes. Comme nous avons tous la même vision, c’est très agréable de travailler ensemble.» Avec le directeur général, Mme Gosselin est la seule actionnaire à travailler dans la compagnie.

Lui reste-t-il du temps pour les loisirs? «Je suis une lève-tôt, répond-elle. Tous les matins vers 5h30, je prends une marche pour maintenir la forme. Et je trouve toujours du temps pour aller skier en famille.» Ces moments bénis passés en famille, pour rien au monde elle ne les sacrifiera.

Même si elle devient directrice générale de l’entreprise? «Marie se prépare à prendre la relève, confirme en effet Jacques Gosselin. Son engagement, sa passion et ses accomplissements font d’elle la meilleure candidate pour occuper mon poste, quand je partirai à la retraite.» Il faut dire que Marie Gosselin fait l’unanimité dans le milieu. En 2005, le Salon de l’agriculture, qui regroupe tout le milieu agricole, lui a d’ailleurs décerné le titre de Personnalité marketing alimentaire.

«C’est une femme exceptionnelle, dont on n’a pas fini d’entendre parler», lance son ancien professeur, Jean-Claude Dufour.

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