Les atouts des nouveaux acteurs
Les pays émergents tirent mieux leur épingle du jeu que les pays riches dans la tourmente économique des derniers temps.
Par Annie Boutet
La planète amorce un important tournant en matière d’environnement économique. Certains acteurs, auparavant absents des grands marchés financiers, s’imposent désormais sur l’échiquier mondial. Ce sont le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine, qu’on désigne sous le vocable de BRIC. Selon les prévisions de grands cabinets du domaine de la finance comme Goldman Sachs, ces quatre pays sont appelés à se tailler une place importante dans une économie en profonde restructuration, allant même jusqu’à dépasser les pays du G7.
C’est ce qu’explique Zhan Su, professeur à la Faculté des sciences de l’administration et titulaire de la Chaire Stephen A. Jarislowsky en gestion des affaires internationales.
Ces quatre pays émergents se sortent-ils bien de la crise financière?
Oui, grâce au dynamisme de leur économie. Avant la crise, ces pays ont atteint de hauts taux de croissance économique: plus de 10% pour la Chine, près de 9% pour l’Inde et autour de 5 % pour le Brésil et la Russie. Durant la crise proprement dite, ils ont tous les quatre été affectés, mais de façon différente. Or, leur capacité de se reprendre est impressionnante. Pour 2010, la Chine, l’Inde et le Brésil devraient tous afficher un taux de croissance élevé.
Quelles caractéristiques communes à ces pays contribuent à un tel dynamisme?
Les pays émergents accusent un retard, si l’on se base sur la mesure du produit intérieur brut (PIB) par habitant. Ce PIB tourne autour de 40 000 $ au Canada et de 60 000$ aux États-Unis. En revanche, il représente 6000$ en Chine, 2000$ en Inde, 10 000$ au Brésil et 12 000$ en Russie. Ce retard est pourtant synonyme de grand potentiel de marché, alors que les pays occidentaux composent avec des marchés saturés. Il y a 20 ans, les Américains occupaient jusqu’à 30% du marché de la consommation à l’échelle planétaire. Aujourd’hui, le BRIC représente 35% de la consommation mondiale et la part des Américains n’est plus que de 25%. Les pays émergents possèdent donc un vaste marché intérieur, ce qui les aide grandement à se sortir de la crise.
De plus, ces pays ont tous su dégager un certain consensus national en matière de stratégie de développement et d’orientation pour faire du rattrapage. Ils ont même pris un virage très net. Par exemple, la Chine a adopté dès 1979 une politique de réforme économique et une ouverture vers l’extérieur. Depuis 30 ans, beaucoup de réformes ont été réalisées là-bas pour permettre aux entreprises d’évoluer et aux individus de participer au développement économique.
La reprise repose-t-elle seulement sur leur dynamisme?
Non, puisque les capitaux étrangers y jouent un rôle important. Les pays émergents exercent un réel attrait sur les investisseurs internationaux en raison de leur grand potentiel de marché et de leur capacité à mobiliser une main-d’œuvre jeune. Leur stratégie de développement somme toute assez claire et leur environnement politique relativement stable constituent d’autres attributs pour drainer les capitaux extérieurs. En outre, ces pays déploient beaucoup d’efforts pour améliorer leurs infrastructures.
Pourquoi la crise a-t-elle davantage frappé l’Occident?
La crise financière trouve sa source aux États-Unis parce que les Américains ont trop joué avec l’économie virtuelle au cours des 20 dernières années, et ce, au détriment d’une économie réelle. Ils ont pensé générer de l’argent avec de l’argent. Les pays émergents, eux, ont misé sur une économie réelle avec l’exploitation des ressources naturelles, l’agriculture, le secteur manufacturier et les services. Néanmoins, il ne faut pas croire que l’économie virtuelle est mauvaise en soi. Il faut juste éviter d’exagérer et garder les pied sur terre.
De plus, dans le contexte de la mondialisation, rares sont les pays riches qui ont su dégager un consensus à l’échelle nationale. Souvent, les pays occidentaux se contentent de gérer à court terme pour mieux distribuer la richesse. Ils n’ont pas su mobiliser cette richesse pour construire l’avenir. Au contraire, dans les pays émergents, l’État joue un rôle relativement important. C’est un État «promoteur» de son développement économique, de ses produits et de ses entreprises, autant sur le plan local que sur le marché extérieur. C’est aussi un État «programmeur» qui tente de promouvoir une orientation stratégique pour le pays. On y voit une orientation alimentée et soutenue par l’État. Dans les pays occidentaux, on se contente souvent de laisser uniquement le marché trancher.
Quelles stratégies les pays émergents peuvent-ils inspirer aux pays riches?
Premièrement, dégager un consensus et donc une orientation quant au développement économique, et même au développement de la société, pour profiter de la mondialisation au lieu de se contenter de préserver ce qui existe ou de vivre dans un nuage virtuel. Deuxièmement, mobiliser et motiver les gens pour qu’ils aient envie de participer au développement économique du pays. Et troisièmement, procéder aux réformes nécessaires pour mieux s’adapter au nouvel environnement économique et exercer un attrait auprès des investisseurs étrangers. Qu’il s’agisse de réformes économiques, sociales, juridiques ou dans le monde des affaires, il faut s’engager.
Quel avenir se dessine pour ces pays émergents?
Selon les prévisions, le E7 –c’est-à-dire un groupe de sept pays émergents qui englobe le BRIC– fera partie des pays les plus importants autour de 2050. On prévoit même que le G7 sera alors constitué des États-Unis et de six pays aujourd’hui qualifiés d’émergents, à condition que ces derniers poursuivent leurs efforts, leurs réformes, leurs orientations et leur mobilisation. À condition aussi qu’ils règlent leur problème de gouvernance et de distribution des richesses.
Aujourd’hui, ces pays émergents semblent bien armés pour continuer de profiter de leur élan, mieux armés même que les pays occidentaux qui composent avec un niveau de vie élevé, mais des marchés intérieurs saturés, une population vieillissante et des blocages sociaux importants. Cependant, en raison de tous les défis à relever, il ne faut pas penser que l’avenir de ces pays émergents est assuré.
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C’est ce qu’explique Zhan Su, professeur à la Faculté des sciences de l’administration et titulaire de la Chaire Stephen A. Jarislowsky en gestion des affaires internationales.
Ces quatre pays émergents se sortent-ils bien de la crise financière?
Oui, grâce au dynamisme de leur économie. Avant la crise, ces pays ont atteint de hauts taux de croissance économique: plus de 10% pour la Chine, près de 9% pour l’Inde et autour de 5 % pour le Brésil et la Russie. Durant la crise proprement dite, ils ont tous les quatre été affectés, mais de façon différente. Or, leur capacité de se reprendre est impressionnante. Pour 2010, la Chine, l’Inde et le Brésil devraient tous afficher un taux de croissance élevé.
Quelles caractéristiques communes à ces pays contribuent à un tel dynamisme?
Les pays émergents accusent un retard, si l’on se base sur la mesure du produit intérieur brut (PIB) par habitant. Ce PIB tourne autour de 40 000 $ au Canada et de 60 000$ aux États-Unis. En revanche, il représente 6000$ en Chine, 2000$ en Inde, 10 000$ au Brésil et 12 000$ en Russie. Ce retard est pourtant synonyme de grand potentiel de marché, alors que les pays occidentaux composent avec des marchés saturés. Il y a 20 ans, les Américains occupaient jusqu’à 30% du marché de la consommation à l’échelle planétaire. Aujourd’hui, le BRIC représente 35% de la consommation mondiale et la part des Américains n’est plus que de 25%. Les pays émergents possèdent donc un vaste marché intérieur, ce qui les aide grandement à se sortir de la crise.
De plus, ces pays ont tous su dégager un certain consensus national en matière de stratégie de développement et d’orientation pour faire du rattrapage. Ils ont même pris un virage très net. Par exemple, la Chine a adopté dès 1979 une politique de réforme économique et une ouverture vers l’extérieur. Depuis 30 ans, beaucoup de réformes ont été réalisées là-bas pour permettre aux entreprises d’évoluer et aux individus de participer au développement économique.
La reprise repose-t-elle seulement sur leur dynamisme?
Non, puisque les capitaux étrangers y jouent un rôle important. Les pays émergents exercent un réel attrait sur les investisseurs internationaux en raison de leur grand potentiel de marché et de leur capacité à mobiliser une main-d’œuvre jeune. Leur stratégie de développement somme toute assez claire et leur environnement politique relativement stable constituent d’autres attributs pour drainer les capitaux extérieurs. En outre, ces pays déploient beaucoup d’efforts pour améliorer leurs infrastructures.
Pourquoi la crise a-t-elle davantage frappé l’Occident?
La crise financière trouve sa source aux États-Unis parce que les Américains ont trop joué avec l’économie virtuelle au cours des 20 dernières années, et ce, au détriment d’une économie réelle. Ils ont pensé générer de l’argent avec de l’argent. Les pays émergents, eux, ont misé sur une économie réelle avec l’exploitation des ressources naturelles, l’agriculture, le secteur manufacturier et les services. Néanmoins, il ne faut pas croire que l’économie virtuelle est mauvaise en soi. Il faut juste éviter d’exagérer et garder les pied sur terre.
De plus, dans le contexte de la mondialisation, rares sont les pays riches qui ont su dégager un consensus à l’échelle nationale. Souvent, les pays occidentaux se contentent de gérer à court terme pour mieux distribuer la richesse. Ils n’ont pas su mobiliser cette richesse pour construire l’avenir. Au contraire, dans les pays émergents, l’État joue un rôle relativement important. C’est un État «promoteur» de son développement économique, de ses produits et de ses entreprises, autant sur le plan local que sur le marché extérieur. C’est aussi un État «programmeur» qui tente de promouvoir une orientation stratégique pour le pays. On y voit une orientation alimentée et soutenue par l’État. Dans les pays occidentaux, on se contente souvent de laisser uniquement le marché trancher.
Quelles stratégies les pays émergents peuvent-ils inspirer aux pays riches?
Premièrement, dégager un consensus et donc une orientation quant au développement économique, et même au développement de la société, pour profiter de la mondialisation au lieu de se contenter de préserver ce qui existe ou de vivre dans un nuage virtuel. Deuxièmement, mobiliser et motiver les gens pour qu’ils aient envie de participer au développement économique du pays. Et troisièmement, procéder aux réformes nécessaires pour mieux s’adapter au nouvel environnement économique et exercer un attrait auprès des investisseurs étrangers. Qu’il s’agisse de réformes économiques, sociales, juridiques ou dans le monde des affaires, il faut s’engager.
Quel avenir se dessine pour ces pays émergents?
Selon les prévisions, le E7 –c’est-à-dire un groupe de sept pays émergents qui englobe le BRIC– fera partie des pays les plus importants autour de 2050. On prévoit même que le G7 sera alors constitué des États-Unis et de six pays aujourd’hui qualifiés d’émergents, à condition que ces derniers poursuivent leurs efforts, leurs réformes, leurs orientations et leur mobilisation. À condition aussi qu’ils règlent leur problème de gouvernance et de distribution des richesses.
Aujourd’hui, ces pays émergents semblent bien armés pour continuer de profiter de leur élan, mieux armés même que les pays occidentaux qui composent avec un niveau de vie élevé, mais des marchés intérieurs saturés, une population vieillissante et des blocages sociaux importants. Cependant, en raison de tous les défis à relever, il ne faut pas penser que l’avenir de ces pays émergents est assuré.
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