Et la lumière fit POP!
Fleuron de l'Université, la recherche en optique et en photonique possède désormais son propre pavillon.
Par Gilles Drouin
«Une telle infrastructure est unique au monde», lance Réal Vallée, tout en se défendant de se vanter. Professeur de physique et directeur du Centre d’optique, photonique et laser de l’Université Laval, M. Vallée a piloté la conception et la construction du Pavillon d’optique et de photonique (POP) qui s’élève depuis peu au nord du pavillon Alexandre-Vachon.
Pour réaliser ce projet qui inclut l’achat d’instruments de pointe destinés à la recherche, le Centre a obtenu une subvention de 41 millions$ de la Fondation canadienne pour l’innovation, un programme où Québec et Ottawa investissent à part égale. La Fondation de l’Université Laval et quelques partenaires privés ont pour leur part injecté 5 millions$.
Réal Vallée a visité de nombreux centres de recherche en optique-photonique dans le monde afin d’établir les grandes caractéristiques du POP. «Nous pouvons nous comparer très avantageusement aux plus grands laboratoires», estime-t-il. Déjà, le POP brille comme un joyau, attirant le regard des chercheurs d’un peu partout.
Labos sous cloche
Les expériences faites en laboratoire dans le domaine de l’optique-photonique exigent des conditions très particulières. Nous sommes ici, entre autres, dans un monde de lasers à très courtes impulsions, de l’ordre de quelques dizaines de femtosecondes (10-15) ou moins, entre des miroirs parfois séparés de seulement quelques microns (ou millionièmes de mètres).
Imperceptibles à l’œil humain, ces impulsions permettent par exemple de «voir» les atomes et leurs mouvements, donc de mieux comprendre la structure de la matière. On peut ainsi détecter la présence de métaux toxiques à de très faibles concentrations ou comprendre ce qui se passe à un niveau subatomique. Compte tenu de la taille infinitésimale des particules étudiées, la moindre fluctuation de température ou d’humidité complique le travail de l’expérimentateur, quand elle ne bousille pas carrément l’expérience. Ces conditions font donc l’objet d’un contrôle maniaque. Sans parler de la poussière.
Tous les laboratoires du nouveau pavillon, qui couvrent 4000 m2 sur deux étages soit, environ 2,5 fois la superficie des anciens labos du Centre d’optique, photonique et laser, sont des «salles blanches» dans lesquelles on ne tolère jamais plus de 100 000 particules de poussière par pied cube et par seconde (classe 100 000). En comparaison, une salle de réunion très propre peut contenir plus d’un million de particules. À l’intérieur même du secteur des laboratoires, se trouve une succession de plus petites salles blanches, où l’on pénètre en enfilade: un labo de classe 10 000, puis un autre de classe 1000, puis un dernier de classe 100. Avant de passer d’une salle à l’autre, les chercheurs doivent se soumettre à des procédures spéciales, dont des douches d’air.
Autre défi: l’instrumentation de recherche en optique et photonique est particulièrement sensible aux vibrations. Or, tout l’équipement requis pour le chauffage, la ventilation et le contrôle de l’humidité vibre allégrement!
L’édifice a donc été conçu pour absorber au maximum les vibrations. Par exemple, les planchers reposent sur des structures gaufrées qui empêchent l’onde néfaste de se propager à l’ensemble du bâtiment. Des murets de béton, posés perpendiculairement à l’édifice, contribuent également à réduire la propagation des vibrations. Et le POP est construit en deux parties, côte-à-côte. Une première pour les bureaux, où se trouvent également les équipements mécaniques, est séparée de la partie des laboratoires par un espace de 10 cm, invisible aux yeux des visiteurs. La cage d’escalier et celle de l’ascenseur sont des structures indépendantes du reste du bâtiment. «La partie des laboratoires a l’allure d’un cube aplati, fait remarquer Réal Vallée. Plus on s’élève, plus un édifice vibre: les laboratoires sont donc au sous-sol et au rez-de-chaussée.»
Les anciens labos étaient situés au second sous-sol du pavillon Alexandre-Vachon. «Pour le contrôle des vibrations, note Réal Vallée, c’était bien. Mais pour ce qui est de la poussière, les conditions étaient exécrables.» L’Université avait grandement besoin d’installations à la fine pointe pour réaffirmer sa position de leader dans le domaine de l’optique et de la photonique.
Une École supérieure
La création éventuelle d’une École supérieure d’optique et de photonique devrait elle aussi contribuer à réaffirmer le leadership de l’Université dans ce domaine de recherche au Canada, en plus de fournir une nouvelle structure administrative au pavillon. Le projet d’École en est à la phase d’audience.
Si elle voit le jour, l’École formera une structure axée sur la recherche et regroupera des chercheurs actuellement éparpillés dans plusieurs départements. «C’est particulièrement intéressant dans la perspective d’une synergie entre les ingénieurs, les biologistes, les chimistes et les physiciens qui travailleront ici. C’est en fait la motivation à l’origine de la demande de subvention pour construire le POP.» L’École supérieure ferait aussi en sorte que l’Université Laval deviendrait la première institution canadienne à offrir un véritable diplôme en optique et photonique, une reconnaissance qu’on peut obtenir ailleurs dans le monde. Pour l’instant, il n’y a pas de maîtrise en photonique ou de doctorat en optique au Canada. Les étudiants reçoivent un diplôme en physique, en chimie, en génie électrique, en génie informatique ou en biologie, les cinq principales disciplines représentées dans les recherches. De 1990 à 2006, 125 diplômés au doctorat et 258 diplômés à la maîtrise ont obtenu ce genre de diplôme au Centre d’optique, photonique et laser.
L’optique-photonique est devenue une science à part entière. «Elle s’est suffisamment différenciée pour revendiquer sa pleine autonomie par rapport à la physique, comme la chimie il y a longtemps déjà», plaide Réal Vallée. Des diplômes en optique-photonique attireront sans doute de nouveaux étudiants à l’Université.
Le Québec technologique
Les laboratoires du POP serviront en priorité aux chercheurs de l’Université Laval. «Nous allons toutefois rendre ces installations accessibles à des chercheurs de l’extérieur, selon des modalités que nous préciserons bientôt», indique Réal Vallée. Le Centre d’optique, photonique et laser comprend, par exemple, des chercheurs de l’École polytechnique de Montréal. L’entreprise privée aura aussi accès aux laboratoires, moyennant des frais.
Actuellement, une vingtaine de directeurs de recherche utilisent les installations du POP. Ce nombre passera très bientôt à 30. Chaque directeur de recherche est un peu une petite entreprise qui réunit une dizaine de chercheurs associés, d’étudiants de deuxième et troisième cycles et de stagiaires de niveau postdoctoral. Ainsi, ce seront quelque 300 chercheurs qui feront pétiller le POP.
L’Université Laval a déjà assuré la formation de 40% des diplômés en optique du Canada. «Malgré la multiplication des programmes ailleurs, note Réal Vallée, nous devrions encore former environ 25% des diplômés canadiens en optique.» Plusieurs de ces spécialistes contribuent à l’activité économique du Québec. Ainsi, une vingtaine d’entreprises ont été créées par des diplômés de l’Université, dont EXFO Electro-optique, CorActive, Fiso Technologies, Telops et TeraXion, pour n’en nommer que quelques-unes. Au total, l’optique-photonique fournit du travail à environ 5000 personnes au Québec, dont 2000 dans la région de Québec seulement, ce qui inclut les spécialistes à l’emploi de l’Institut national d’optique et du Centre de recherche et de la défense (Valcartier).
Forte de laboratoires ultramodernes et, espère-t-on, d’une véritable structure administrative encadrant les activités de recherche, l’Université Laval sera en mesure de maintenir sa précieuse contribution à la recherche de pointe et à l’activité du Québec technologique.
***
ADIEU ACCÉLÉRATEUR!
Entre le nouveau POP et le pavillon Alexandre-Vachon, côté nord, se dresse toujours le silo qui abritait, depuis 1962, l’accélérateur de particules Van de Graaff. Pendant plus de 40 ans, cet appareil a servi à la recherche fondamentale en physique atomique et pour certaines études biologiques nécessitant le recours à des isotopes radioactifs. Devenu vieillot, l’appareil vient d’être démantelé et le bâtiment qui l’abritait, rénové.
Ses locaux souterrains accueilleront prochainement un supercalculateur dont l’achat a été confirmé en décembre dernier. Couplé à son semblable de la région montréalaise, cet appareil comblera les besoins en calcul haute performance de recherche en physique des particules, modélisation climatique, astrophysique et autres.
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Pour réaliser ce projet qui inclut l’achat d’instruments de pointe destinés à la recherche, le Centre a obtenu une subvention de 41 millions$ de la Fondation canadienne pour l’innovation, un programme où Québec et Ottawa investissent à part égale. La Fondation de l’Université Laval et quelques partenaires privés ont pour leur part injecté 5 millions$.
Réal Vallée a visité de nombreux centres de recherche en optique-photonique dans le monde afin d’établir les grandes caractéristiques du POP. «Nous pouvons nous comparer très avantageusement aux plus grands laboratoires», estime-t-il. Déjà, le POP brille comme un joyau, attirant le regard des chercheurs d’un peu partout.
Labos sous cloche
Les expériences faites en laboratoire dans le domaine de l’optique-photonique exigent des conditions très particulières. Nous sommes ici, entre autres, dans un monde de lasers à très courtes impulsions, de l’ordre de quelques dizaines de femtosecondes (10-15) ou moins, entre des miroirs parfois séparés de seulement quelques microns (ou millionièmes de mètres).
Imperceptibles à l’œil humain, ces impulsions permettent par exemple de «voir» les atomes et leurs mouvements, donc de mieux comprendre la structure de la matière. On peut ainsi détecter la présence de métaux toxiques à de très faibles concentrations ou comprendre ce qui se passe à un niveau subatomique. Compte tenu de la taille infinitésimale des particules étudiées, la moindre fluctuation de température ou d’humidité complique le travail de l’expérimentateur, quand elle ne bousille pas carrément l’expérience. Ces conditions font donc l’objet d’un contrôle maniaque. Sans parler de la poussière.
Tous les laboratoires du nouveau pavillon, qui couvrent 4000 m2 sur deux étages soit, environ 2,5 fois la superficie des anciens labos du Centre d’optique, photonique et laser, sont des «salles blanches» dans lesquelles on ne tolère jamais plus de 100 000 particules de poussière par pied cube et par seconde (classe 100 000). En comparaison, une salle de réunion très propre peut contenir plus d’un million de particules. À l’intérieur même du secteur des laboratoires, se trouve une succession de plus petites salles blanches, où l’on pénètre en enfilade: un labo de classe 10 000, puis un autre de classe 1000, puis un dernier de classe 100. Avant de passer d’une salle à l’autre, les chercheurs doivent se soumettre à des procédures spéciales, dont des douches d’air.
Autre défi: l’instrumentation de recherche en optique et photonique est particulièrement sensible aux vibrations. Or, tout l’équipement requis pour le chauffage, la ventilation et le contrôle de l’humidité vibre allégrement!
L’édifice a donc été conçu pour absorber au maximum les vibrations. Par exemple, les planchers reposent sur des structures gaufrées qui empêchent l’onde néfaste de se propager à l’ensemble du bâtiment. Des murets de béton, posés perpendiculairement à l’édifice, contribuent également à réduire la propagation des vibrations. Et le POP est construit en deux parties, côte-à-côte. Une première pour les bureaux, où se trouvent également les équipements mécaniques, est séparée de la partie des laboratoires par un espace de 10 cm, invisible aux yeux des visiteurs. La cage d’escalier et celle de l’ascenseur sont des structures indépendantes du reste du bâtiment. «La partie des laboratoires a l’allure d’un cube aplati, fait remarquer Réal Vallée. Plus on s’élève, plus un édifice vibre: les laboratoires sont donc au sous-sol et au rez-de-chaussée.»
Les anciens labos étaient situés au second sous-sol du pavillon Alexandre-Vachon. «Pour le contrôle des vibrations, note Réal Vallée, c’était bien. Mais pour ce qui est de la poussière, les conditions étaient exécrables.» L’Université avait grandement besoin d’installations à la fine pointe pour réaffirmer sa position de leader dans le domaine de l’optique et de la photonique.
Une École supérieure
La création éventuelle d’une École supérieure d’optique et de photonique devrait elle aussi contribuer à réaffirmer le leadership de l’Université dans ce domaine de recherche au Canada, en plus de fournir une nouvelle structure administrative au pavillon. Le projet d’École en est à la phase d’audience.
Si elle voit le jour, l’École formera une structure axée sur la recherche et regroupera des chercheurs actuellement éparpillés dans plusieurs départements. «C’est particulièrement intéressant dans la perspective d’une synergie entre les ingénieurs, les biologistes, les chimistes et les physiciens qui travailleront ici. C’est en fait la motivation à l’origine de la demande de subvention pour construire le POP.» L’École supérieure ferait aussi en sorte que l’Université Laval deviendrait la première institution canadienne à offrir un véritable diplôme en optique et photonique, une reconnaissance qu’on peut obtenir ailleurs dans le monde. Pour l’instant, il n’y a pas de maîtrise en photonique ou de doctorat en optique au Canada. Les étudiants reçoivent un diplôme en physique, en chimie, en génie électrique, en génie informatique ou en biologie, les cinq principales disciplines représentées dans les recherches. De 1990 à 2006, 125 diplômés au doctorat et 258 diplômés à la maîtrise ont obtenu ce genre de diplôme au Centre d’optique, photonique et laser.
L’optique-photonique est devenue une science à part entière. «Elle s’est suffisamment différenciée pour revendiquer sa pleine autonomie par rapport à la physique, comme la chimie il y a longtemps déjà», plaide Réal Vallée. Des diplômes en optique-photonique attireront sans doute de nouveaux étudiants à l’Université.
Le Québec technologique
Les laboratoires du POP serviront en priorité aux chercheurs de l’Université Laval. «Nous allons toutefois rendre ces installations accessibles à des chercheurs de l’extérieur, selon des modalités que nous préciserons bientôt», indique Réal Vallée. Le Centre d’optique, photonique et laser comprend, par exemple, des chercheurs de l’École polytechnique de Montréal. L’entreprise privée aura aussi accès aux laboratoires, moyennant des frais.
Actuellement, une vingtaine de directeurs de recherche utilisent les installations du POP. Ce nombre passera très bientôt à 30. Chaque directeur de recherche est un peu une petite entreprise qui réunit une dizaine de chercheurs associés, d’étudiants de deuxième et troisième cycles et de stagiaires de niveau postdoctoral. Ainsi, ce seront quelque 300 chercheurs qui feront pétiller le POP.
L’Université Laval a déjà assuré la formation de 40% des diplômés en optique du Canada. «Malgré la multiplication des programmes ailleurs, note Réal Vallée, nous devrions encore former environ 25% des diplômés canadiens en optique.» Plusieurs de ces spécialistes contribuent à l’activité économique du Québec. Ainsi, une vingtaine d’entreprises ont été créées par des diplômés de l’Université, dont EXFO Electro-optique, CorActive, Fiso Technologies, Telops et TeraXion, pour n’en nommer que quelques-unes. Au total, l’optique-photonique fournit du travail à environ 5000 personnes au Québec, dont 2000 dans la région de Québec seulement, ce qui inclut les spécialistes à l’emploi de l’Institut national d’optique et du Centre de recherche et de la défense (Valcartier).
Forte de laboratoires ultramodernes et, espère-t-on, d’une véritable structure administrative encadrant les activités de recherche, l’Université Laval sera en mesure de maintenir sa précieuse contribution à la recherche de pointe et à l’activité du Québec technologique.
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ADIEU ACCÉLÉRATEUR!
Entre le nouveau POP et le pavillon Alexandre-Vachon, côté nord, se dresse toujours le silo qui abritait, depuis 1962, l’accélérateur de particules Van de Graaff. Pendant plus de 40 ans, cet appareil a servi à la recherche fondamentale en physique atomique et pour certaines études biologiques nécessitant le recours à des isotopes radioactifs. Devenu vieillot, l’appareil vient d’être démantelé et le bâtiment qui l’abritait, rénové.
Ses locaux souterrains accueilleront prochainement un supercalculateur dont l’achat a été confirmé en décembre dernier. Couplé à son semblable de la région montréalaise, cet appareil comblera les besoins en calcul haute performance de recherche en physique des particules, modélisation climatique, astrophysique et autres.
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