Le magazine Contact

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Printemps 2007

Confidences sur le clavier

Certains échanges sur Internet permettent d'entrer en relation intime avec l'autre, mais aussi avec soi-même.

Beaucoup d’individus clavardent sur Internet dans le but de rencontrer l’âme sœur. Contrairement à l’opinion générale, l’internaute ne profite pas du contexte anonyme de l’espace électronique pour jouer un rôle. Il semble que l’individu n’a pas le choix d’être totalement lui-même dans ce type de démarche, sous peine de se perdre dans une fausse identité menant à une voie sans issue. Lors des premiers échanges en ligne, les interlocuteurs qui se découvrent des affinités se raconteront leur existence et se feront des confidences comme ils ne l’auront jamais fait. De parfaits étrangers qu’ils étaient, ils deviendront intimement liés l’un à l’autre, sans s’être jamais rencontrés. En se dévoilant, chacun en vient à se poser la question «qui suis-je, en fin de compte?».

Ce sont ces pratiques de sociabilité en ligne qu’explore Madeleine Pastinelli, professeure au Département de sociologie. L’ethnologue a aussi observé les règles du jeu entourant le moment crucial où les internautes se rencontrent en chair et en os. Pour les fins de son enquête, Mme Pastinelli a mené des entrevues auprès d’une vingtaine de personnes socialisant sur un canal de clavardage, en plus d’avoir côtoyé virtuellement une centaine de membres de ce canal pendant deux ans.

De la fiction à la réalité

«Lors de leurs premières expériences, les internautes ont l’impression très forte, voire violente, de partager une intimité radicale», explique Madeleine Pastinelli. Cependant, lors du premier tête-à-tête, le décalage identitaire est très important. L’autre n’est pas toujours celui qu’on croyait, l’unique photo envoyée témoignant souvent de ce fossé entre fiction et réalité, puisque c’est autour d’elle que s’est cristallisée une certaine idée de la personne.

Lorsque cet autre ne correspond pas aux attentes, lors de la première rencontre, l’internaute fera rarement faux-bond à son vis-à-vis, a observé Mme Pastinelli. «Dans la mesure où une personne s’est livrée très sincèrement à l’autre, elle va choisir de respecter son engagement, ne serait-ce que le temps d’une soirée, pour ne pas nier sa propre consistance identitaire. Aucune des deux personnes n’a menti dans cette affaire, mais toutes deux ont bel et bien fantasmé. Ce qui est en jeu ici n’est pas le rapport à l’autre, mais bien le rapport à soi.»

Madeleine Pastinelli vient de publier ses résultats de recherche dans le livre Des souris, des hommes et des femmes au village global: Parole, pratiques identitaires et lien social dans un espace de bavardage électronique (PUL).
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