Impressions d'architecture
Publié le 22 juin 2016 | Par Martin Dubois
Passerelles sur la rivière Saint-Charles
Pour ce billet d’été, je vous convie à une promenade dans le parc linéaire de la rivière Saint-Charles. Long de 32 km, de l’embouchure de la rivière sur le Saint-Laurent au lac Saint-Charles, où elle prend sa source, ce parc a été aménagé sur plusieurs années afin de favoriser l’accès à l’eau et son appropriation par la population. Ce parc nous fait découvrir de grands espaces verdoyants, des lieux historiques, des sous-bois paisibles, des eaux calmes et des chutes vives, des secteurs urbains et d’autres plus sauvages. Il comprend des sentiers, des belvédères et des aires de repos qui rendent possible l’observation de la faune et de la flore et met ainsi en valeur les écosystèmes riverains. L’ajout de passerelles reliant les rives du cours d’eau a également permis de réunifier les quartiers adjacents tout en améliorant la mobilité de leurs résidents.
Des liens au-dessus de la rivière
Je veux surtout m’attarder aux passerelles, qui sont des lieux privilégiés pour admirer la rivière et prendre contact avec elle, en plus d’admirer des oeuvres d’architectes de talent. Saviez-vous que, tout au long de son parcours marqué par de nombreux méandres, plus de 35 liens permettent de relier les 2 côtés de la rivière? Mises à part les 4 traversées d’autoroute et les 17 traversées d’axes routiers importants 1, c’est une quinzaine de passerelles exclusivement piétonnes et cyclables qui sont aménagées au-dessus de la rivière. Parmi les plus connues, notons la passerelle de l’Aqueduc, qui permet de traverser les conduites majeures du réseau d’aqueduc entre Vanier et Saint-Sauveur, ainsi que la passerelle du corridor des Cheminots reliant Wendake au parc Jean-Roger-Durand, à Loretteville. Il y en a également plusieurs, plus modestes, dans le parc des Saules, dans le parc Chauveau et à proximité du lac Saint-Charles. Je vous en présente trois plus récentes qui se démarquent par leur design original. Trois fois passera…
Passerelle des Trois-Sœurs
Inaugurée le 31 mai 2016, la dernière passerelle cyclopédestre apparue au-dessus de la rivière relie la rue Bourdages, dans l’axe de la rue Monseigneur-Plessis à Vanier, au parc Victoria, dans le quartier Saint-Sauveur. Attendue depuis longtemps, cette passerelle de 47 mètres est de type haubané. Un élégant mât incliné tend des câbles qui soutiennent la structure du tablier, essentiellement composée de bois lamellé. En effet, les immenses poutres visibles sous la structure sont en bois, comme l’habillage du mât qui forme une immense arche triangulaire. Conçue par ABCP architecture, cette nouvelle passerelle ressemble à celle que les mêmes architectes ont dessinée sur la rivière du Cap Rouge, en 2012, avec une structure haubanée asymétrique semblable.
Le caractère simple et épuré de la passerelle se combine à l’intéressant effet d’équilibre des éléments associés aux suspensions (mât, attaches, câbles et tubes sous le tablier). Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le nom de la passerelle des Trois-Sœurs ne fait pas référence à des religieuses, mais aux trois plantes qui formaient la base de l’alimentation des populations iroquoiennes au moment de l’arrivée des Européens en Amérique du Nord au 16e siècle, soit le maïs, le haricot et la courge.
Passerelle du Buisson
Située plus en amont, au nord de l’autoroute Félix-Leclerc, la passerelle du Buisson a été inaugurée en 2012. Afin de minimiser son incidence sur le site, elle prend assise sur l’infrastructure existante du barrage Saint-Jacques, ouvrage en béton construit il y a plusieurs années pour régulariser le débit de la rivière. La structure métallique de la passerelle, qui fait 85 mètres, est entièrement habillée d’acier Corten, un acier auto-patiné à corrosion superficielle forcée. Les côtés de la passerelle, qui font office de garde-corps, sont troués de façon aléatoire. L’acier Corten est un matériau prisé de nos jours en raison de son aspect brut et industriel qui marque bien la contemporanéité de l’ouvrage et qui demande un minimum d’entretien. Le fait qu’il change graduellement de couleur avec le temps, passant du brun-rouge très foncé à une teinte plus pâle, explique également sa popularité auprès des architectes qui aiment voir leur œuvre se transformer. Ici, c’est l’architecte Éric Pelletier qui a signé le design de cette passerelle. Aujourd’hui associé à la firme Lemay, il a aussi pensé quelques autres ouvrages similaires, dont la passerelle Pincourt (voir prochain paragraphe), une passerelle installée dans le parc Chauveau en 2012, ainsi que la requalification du pont routier Marie-de-l’Incarnation, en 2009.
Passerelle Pincourt
Construite en 2005-2006, cette passerelle située à proximité de parc Pincourt, à Loretteville, a été conçue par les architectes de l’ancienne firme Croft Pelletier. D’une grande simplicité, la structure suspendue de 34 mètres semble flotter au-dessus de la rivière. Elle se dépose délicatement sur les 2 rives et s’insère dans le site de manière à minimiser son incidence sur la nature. Les stèles disposées aux approches dissimulent les dispositifs de suspension et sont un élément marquant de la structure, en contraste avec la travée centrale ajourée. Ici également, l’acier Corten a été utilisé pour limiter les futurs besoins d’entretien. Cette réalisation a remporté, en 2006, un prix d’excellence de l’Institut canadien de la construction en acier (ICCA) et, en 2007, un prix d’excellence de l’Ordre des architectes du Québec pour les aspects architecturaux, environnementaux et structuraux pris en considération lors de sa conception.
En fait, la visite de ces passerelles devient un bon prétexte pour faire une belle escapade dans ce vaste parc linéaire encore trop peu connu des résidents de la région de Québec. Un amalgame d’architecture et de nature qui nous sort des sentiers battus.
1 Ces traversées sont (d’aval en amont):
- le boulevard des Capucins (pont-tunnel Joseph-Samson);
- l’autoroute Dufferin-Montmorency;
- la rue du Pont (pont Dorchester);
- la rue de la Croix-Rouge (pont Drouin);
- la rue de la Pointe-aux-Lièvres (pont Lavigueur);
- l’autoroute Laurentienne;
- la rue Marie-de-l’Incarnation;
- l’avenue du Pont-Scott;
- le boulevard Wilfrid-Hamel;
- l’autoroute Robert-Bourassa;
- le boulevard Central;
- le boulevard Père-Lelièvre;
- l’autoroute Félix-Leclerc;
- l’avenue Chauveau;
- le boulevard Johnny-Parent;
- le boulevard Bastien;
- la rue de la Faune;
- la rue de la Colline;
- l’avenue du Lac-Saint-Charles;
- la rue Jacques-Bédard;
- la rue Delage (pont Cyrille-Delage) ↩
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