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Entreprises responsables: Paris Europlace est prêt!

Voici une bien intéressante publication touchant la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) et l’investissement socialement responsable (ISR) qui a été diffusée par la place financière de Paris (Paris Europlace) au cours de l’hiver 2015. Cette publication est le résultat d’une enquête dirigée par la commission Finance durable de Paris Europlace1. Elle démontre que la RSE et l’ISR sont de moins en moins une utopie… même dans la sphère financière!

Bourse de Paris (Palais Brongniart). Photo Bruno Monginoux, www.photo-paysage.com et www.landscape-photo.net

Bourse de Paris (Palais Brongniart). Photo Bruno Monginoux, www.photo-paysage.com et www.landscape-photo.net

Quelques mots sur Paris Europlace
Qu’est-ce que Paris Europlace2? Il s’agit d’une organisation française chargée de promouvoir et de développer la place financière de Paris, classée 28e au monde et 8e en Europe3. Paris Europlace a pour vocation de représenter les divers acteurs de l’industrie financière, français ou non, qui sont actifs à Paris, parmi lesquels les entreprises faisant appel au marché, les investisseurs institutionnels et les épargnants, les banques, les sociétés d’assurance, les intermédiaires financiers et les professions auxiliaires (auditeurs, informaticiens, etc.). Paris Europlace est donc un protagoniste et un témoin de l’évolution du droit des entreprises et des services financiers en France et en Europe.

Depuis plusieurs années, Paris Europlace fait preuve de leadership dans le domaine de la finance responsable et durable4. Ainsi, dès le 2 juillet 2009, l’organisme s’était engagé avec les plus importants représentants d’investisseurs institutionnels et de gérants d’actifs (AFG, Association française des investisseurs institutionnels, Fédération française des sociétés d’assurances et Fédération bancaire française) en lançant une Charte de l’investissement responsable des acteurs de la place de Paris.

Une année auparavant, Paris Europlace avait émis des recommandations afin d’inciter le législateur français à mettre en place un rapport annuel public sur la manière dont les investisseurs institutionnels prennent en compte les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance dans leurs décisions de placement5. Cela s’est finalement concrétisé par l’article 224 de la loi nº 2010-788 du 12 juillet 2010.

En janvier 2013, Paris Europlace a proposé une feuille de route en 10 propositions pour développer la RSE et l’ISR au niveau européen6. Visant à crédibiliser et à rendre plus transparente la démarche RSE et ISR auprès des actionnaires et des investisseurs, l’organisation a dégagé 3 axes:

  1. Un renforcement du dialogue entre investisseurs et émetteurs au sujet de la RSE
  2. Une amélioration des pratiques de distribution des produits ISR
  3. Une promotion des pratiques européennes au niveau international

Finalement, le 22 mai dernier, confirmant son leadership en matière de RSE et d’ISR, Paris Europlace a tenu la 1re Journée mondiale de la finance pour le climat, en préparation de la conférence COP21 qui se tiendra à Paris en décembre 2015. Lors de cet événement, l’organisme en a profité pour signer une déclaration destinée à accroître la contribution de ses membres à la lutte contre les changements climatiques7.

Résultats de la consultation: la finance autrement
Revenons maintenant à l’enquête que la commission Finance durable de Paris Europlace a réalisée auprès des entreprises cotées en bourse (indices CAC 40 et SBF 120), des principales banques de détail, des sociétés d’assurance, des sociétés de gestion et des investisseurs institutionnels (caisses de retraite notamment) de la place financière de Paris pour déterminer leurs attentes en termes de RSE et d’ISR. Cette enquête, sous forme de questionnaire, a été menée durant 4 mois (du 15 juillet au 15 novembre 2014). Démontrant l’intérêt du sujet, elle a eu un taux de participation important, puisque 63% des entreprises et des institutions contactées ont répondu (ce taux de participation est beaucoup plus fort que celui de 2011 alors que seules les banques, les sociétés d’assurance et les sociétés de gestion avaient été interrogées).

Or, qu’apprend-on des résultats de cette enquête? Plusieurs enseignements peuvent en être tirés, assurément!

Pour les sociétés cotées sur la place financière de Paris, ce sont tant le conseil d’administration et le comité exécutif que l’assemblée des actionnaires qui sont impliqués dans les politiques de RSE. Les indicateurs qu’elles ont le plus fréquemment mentionnés:

  • Pour l’environnement: émissions de gaz, consommation d’eau et d’énergie et production de déchets
  • Pour le social: sécurité au travail, formation, diversité et égalité, absentéisme et turnover
  • Pour la gouvernance: participation des administrateurs, composition du conseil d’administration, fraudes et contrôle interne

La perception des répondants est que les politiques de RSE contribuent nettement à la performance globale de l’entreprise grâce à une meilleure maîtrise des risques, à des gains d’appels d’offre, aux revenus générés par les «produits RSE», à l’arrivée de nouveaux investisseurs et à la réduction des coûts.

Perception-P35

Source: Paris Europlace (http://www.paris-europlace.net/links/doc064343_fr.htm)

Selon les résultats de l’enquête, ces politiques RSE sont d’ailleurs considérées comme faisant entièrement partie de la stratégie des entreprises qui sont actives à l’international. Dans la majorité des cas, la politique est globalisée; elle s’applique uniformément sans différence entre la France et les entités internationales bien que 75% des répondants constatent des différences dans l’appréciation des politiques RSE selon la nationalité des parties prenantes.

En outre, la reconnaissance des démarches RSE est jugée essentielle par les entreprises, et le dialogue régulier avec les investisseurs et les différentes parties prenantes (clients, investisseurs, salariés et ONG) est mis en avant pour améliorer la crédibilité de ces politiques. La mesure de la crédibilité est réalisée par les notations extrafinancières, les sollicitations des actionnaires, les résultats obtenus aux appels d’offre et les enquêtes réalisées auprès des clients.

Pour promouvoir la RSE, les entreprises sont favorables au développement d’un rapport intégré. Sur ce point, deux tiers d’entre elles ont fait savoir que leur rapport annuel d’activités incluait un rapport en matière de développement durable ou que ce sera bientôt le cas. Les entreprises jugent utiles le rôle des agences de notation extrafinancière ainsi que les démarches ISR des investisseurs et des sociétés de gestion.

L’enquête montre enfin que les répondants critiquent le manque de transparence et le manque de fiabilité des démarches de certains acteurs comme les sociétés de gestion ou les agences de notation extrafinancière.

Concernant l’ISR, un premier point encourageant a été révélé par cette enquête: selon plus de 90% des banques et sociétés d’assurance, il existe ou il va exister une demande pour les produits ISR. L’ISR a donc un bel avenir devant lui! En parallèle, l’enquête démontre que l’approche ISR a plusieurs avantages pour les acteurs de la place financière de Paris: elle permet aux investisseurs de réduire leurs risques, grâce à la prise en compte de critères extrafinanciers et à la notion de performance globale, ainsi que d’avoir une incidence sur la société. Si les sociétés de gestion mettent en avant la prise en compte de risques à long terme (sociaux, environnementaux, etc.), les investisseurs institutionnels mettent en avant leur responsabilité sociale et le risque d’atteinte à leur réputation. Pour leur part, les investisseurs individuels soulignent leurs effets sur la société et leur volonté de donner une valeur à leurs investissements.

L’engagement actionnarial (comportement proactif afin de faire évoluer la direction de l’entreprise pour obtenir des améliorations en matière environnementale, sociale et de gouvernance (ESG)) est la méthode de gestion la plus utilisée (75% des sociétés de gestion). Il permet de faire évoluer le comportement des entreprises grâce au dialogue actionnaires-dirigeants et à l’exercice des droits de vote. L’exclusion de certains investissements considérés comme contestables –méthode préférée des clients particuliers selon le résultat de l’enquête– est citée par un nombre important de gérants. Ceux-ci n’hésitent pas à éliminer de leur univers d’investissement les entreprises ne respectant pas certains critères normatifs. Finalement, 55% des sociétés de gestion déclarent utiliser d’autres stratégies, notamment des méthodes spécifiques d’intégration des paramètres ESG des entreprises.

Source: Paris Europlace (http://www.paris-europlace.net/links/doc064343_fr.htm)

Source: Paris Europlace (http://www.paris-europlace.net/links/doc064343_fr.htm)

Plusieurs freins au développement de l’ISR ont été mis en lumière dans cette enquête:

  • Pour les sociétés de gestion: la restriction du champ de l’univers d’investissement
  • Pour les banques et les sociétés d’assurance: la difficulté des conseillers à parler d’ISR
  • Pour les clients institutionnels: la performance incertaine 

Du mythe à la réalité
Alors que la responsabilité des entreprises et de la finance dans la crise protéiforme que nous traversons (économique, financière, sociale, humanitaire, climatique, etc.) ne peut plus être sérieusement niée, les acteurs économiques et la place financière de Paris –du moins une partie non négligeable d’entre eux– sont ouverts aux préoccupations sociétales8. Les propos de Karl Polanyi9 résonnent à nouveau: après le désencastrement de l’économie dans la société (jusqu’au XIXe siècle) et le réencastrement de la société dans l’économie (à partir du XIXe siècle), le XXIe siècle ne serait-il pas le siècle où les activités économiques et financières vont se réencastrer dans la société humaine et être à nouveau régies par des exigences politiques, culturelles et sociétales?

1 Pour accéder aux résultats détaillés de cette enquête «Attentes et pratiques des acteurs de la place de Paris en matière d’ISR et de RSE»: http://www.paris-europlace.net/links/doc064343_fr.htm.

2 http://www.paris-europlace.net/index_fr.htm

3 M. Pooler, «New York and London vie for crown of world’s top financial centre», Financial Times, October 1, 2014, http://www.ft.com/intl/cms/s/0/b388de4c-174b-11e4-87c0-00144feabdc0.html#axzz3b0vVokw4.

4 Paris Europlace, Le développement de l’épargne longue, Y. Perrier (dir.), juin 2010.

5 Proposition no 1, Paris Europlace, Investissement socialement responsable, rapport, 14 mai 2008.

6 Paris Europlace, Finance responsable: 10 propositions de la place de Paris pour l’Europe, janvier 2013, http://www.paris-europlace.net/files/Finance_responsable_10_PROPOSITIONS_POUR_L_EUROPE-janvier_2013.pdf.

7 «La place financière de Paris se mobilise», Les Échos.fr, 22 mai 2015, http://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/02182978896-la-place-financiere-de-paris-se-mobilise-1121564.php#.

8 Voir dernièrement J.-P. Tricoire et P.-A. de Chalendar, «Action pour le climat: ensemble, nous y arriverons», Le Monde.fr, 19 mai 2015, http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/05/19/action-pour-le-climat-ensemble-nous-y-arriverons_4636454_3232.html#qdX7QqFVDgd7qeOH.99.

9 K. Polanyi, La Grande Transformation. Aux origines politiques et économiques de notre temps, Gallimard, 1983.

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