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Photo de Martin Dubois

Des ouvrages d’art

Pour faire suite à mon dernier billet portant sur les structures en bois servant notamment à construire des ponts, je m’attarderai à l’aspect esthétique des ponts d’étagement, des échangeurs et des autres infrastructures de voirie, aussi appelés «ouvrages d’art». Cette expression peut sembler étrange, car le côté artistique de ces ouvrages d’ingénierie n’est habituellement pas la première qualité qui nous vient à l’esprit. C’est pourtant le terme consacré pour une construction permettant de franchir un obstacle sur une voie de communication routière, ferroviaire ou fluviale. Selon certaines définitions, de tels ouvrages sont qualifiés «d’art» parce que leur conception et leur réalisation font intervenir des connaissances où l’expérience joue un rôle aussi important que la théorie. Cet ensemble de connaissances constitue d’ailleurs ce que l’on appelle «l’art de l’ingénieur».

L’échangeur Anjou, à Montréal, construit dans les années 1960. Photo Michel Brunelle. Tirée de: France Vanlaethem. Patrimoine en devenir: l’architecture moderne au Québec. Québec, Les Publications du Québec, 2012, p. 46.

L’échangeur Anjou, à Montréal, construit dans les années 1960. Photo Michel Brunelle. Tirée de: France Vanlaethem. Patrimoine en devenir: l’architecture moderne au Québec. Québec, Les Publications du Québec, 2012, p. 46.

Il est vrai que, au Québec, tous ces ouvrages que nous appelons erronément «viaducs»1 ne riment pas avec «art». Ils sont plus souvent qu’autrement des ouvrages utilitaires sans aucune qualité esthétique. Pourtant, dans les années 1960, un souci était notable à cet égard dans certains ensembles routiers, notamment par l’intervention d’architectes qui amélioraient le design des structures conçues par les ingénieurs du ministère des Transports. Certaines infrastructures, comme l’échangeur Anjou à Montréal ou certaines portions de l’autoroute des Laurentides (15), comprennent des ponts d’étagement au design très intéressant. Les décennies qui ont suivi ont été en général très décevantes du point de vue du design architectural, et bien peu de structures, majoritairement en béton, réalisées entre 1970 et 2005 se démarquent du lot. Pourtant, ailleurs, comme en Californie, on s’éclate dans ce domaine!

Une nouvelle génération d’ouvrages d’art
Même s’il y a encore beaucoup de chemin à parcourir, on assiste depuis quelques années à la réalisation de nouveaux ouvrages où la qualité esthétique est davantage mise de l’avant. À Québec, pensons aux nouveaux viaducs traversant l’autoroute Duplessis ou au réaménagement des chaussées le long de la promenade Samuel-De Champlain. Dans ces 2 cas, le ministère des Transports s’est un peu fait «tordre le bras» par la Commission de la capitale nationale du Québec qui a notamment comme mission d’améliorer les aménagements publics de la capitale. C’est elle qui a décrété que l’autoroute Duplessis et la promenade Samuel-De Champlain feraient partie du parcours d’accueil de la capitale nationale qui relie l’aéroport international Jean-Lesage au centre-ville de Québec. Ce parcours cérémoniel commande des aménagements plus soignés pour accueillir la visite.

La qualité paysagère de la promenade Samuel-De Champlain n’est plus à démontrer. Grâce à la reconfiguration des voies autoroutières bordant le fleuve pour en faire un boulevard urbain bordé d’arbres, de parcs et d’œuvres d’art, l’endroit s’est métamorphosé et est pris d’assaut par les promeneurs qui ont maintenant un contact direct avec l’eau. Je m’attarderai donc davantage à l’autoroute Duplessis (540), qui a aussi fait peau neuve sur presque toute sa longueur. Les différents viaducs qui la surplombent, rendus à la fin de leur vie utile, ont été reconstruits. On a profité de l’occasion pour soigner leur design afin que les nouvelles structures se démarquent de la production habituelle qui se résume souvent à une structure standard sans grande qualité esthétique. Le résultat est à mon avis assez réussi. Les 4 nouvelles structures ont fait l’objet d’un traitement qui leur est propre, évitant ainsi la monotonie et la répétition au profit du rythme et de la variété.

Le premier pont d’étagement, celui de l’autoroute Félix-Leclerc (40) a été reconstruit il y a déjà plusieurs années. Cette structure aux lignes épurées est surtout remarquable de nuit en raison de sa mise en lumière efficace. Du côté nord, un grand cadre est souligné par un éclairage au néon tandis que, du côté sud, une ligne de lumière se dessine sur toute la longueur de l’ouvrage. D’une grande simplicité, ce concept commande toutefois un entretien assez constant, car l’effet d’ensemble peut être gâché lorsque certains luminaires sont hors service. Plus au nord, le pont d’étagement de l’avenue Blaise-Pascal se démarque par les 2 couleurs du béton composant son tablier et les rayures obliques des garde-fous. Le pont d’étagement du chemin Sainte-Foy, quant à lui, se distingue par les formes fluides des extrémités de son tablier et ses murs de soutènement texturés qui donnent du mouvement à l’ouvrage.

Le pont d’étagement de l’autoroute Félix-Leclerc (40) surplombant l’autoroute Duplessis (540), côté sud et côté nord, de nuit. Photo ministère des Transports du Québec

Le pont d’étagement de l’autoroute Félix-Leclerc (40) surplombant l’autoroute Duplessis (540), côté sud et côté nord, de nuit. Photo ministère des Transports du Québec (Cliquez pour agrandir.)

Les ponts d’étagement du chemin Sainte-Foy et de l'Avenue Blaise-Pascal surplombant l’autoroute Duplessis (540). Photo ministère des Transports du Québec

Les ponts d’étagement du chemin Sainte-Foy et de l’avenue Blaise-Pascal surplombant l’autoroute Duplessis (540). Photo ministère des Transports du Québec (Cliquez pour agrandir.)

Enfin, le petit dernier, le pont d’étagement du chemin des Quatre-Bourgeois construit en 2014, est agrémenté de plaques d’acier patinable, aussi appelé acier Corten, qui est déjà oxydé et offre une bonne protection contre la rouille profonde. Ça change du béton mur à mur tout en donnant une petite touche industrielle à l’ouvrage. En plus de ces structures, le ministère des Transports a aussi mis à profit ses architectes-paysagistes pour améliorer les abords de l’autoroute. Plusieurs buttes formées avec de la terre de remblai provenant de chantiers routiers ont ainsi été formées près de l’échangeur de l’autoroute Félix-Leclerc. Au lieu de déplacer ces tonnes de terre, parfois contaminée, sur de grandes distances, on la met à profit pour sculpter le paysage, pour en faire du land art. Tout ce corridor autoroutier est maintenant plus agréable à traverser. On espère que ce type d’intervention ne demeure pas exceptionnel, mais devienne plutôt la norme dans les aménagements futurs. Pourquoi se contenter de structures banales quand on peut faire d’intéressants ouvrages d’art? Il est certain que la question du coût se pose. Mais je suis certain qu’au final, il n’en revient pas tellement plus cher de faire beau. Les coûts des «améliorations esthétiques» doivent être assez minimes sur l’ensemble de ces projets. De toute façon, il ne faut pas voir cela comme une dépense, mais plutôt comme un investissement pour le paysage et l’environnement, car ses structures sont en principe construites pour plusieurs décennies. Si c’est laid, ce sera laid longtemps!

Le pont d’étagement du chemin des Quatre-Bourgeois surplombant l’autoroute Duplessis (540). Photo ministère des Transports du Québec

Le pont d’étagement du chemin des Quatre-Bourgeois surplombant l’autoroute Duplessis (540). Photo ministère des Transports du Québec

1 Il faut plutôt employer le terme «pont d’étagement».

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