Impressions d'architecture
Publié le 17 juin 2014 | Par Martin Dubois
Cachez ces silos que je ne saurais voir
En novembre dernier, à la surprise générale, un silo destiné à entreposer des granules de bois a poussé de terre en une seule nuit à l’Anse au Foulon, sur les terrains du port de Québec. Haut de 45 mètres, soit l’équivalent d’un immeuble d’environ 12 étages, ce silo a été jumelé à un second quelques mois plus tard. Les réactions n’ont pas été longues à venir et l’Administration portuaire a été sérieusement critiquée, autant par la population que par la classe politique. On lui reproche surtout ses façons de faire, notamment en ce qui concerne sa transparence et l’absence de consultations publiques sur le projet et son emplacement. Ce n’est pas la 1re fois que l’Administration portuaire de Québec, une agence fédérale, invoque le fait qu’elle n’a de comptes à rendre à personne.
Alors que n’importe quel citoyen doit demander un permis à la Ville de Québec pour changer une fenêtre sur sa résidence et que le moindre aménagement urbain fait l’objet de consultations publiques auprès des citoyens du quartier concerné, est-il normal, en 2014, que le Port puisse laisser construire sur ses terrains de telles structures sans autorisation ni débat public? Au-delà des questions d’esthétisme ou de localisation des silos, c’est ce 2 poids 2 mesures entre ce qu’on exige des citoyens et du Port de Québec qui choque dans cette histoire. Par ses actions, le Port a une incidence importante sur le paysage de la capitale et devrait par le fait même avoir un comportement exemplaire lorsqu’il intervient sur le territoire.
Un projet controversé
Le secret entourant la mise en œuvre de ce projet de silos est révélateur. Le promoteur, la compagnie Arrimage Québec, et le Port de Québec savaient pertinemment qu’il y aurait énormément d’opposition s’ils présentaient leur projet publiquement avant sa réalisation. De mettre la population devant le fait accompli a été à la fois habile et quelque peu méprisant. Les 2 dômes ont même été qualifiés de silos de la honte ou de silos de la discorde par les opposants déçus de l’attitude du Port dans ce dossier.
Comprenez-moi bien, je ne suis pas contre les activités portuaires et le développement du Port de Québec. Les opérations de transbordement réalisées dans le port constituent une activité économique importante pour la région. On doit ainsi assumer, si on désire conserver cet apport économique, que ces activités occupent une bonne partie des berges du Saint-Laurent qu’on préférerait souvent voir transformées en promenade, en plage ou en parc riverain. Je suis également conscient que les installations du port créent du bruit, de la poussière, de la pollution visuelle et de la circulation de machinerie lourde. C’est le prix à payer pour maintenir cette industrie qui fait partie de l’histoire de la ville. Mais il faut justement faire en sorte que ces conséquences soient réduites au maximum. Les épisodes de poussières nocives sur Limoilou doivent être choses du passé, le transport ferroviaire devrait être favorisé plutôt que le transport par camion, et les nouvelles structures comme les silos devraient être positionnées à l’endroit où elles auront le moins d’incidence visuelle.
On ne saura jamais vraiment si les silos ont fait l’objet d’une étude d’impact quant à leur localisation de la part de l’Administration portuaire, mais laissez-moi en douter. Il est vrai qu’ils sont situés dans un secteur déjà occupé par des activités industrialo-portuaires où l’on trouve peu de résidences, mais ils sont aussi situés à proximité du tracé de la phase 3 de la Promenade Samuel-De Champlain et sont très visibles à la fois à partir du boulevard Champlain, du fleuve et de la rive sud.
Opération Camouflage
Ce qui m’a aussi fait réagir au lendemain de l’apparition des silos dans le paysage portuaire, c’est l’empressement avec lequel les différents acteurs de Québec, le maire au premier rang, ont voulu rattraper cette maladresse du Port en invoquant diverses mesures d’atténuation. Le 2e dôme n’était même pas encore érigé qu’on songeait déjà à les peindre pour en faire des «œuvres d’art» ou pour les camoufler dans le paysage. Cette recherche de mesures d’atténuation dès la construction des silos n’est-elle pas le constat qu’ils ne sont pas au bon endroit ou qu’ils sont trop volumineux pour leur site d’accueil? Une véritable étude d’impact en amont du projet aurait sans doute pu, dès le départ, permettre l’identification de ces lacunes et l’application de mesures d’atténuation lors de la conception.
Devant les critiques entourant les silos, l’Administration portuaire n’a pas tardé à mettre sur pied un comité présidé par John R. Porter, président du conseil d’administration de la Fondation du Musée national des beaux-arts du Québec. Le mandat du comité est de choisir le meilleur projet pour ornementer les 2 dômes de 45 mètres de hauteur et de 48 mètres de diamètre. Plusieurs options sont à l’étude: mise en lumière, fresque, projections multimédias, aménagement paysager, etc. La question qui se pose est: «Vaut-il mieux attirer davantage l’attention sur les silos en les éclairant et en les enjolivant de fresques et de motifs ou planter des arbres le long du boulevard et de la piste cyclable pour les faire oublier des passants?» Les avis sont partagés là-dessus. Je dirais que je penche davantage du côté de ceux qui plaident contre l’ornementation de ces silos afin de miser davantage sur des écrans de végétation à leur base. Ceci rejoint quelque peu les propos de l’artiste Florent Cousineau qui recommande que les silos demeurent blancs. Selon l’artiste, toute intervention d’embellissement risquerait d’altérer la pureté et la blancheur exceptionnelle des silos. Rien toutefois ne nous assure que les dômes resteront d’un blanc immaculé avec le temps. De plus, des équipements industriels, tels des convoyeurs, devraient bientôt venir modifier les formes pures qui les caractérisent actuellement.
Rappelons que ces dômes gigantesques seront remplis dès l’automne prochain de granules de bois livrées par train 3 fois par semaine depuis le nord de l’Ontario. Chaque mois, un navire traversera l’Atlantique pour livrer ce combustible destiné à être brûlé dans des centrales thermiques du Royaume-Uni. Il semble que cette industrie soit en pleine expansion. Rien n’exclut donc l’apparition d’autres silos du même genre dans le même secteur au cours des prochaines années.
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Publié le 25 juin 2014 | Par Pierre Beaudoin
P.Beaudoin
Publié le 23 juin 2014 | Par Sentinelle
Ces silos sont vraiment très laids, c'est dommage. Ce qui est pire c'est qu'on est absolument sans défense... on ressent un sentiment d'inutilité. Qu'on en parle ou non, rien ne change !
Publié le 21 juin 2014 | Par Bernard Darveau
À la lumière de la façon de procéder des promoteurs, je crains que la mise en opération de ces installations génère d'autres inconvénients et d'autres risques auxquels les citoyens de Québec seront confrontés ;
Une promenade le long de la voie ferrée reliant la cour de triage de Ste-Foy et le Port me laisse perplexe quant à la fiabilité de ce tronçon urbain qui traverse des zones résidentielles de St-Louis-de-France et de Sillery.
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