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Photo de Martin Dubois

Bibliothèque Monique-Corriveau: du culte à la culture

J’ai visité la semaine dernière la nouvelle bibliothèque Monique-Corriveau qui a ouvert ses portes à la fin novembre dans l’arrondissement Sainte-Foy–Sillery–Cap-Rouge. Aménagé dans l’ancienne église Saint-Denys-du-Plateau, cet édifice culturel prouve une fois de plus que les lieux de culte sont des structures qui se prêtent parfaitement à ce type de recyclage architectural. Les architectes responsables de la conversion de l’immeuble, Dan Hanganu et la firme Côté, Leahy, Cardas, ont su tirer parti des qualités spatiales et des effets de lumière qu’offrait l’ancienne église pour insuffler une belle personnalité à cette bibliothèque du 21e siècle.

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La bibliothèque Monique-Corriveau aménagée dans l’ancienne église Saint-Denys-du-Plateau. Photo Ville de Québec


Une œuvre moderne des plus réussies
L’église Saint-Denys a été érigée il y a 50 ans, en 1964, selon les plans de Jean-Marie Roy (1925-2011), architecte dont j’ai écrit la biographie professionnelle en 2012. Cette œuvre qui allie sobriété, pureté et harmonie est surtout remarquable par la silhouette particulière de sa toiture qui rappelle l’aspect d’une immense tente gonflée par le vent dont les arceaux sont profondément ancrés dans le sol. Cette coque possède une arête brisée formée par une charpente en bois lamellé-collé dont les chevrons de même longueur possèdent une pente qui varie: les chevrons du centre sont plus évasés et ceux des extrémités, plus pentus. Il en résulte une forme des plus dynamiques, dominée par l’élégant clocher qui évoque 2 mains en prière. L’architecte a aussi porté une attention particulière à la lumière qui entre subtilement dans l’enceinte sacrée par un puits de lumière sur l’arête du toit et par d’étroites bandes de fenêtres situées à la jonction du toit et des pignons triangulaires ainsi que dans le bas des murs latéraux.

Comme plusieurs, j’aurais aimé que cette église, parmi les œuvres modernes des années 1960 les plus réussies à Québec, puisse être conservée intacte. Mais il faut se rendre à l’évidence. Les églises ne sont plus fréquentées et elles ferment les unes après les autres. Les démolitions se succèdent et le défi de convertir ces lieux destinés au culte –onéreux à exploiter et difficiles à réaménager– est énorme considérant le nombre d’églises excédentaires. C’est une chance que la bibliothèque de Sainte-Foy, à l’étroit depuis de nombreuses années dans son immeuble construit en 1967, ait eu besoin d’un espace 3 fois plus vaste et bien situé pour réaffirmer sa vocation culturelle. En décidant d’utiliser l’église Saint-Denys, on fait d’une pierre deux coups. On conserve la présence de ce joyau du patrimoine architectural moderne dans le paysage bâti de la capitale tout en créant un véritable lieu de rassemblement pour les citoyens, ce qu’était l’église initialement. Sans cette intervention, le bâtiment serait probablement passé sous le pic des démolisseurs tôt ou tard.

Les espaces de la bibliothèque aménagés dans l’ancienne nef de l’église. Photo Martin Dubois

Les espaces de la bibliothèque aménagés dans l’ancienne nef de l’église. Photo Martin Dubois

Un lieu de découverte et de divertissement
Dès l’entrée dans la bibliothèque, on est frappé par la majesté de l’espace. Le bois de la voûte du plafond et des poutres a été entièrement peint en blanc, ce qui rend l’enceinte très lumineuse et épurée. Le vaste hall comprend un îlot de service, un café, une aire d’exposition et une zone dédiée aux adolescents. En mezzanine, des sections réservées à la bande dessinée ainsi qu’aux revues et aux journaux permettent de se plonger dans la lecture dans des lieux aux ambiances diverses: éclairées ou plus intimes, ouvertes ou plus fermées. Cette mezzanine aménagée dans la partie la plus haute de la nef, appelée le paradis, permet d’observer les niveaux inférieurs dans une atmosphère de calme.

Dans le prolongement de l’ancienne église, où se trouvait à l’origine le presbytère, une extension revêtue de panneaux de verre accueille sur 3 niveaux des salles de lecture et les rayonnages des sections jeunesse, documentaire et fiction ainsi qu’une ludothèque, une salle informatique et une salle multimédia. Un atrium central apporte également une lumière diffuse de l’étage jusqu’à l’entresol. Un escalier sculptural et un ascenseur habitent ce «jardin intérieur» et permettent de relier les différents niveaux de la bibliothèque. Les aménagements misent sur la fluidité et la transparence ainsi que sur des espaces attrayants, stimulants et polyvalents qui répondent aux besoins des citoyens de tous âges. Tous les détails, y compris l’identification des sections avec les mots «Découvrir», «Rêver», «Se divertir», sont soigneusement pensés. Les usagers semblent apprécier, car l’affluence bat des records et le nombre d’abonnés a bondi depuis le déménagement de la bibliothèque.

L’œuvre Réseaux ou La forêt des connaissances de l’artiste Claudie Gagnon. Photo Martin Dubois

L’œuvre Réseaux ou La forêt des connaissances de l’artiste Claudie Gagnon. Photo Martin Dubois

Quand l’art s’invite
Mon coup de cœur dans ce projet est l’œuvre d’art de Claudie Gagnon réalisée dans le cadre de la Politique d’intégration des arts à l’architecture et à l’environnement des bâtiments et des sites gouvernementaux et publics. Intitulée Réseaux ou La forêt des connaissances, l’œuvre grandiose d’une hauteur de près de 15 mètres représente des branches d’arbres entrelacées évoquant les réseaux d’échange que permettent les nouvelles technologies. La blancheur de l’œuvre et son emplacement à un point focal de l’espace intérieur contribuent à sa parfaite intégration à l’architecture. On pourrait croire que l’œuvre fait partie de ce lieu depuis toujours, mais en réalité, elle s’approprie l’espace autrefois occupé par le grand crucifix sur le retable du chœur. Je trouve qu’il s’agit là d’un beau passage du religieux vers le laïc en cette ère où la charte des valeurs québécoises nourrit les passions. On devrait peut-être s’en inspirer dans la saga du crucifix de l’Assemblée nationale!

Seul bémol: la cage d’escalier de secours vitrée aménagée en façade. Je comprends que pour un tel bâtiment public, cette issue est essentielle, mais aurait-on pu l’aménager ailleurs ou autrement? Ce nouveau volume me semble très dérangeant dans la lecture de la façade principale. Les architectes ont toutefois choisi de l’y placer pour affirmer la nouvelle fonction de l’édifice et assument ce geste fort en ne le cachant pas et en le traitant de façon très contemporaine, comme tous les ajouts qu’ils ont fait dans l’immeuble. À ce titre, ça se tient et le tout demeure cohérent.

Avec la bibliothèque Paul-Aimé-Paiement de Charlesbourg, ce nouvel édifice public donne assurément le ton pour les réaménagements et les agrandissements futurs annoncés aux bibliothèques Gabrielle-Roy et Étienne-Parent. Une Vision du développement du réseau des bibliothèques d’ici 2020 a d’ailleurs été élaborée en ce sens par la Ville de Québec. Nous sommes dorénavant loin des bibliothèques classiques un peu poussiéreuses et destinées uniquement à la consultation d’ouvrages imprimés. On a maintenant affaire à de véritables médiathèques, terme plus répandu en France mais qui est plus proche de la réalité d’aujourd’hui.

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