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Photo de Caroline Gagnon

Vous avez dit objet design?

Le design est une discipline qui met en forme l’intelligence, comme le décrivent si bien les commissaires de l’exposition Invention/Design: Regards croisés, du Musée des arts et métiers de Paris, réalisée par Sismo Design1. Le lien étroit entre l’invention et le design y est exploré en abordant 4 thèmes: l’essentiel, le contexte, la curiosité et l’audace. Bien que le tour d’horizon du design reste relativement modeste et qu’il s’agit essentiellement d’un regard de designers sur leur domaine, l’exposition est intéressante pour un public élargi qui ne connaît que peu le design. Je vous avais déjà parlé de le mine kafon dans mon billet précédent. Un exemplaire de cet objet y prend place pour démontrer ce duo beauté/utilité dans le contexte d’une innovation sociale aux retombées si positives pour les personnes en contexte de guerre.

Mine kafon de Massoud Hassani. Invention/Design: Regards croisés du Musée des arts et métiers de Paris  Photo Caroline Gagnon

Mine kafon de Massoud Hassani. Invention/Design: Regards croisés du Musée des arts et métiers de Paris
Photo Caroline Gagnon

L’ordinateur XO-1, développé par le Massachusetts Institute of Technology (MIT) en collaboration avec le designer Yves Béhar dans le cadre du projet One Laptop per Child, en est aussi un bel exemple. Ici, l’objet permet un plus grand accès à l’éducation et à la technologie pour les enfants des pays émergents. Le produit devait répondre à plusieurs contraintes, notamment réduire au maximum son coût d’achat et sa consommation en énergie tout en étant robuste, durable et adapté aux contextes éducationnels.

Ordinateur portable XO-1 de Yves Béhar, association One Laptop per Child, Quanta Computer, 2007. Invention/Design: Regards croisés du Musée des arts et métiers de Paris Photo CG

Ordinateur portable XO-1 de Yves Béhar, association One Laptop per Child, Quanta Computer, 2007. Invention/Design: Regards croisés du Musée des arts et métiers de Paris Photo CG

L’exposition nous montre également l’exploration qui s’est faite autour des ampoules et le lien avec les différentes transformations technologiques, de l’incandescent au fluocompact, en passant par le LED et par la multitude de produits qui en sont actuellement dérivés.

Caractéristique ou processus?
Seul écueil peut-être: ce qualificatif «design» accolé aux objets, comme s’il qualifiait le style d’un produit. C’est cette approche du design vu comme caractéristique d’un objet plus que comme processus créatif et d’analyse, autant de la fonction d’usage que des procédés de fabrication –l’expérience humaine étant alors souvent réduite à une notion de style–, que je questionne. À l’entrée, on est vite happé par cette notion de design en tant que style et donc par l’accent mis sur l’apparence du produit plutôt que sur toute l’expertise qui s’y cache. Sur le mur, une inscription en tube fluorescent nous interpelle: Est-ce que ce vélo est design? Il y a souvent beaucoup de confusion à l’égard du design comme discipline à l’expertise créative quand on la résume ainsi à l’aboutissement de l’apparence du produit.

Affiche de l'exposition interpelant le spectateur sur le design. Invention/Design: Regards croisés du Musée des arts et métiers de Paris Photo CG

Affiche de l’exposition interpelant le spectateur sur le design. Invention/Design: Regards croisés du Musée des arts et métiers de Paris Photo CG

Dans un de mes billets, je parlais de cette demande quasi systématique à l’égard du design: «faire beau». En effet, si le design permet d’enjoliver le quotidien, il le fait davantage dans un souci de l’autre (comme je le mentionnais d’ailleurs dans le billet sur le design empathique de plus en plus utilisé) que comme finalité stylistique. Ce souci de l’autre, de l’expérience humaine qui découle de l’usage d’un produit et de l’attachement à celui-ci, est peut-être ce qui est le plus difficile à montrer et à démontrer comme expertise du designer dans une exposition. En effet, cela passe par une relation sensible au monde matériel qui dépasse la simple finalité du produit en tant qu’objet appréhendé par le regard. Néanmoins, et heureusement, la plupart des objets que les Sismo nous présentent ont tous quelque chose de très humaniste et vont bien au-delà de leur simple style.

Alors, diriez-vous que ce vélo design? Qu’en pensez-vous?

Oracles du design
Dans la même lignée, on ne peut passer sous silence une autre exposition, celle-là présentée à la Gaîté Lyrique, qui pose d’emblée le design dans ce carcan du style. Certes, les Oracles du design2 exemplifie le geste créatif, l’objet incarné par les symboliques, mais les objets davantage posés comme motif de contemplation que comme dispositif d’expériences et d’usages de la vie de tous les jours. Là, peut-être, le formalisme de l’objet l’emporte sur sa réelle contribution sociale. Il ne sert qu’à «faire beau». Mais, bien que limitée comme interprétation du design, on peut également lire dans cette beauté une histoire (un peu comme je l’avais souligné dans le billet sur le cadeau).

L’événement Le Corbusier
En terminant, je vous laisse sur quelques clichés de l’événement Le Corbusier du Centre Pompidou3. Les dessins sont toujours magnifiques comme le reflet du travail de réflexion à l’œuvre. Par contre, sur le plan muséographique, l’analyse du travail de cet architecte du moderne ne va pas très loin, hélas. On peut comprendre qu’il s’agit d’un architecte important du 20e siècle, mais un regard critique de son héritage sur l’urbanisme actuel, tout comme son affiliation politique (plutôt polémique), aurait donné un peu plus de substance à l’exposition. Dans un premier temps, il faut savoir que l’approche urbanistique de Le Corbusier, par une ségrégation des fonctions, a profondément influencé le développement des villes d’après-guerre. Son approche, bien que souvent interprétée simplement, préfigurait néanmoins le rôle dominant accordé à la voiture dans la structuration urbaine des villes de la 2e moitié du 20e siècle. Par ailleurs, des auteurs récents ont soulevé différentes associations de Le Corbusier avec le facisme, notamment dans les ouvrages Un Corbusier de François Chaslin et Le Corbusier, un fascisme français de Xavier de Jarcy4.

Dessins tirés de l'événement Le Corbusier, mesures de l'homme au Centre Pompidou Photo CG

Dessins tirés de l’événement Le Corbusier, mesures de l’homme au Centre Pompidou Photo CG

Le_Corbusier2

Dessins tirés de l’événement Le Corbusier, mesures de l’homme au Centre Pompidou Photo CG

 

 

 

 

 

 

 

 

De même, l’importance du travail collaboratif de Le Corbusier avec Charlotte Perriand et Pierre Jeanneret a été largement occultée du propos de l’exposition. Comme je le soulignais dans un de mes billets portant sur les couples du design, le travail du designer est souvent collaboratif. À cet égard, il serait bien de dépasser le mythe du héros, dans ces expositions, et de parler davantage de toute la complexité et l’ambiguïté que peut révéler n’importe quel acte créatif et projet de design ou d’architecture.

Ce petit détour par Paris me permet de vous souhaiter un bel été et de merveilleuses vacances. Je vous retrouve en août avec de nouvelles pensées de design.

Vue de Paris du Centre Pompidou Photo CG

Vue de Paris du Centre Pompidou Photo CG

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