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Photo de Caroline Gagnon

Le design est une histoire de couple

Le design est une histoire de collaboration: de «nous» et pas si souvent de «je». Si on a souvent assimilé le design à des figures marquantes de créateurs comme Philippe Starck ou Karim Rashid, il est toujours intéressant de constater que ces figures emblématiques ne travaillent pas aussi seules qu’on voudrait bien le croire –un peu comme si les idées naissaient en vase clos, étincelles surgies chez un génie solitaire. Pour qu’elles deviennent une réelle innovation, les bonnes idées commandent du travail, un contexte favorable, des ressources, des expertises ainsi qu’une démarche qui s’aiguise et s’affine avec le temps, le talent et le labeur. En design, ces idées se développent souvent en équipe, que cela implique une relation avec un client, avec un manufacturier ou tout simplement au sein d’une agence qui regroupe un certain nombre de designers, de techniciens, etc. Dans cette perspective, les noms des designers célèbres s’incarnent davantage en tant que marque ou en tant qu’identité portée par le produit, qu’en tant que travail d’une seule personne.

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Ray et Charles Eames, couple mythique de créateurs
@2015 Eames Office LLC eamesoffice.com

Cherchez la femme
Comme dans la plupart des disciplines, peu de femmes ont été célébrées, au 20e siècle, pour leur accomplissement en design. On peut penser au travail exceptionnel de la designer Eva Zeisel en céramique –trop peu connue. Il existe bien sûr quelques exceptions, mais la plupart n’ont été reconnues que dans leur démarche collaborative avec un designer masculin. Je pense à Charlotte Perriand et à sa collaboration avec Le Corbusier, par exemple. Il y a aussi ces histoires de couple qui ont fondé ensemble une agence de design plus souvent qu’autrement assimilée au travail du mari.

Ce n’est que très récemment qu’on admet qu’il s’agit là d’un travail collaboratif. Qui sont ces couples de créateurs? Je ne saurais être exhaustive, et un travail historique est encore à faire pour éclairer ces pratiques à 2. Longtemps reconnus quasi exclusivement sous le couvert du travail de l’homme, ces couples nous enseignent beaucoup sur le design et sur sa dimension collaborative. De ceux que j’ai découvert au fil de mon enseignement et de mes lectures, je retiens particulièrement Charles et Ray Eames ainsi que Lella et Massimo Vignelli, puisqu’ils sont mis en lumière par 2 excellents documentaires: The Architect and the Painter et Design is One.

Charles et Ray Eames
Ces documentaires illustrent bien ce travail de complicité où l’un et l’autre membre du couple contribuent à enrichir un projet. S’il y a bien sûr des spécialités, on reconnaît aisément qu’il s’agissait d’un travail à 4 mains où il est parfois difficile de savoir qui a fait quoi. Dans le documentaire sur les Eames, The Architect and the Painter, on découvre le travail de ce légendaire bureau du design de la seconde moitié du 20e siècle et la relation particulière entre Charles et Ray. Les historiens qui ont participé au film tracent un portrait bien ancré dans la culture du design de l’époque. Il faut savoir que les Eames exerçaient le design dans toutes ses ramifications, du mobilier à l’architecture, en passant par la photographie, le cinéma expérimental et ce qu’on pourrait appeler aujourd’hui les prémisses du design de communication et d’interaction. Ils ont travaillé pour Herman Miller, l’armée américaine et IBM. Leur mobilier est encore fabriqué aujourd’hui. La Eames Plastic Chair est certainement une de leurs pièces de mobilier les plus connues. Cette chaise, d’abord créée en fibre de verre, avait été conçue à l’occasion d’un concours «Low Cost Furniture Design» du Museum of Modern Art de New York. 

Photo Herman Miller inc.

Photo Herman Miller inc.

Ce documentaire est fascinant à plusieurs égards et montre bien comment la collaboration dans le couple a souvent été occultée au profit de la mise à l’avant-plan de Charles. On y voit un Charles qui essaie tant bien que mal de montrer que sa femme n’est pas uniquement son assistante, mais bien sa collaboratrice, devant une journaliste incrédule et qui méprise Ray. Mais on voit également tout l’engagement de cet homme à l’égard du bureau qu’il a créé avec Ray et toute l’influence qu’il y a exercé. On découvre aussi que ce n’était pas toujours facile d’entrer dans le monde des Eames et d’y travailler, comme en font foi les nombreux témoignages de ceux et celles qui y sont passés.

Massimo et Lella Vignelli
Si le documentaire sur le travail de Massimo et Lella Vignelli est moins approfondi sur le plan sociohistorique, il demeure intéressant pour découvrir la complicité entre les 2 designers et le rôle qu’ils ont joué dans la culture visuelle nord-américaine. On doit aux Vignelli la carte et la signalétique du métro de New York, de la vaisselle pour Heller ainsi que l’identité corporative de Knoll International, de Bloomingdales, de Saks Fifth Avenue, de Ford et d’Amercican Airlines.

Lella et Massimo Vignelli Photo du domaine public

Lella et Massimo Vignelli

«Collaboration, for us, means sharing the same cultural platform, a similarity of intents and aiming to the same objectives.» –tiré du blogue idsng

Ces parcours exceptionnels en design nous amènent à découvrir la collaboration intrinsèque qui s’est développée chez ces couples de designers tout autant qu’ils montrent comment cette relation a souvent été sous-estimée. C’est aussi le cas des Aino et Alvar Aalto, des Lucienne et Robin Day et d’autres encore qu’il me faudra approfondir.

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  1. Publié le 14 février 2015 | Par Koen De Winter

    L'idée des couples en design me faisait penser à un matin de la fin de mai en 1977. J'étais à Helsinki en voilier et j'espérais pouvoir atteindre Laajalahti (large baie) en bateau, mais le mat était trop haut pour passer les 2 ponts qui séparent cette large baie de la partie finlandaise de la Baltique. Je suis donc arrivé à Munkkiniemi en autobus. Je fais donc partie des chanceux qui (1 an après la mort de Alvar Aalto) ont remonté Laajalahdentie jusqu'à Riihitie pour visiter le site de la maison des Aalto (ce n'était pas encore un musée). Il n'y a pas de doute que le bâtiment reflète la vision que les Aalto avaient de leur relation et de leur relation commune avec le travail d'architecture et de design. Une relation qui ne change pas beaucoup quand le bureau des architectes déménage quelques rues plus loin sur Tiilimäli. Le bâtiment du bureau, tout en étant adjacent, est différent du point de vue de la forme et du choix des matériaux, mais complémentaire au volume de la résidence. Tout comme la maison qu'il partage 25 ans avec Naimo jusqu'à sa mort, la maison expérimentale reflète la relation d'Alvar Aalto avec sa 2e épouse, Elissa.
    Il n'y a pas de doutes que Naimo a eu une grande influence et a remis sur les rails le début difficile de la carrière de Alvar (la famille Mandalin était proche de la famille Gullichsen). Mais le fait que de façon assez régulière le couple participait à des concours d'architecture avec des projets individuels dit quelque chose sur la volonté de Naimo et de Alvar de s'exprimer individuellement. Ce qui est assez différent de Ray et de Charles Eames, de Leila et de Massimo Vignelli ou de Lucienne et Robin Day.
    En ce jour de Valentin, c'est une idée intéressante d'explorer ces relations d'amour et comment ils influencent le travail mutuel...j'espère que tu continues!

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