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Photo de Martin Dubois

Accroître la densité urbaine? Oui, mais…

La densification urbaine fait beaucoup parler d’elle depuis quelques années à Québec, comme dans toutes les villes d’importance d’ailleurs. En fait, la densification des villes est l’un des principaux remèdes à l’étalement urbain qui ne cesse de s’amplifier et de causer des problèmes d’ordres économique, écologique et social: gaspillage d’énergie et de temps pour couvrir de plus grandes distances, coûts grandissants des infrastructures, étiolement des centres-villes, etc. Aujourd’hui, à peu près tout le monde s’accorde sur le principe qu’une plus grande densité au cœur de la ville favorise l’économie d’énergie, la consolidation de transports alternatifs ainsi que l’optimisation et l’amélioration des équipements collectifs.

Mais le mot fait peur, surtout lorsqu’il concerne notre quartier, notre milieu de vie. Même lorsque la densification est qualifiée de «douce», le syndrome du «pas dans ma cour» s’observe un peu partout. Spontanément, le mot «densification» fait penser à des immeubles en hauteur, à des tours ou à des mastodontes qui vont apparaître sur un terrain voisin. Pourtant, densité ne rime pas nécessairement avec hauteur excessive. Les quartiers qui ont une densité optimale ne sont peut-être pas ceux qu’on pense!

Le quartier Saint-Jean-Baptiste à Québec.

Le quartier Saint-Jean-Baptiste à Québec

 

Viser la densité optimale
Des collègues professeurs de l’École d’architecture, notamment Geneviève Vachon et GianPiero Moretti, se penchent depuis plusieurs années sur la notion de densité dans nos villes à travers divers projets de design urbain. Dans l’une de leur présentation lors du 2e Colloque sur l’Innovation de la Ville de Québec en 2010, ils mentionnaient que la densité optimale en termes de qualité de vie et de viabilité urbaine dans le contexte québécois était un milieu de moyenne densité comportant entre 30 et 125 unités d’habitation à l’hectare.

Cet idéal se situe entre 2 milieux. Celui de haute densité (125 unités/ha et plus), composé habituellement de grands HLM ou de grandes tours à logements qui ne sont pas toujours des lieux rêvés pour élever une famille, et où le sentiment d’entassement est réel. Et le milieu de faible densité (30 unités/ha et moins), des quartiers composés uniquement de bungalows par exemple, qui n’atteignent pas une masse d’habitants suffisante pour faire vivre des commerces de proximité ou pour être desservis efficacement par le transport collectif.

À Québec, parmi les quartiers de densité moyenne, on note les quartiers Vieux-Limoilou et Montcalm. Composés essentiellement de triplex mitoyens dans une trame de rues relativement serrée, ces quartiers peuvent atteindre de 80 à 120 unités par hectare, ce qui s’approche de la haute densité. Pourtant, ils ne possèdent presqu’aucun immeuble en hauteur et le gabarit moyen de 3 étages suffit à donner une grande densité qui n’est toutefois pas perçue comme telle.

Aussi une question de perception
Les chercheurs Vachon et Moretti ont notamment démontré que la densité est en grande partie une affaire de perception. Par exemple, pour un même terrain avec 100 unités de logements, les perceptions sont bien différentes s’il s’agit d’une tour de 20 étages, de plusieurs blocs d’appartements de 5 étages distancés les uns des autres ou de triplex mitoyens de 3 étages qui occupent plus d’espace au sol. Bien qu’il soit possible d’aménager plus d’espaces verts autour d’immeubles plus imposants, nous percevons le milieu comme plus dense lorsque la hauteur est plus importante. Pourtant, il s’agit du même nombre de logements au total. Cela nous amène à penser que certains types d’immeubles jouissent d’un niveau d’acceptabilité plus grand et qu’avec des immeubles de 3 ou 4 étages, on peut créer des milieux de vie intéressants et relativement denses.

Par exemple, la densité de population des quartiers Vieux-Limoilou et Montcalm permet de faire vivre des rues marchandes conviviales comme l’avenue Cartier ou la 3e Avenue, d’être bien desservis par le réseau de transport en commun, d’avoir des écoles et des parcs à proximité. Il en résulte des quartiers recherchés où l’on trouve des clientèles diverses, dont de jeunes familles, et où il est possible de se déplacer à pied ou à vélo, ce qui permet bien souvent de limiter le nombre de voiture à une par ménage, chose presqu’impossible dans les banlieues plus éloignées.

Bien sûr, le coût des loyers dans ces quartiers est plus élevé, surtout dans Montcalm, mais les économies d’essence, de coûts reliés à la 2e voiture et de temps passé dans les bouchons sont très appréciables. On marche généralement plus dans ces quartiers, ce qui est aussi profitable pour la santé. C’est d’ailleurs un peu ce type de milieu que veulent recréer les nouveaux écoquartiers actuellement en développement dans les secteurs de la Pointe-aux-Lièvres et de D’Estimauville. Même si on vise une densité un peu plus élevée que dans les quartiers centraux existants, c’est la même qualité de vie que l’on cherche, sans gratte-ciel, et sans trop de place laissée à l’automobile.

Triplex du quartier du Vieux-Limoilou à Québec.

Triplex du quartier Vieux-Limoilou à Québec

 

Où densifier?
Connaissant mieux la densité optimale dans notre ville et la densité actuelle de ses différents quartiers, il est plus facile de voir où une densification urbaine peut avoir le meilleur effet. Les quartiers centraux (Vieux-Québec, Saint-Jean-Baptiste, Montcalm, Saint-Sacrement, Saint-Roch, Saint-Sauveur, Limoilou) ayant déjà atteint une belle densité, ce ne sont peut-être pas les meilleurs endroits pour densifier à outrance et risquer de briser l’équilibre. Bien sûr, on peut toujours construire sur des terrains vacants ou des stationnements, mais ce n’est pas là que la densification aura de plus grandes incidences.

C’est dans les quartiers de la première couronne de banlieue, comme à Sainte-Foy, à Beauport, à Charlesbourg ou à Vanier que se trouve le plus grand potentiel de densification, n’en déplaise aux habitants de ces secteurs. Et pas nécessairement dans les quartiers résidentiels, mais sur les principales artères commerciales comme les boulevard Laurier, Wilfrid-Hamel, Sainte-Anne, Henri-Bourassa, etc. Ces grands boulevards bien desservis par les réseaux de transport sont souvent bordé d’immeubles de 1 ou 2 étages perdus au centre d’une mer de stationnements. On a déjà d’ailleurs commencé à construire plus en hauteur sur ces espaces gaspillés et cela devrait s’amplifier au cours des prochaines années.

Un projet de densification fait présentement l’actualité dans le quartier Montcalm. Un promoteur souhaite construire un immeuble de 6 étages sur un terrain vacant, anciennement occupé par une station-service, à l’angle du boulevard René-Lévesque Ouest et de l’avenue Cartier. En raison de la forte opposition de la population du quartier envers la hauteur excessive de l’immeuble projeté –le zonage prévoit 4 étages–, le projet sera soumis à un référendum. Je suis d’avis que ce quartier étant déjà très dense avec son gabarit uniforme d’immeubles de 3 ou 4 étages, les efforts de densification devraient être davantage concentrés dans d’autres secteurs de la ville. Une construction de 4 étages sur ce site serait déjà une belle densification en soi en faisant disparaître un terrain vacant: pourquoi créer une rupture avec un immeuble plus grand pour une seule raison de rentabilité?

L’immeuble projeté au coin du boulevard René-Lévesque Ouest et de l’avenue Cartier.Image fournie par David Grondin, Société immobilière Miradas.

L’immeuble projeté au coin du boulevard René-Lévesque Ouest et de l’avenue Cartier.
Image fournie par David Grondin, Société immobilière Miradas.

 

Bien d’autres sujets en lien avec la densification pourraient être abordés, dont celui des immeubles en hauteur à Québec. Je promets donc d’y revenir bientôt dans de prochains billets.

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  1. Publié le 15 avril 2016 | Par pierre

    Merci pour le billet!
  2. Publié le 23 mars 2015 | Par Jean-Sébastien Gagné

    Désolé, ça ne suit pas vraiment l'article, mais c'est juste des constatations faites depuis une certaine évolution de densification.

    Depuis 2011, nous entendons parler de densification urbaine de la ville de Québec, mais qu’en est-il vraiment? Es-ce que Québec, une ville modeste, se développe selon le marché économique ou selon un développement social et environnemental? Voici 2 lieux de développement urbains densifiés récemment. Sont-ils plus axés sur un développement économique ou sur un développement durable?

    Le 1er lieu est les anciens champs de Robert Giffard. Ces champs ont été autrefois des terres agricoles. En 1995, ces terres étaient inexploitées et, en 2010, elles ont été vendues à des promoteurs immobiliers. C’est un nouveau développement résidentiel dans le quartier Saint-Pie-X sur la rue Camille-Lefebvre, une zone ouverte depuis 2011.

    Il y a une école primaire et secondaire située à moins de 500m de la zone de développement résidentiel. Il y a un parc et une piscine publique extérieure à moins d’un kilomètre. Les boulevards sont assez loin, c’est un endroit qui semble raisonnable pour habiter et avoir des enfants. La conception des logements n’est néanmoins pas parfaite, par exemple, ils n’offrent pas aux parents une cuisine avec vue sur le terrain de jeux. Alors, comment avoir une œil sur les enfants en terminant les tâches quotidiennes et donner l’autonomie aux enfants d’aller jouer à l’extérieur avec les dangers qui peuvent les guetter? Mais cet endroit est toutefois plus sécuritaire que le second endroit dont je vais parler.

    La seconde place, dans le quartier Charlesbourg, est une coopérative d’habitation développée et pensée pour avoir une vie de «communauté». Avant d’être un site de construction de 70 logements, il s’agissait de terre agricole le long du boulevard Saint-David. Avec du recul, on peut voir que les agriculteurs, avec toutes les surévaluations de terrains, ont dû céder des parties de terrains, puisque les coûts devenaient faramineux. Par contre, il y a eu des recours pour protéger les terres agricoles et l’exagération des hausses de taxes jusqu’en 2025, mais ces efforts vont donner quoi en bout de ligne, si les promoteurs veulent les terrains?

    Il y a une école primaire située à 500m, qu’il est possible d’atteindre sans passer par le boulevard très achalandé. De plus, la zone de vitesse de 50km est très peu respectée sur cette artère, ce qui la rend dangereuse surtout pour des enfants. Il y a un parc avec des jeux d’eau à un kilomètre, mais il faut traverser le boulevard. L’espace qui devait séparer les 2 édifices selon les plans d’origines a été vendu à une coopérative voisine pour les personnes de 60 ans et plus. Alors, les espaces de terrain de jeux ont été aménagés à des endroits isolés et non pas en îlots centraux, comme il était convenu au début.

    Dans les 2 cas, nous trouvons raisonnable de rapprocher des gens, mais, dans les 2 cas, il n’y a pas de lieu de penser à des salles communautaires. Effectivement, dans les 2 cas, ce sont des pertes économiques pour les entrepreneurs qui veulent seulement construire plus de logements. La densification a l’avantage de rapprocher un grand nombre de personnes dans des lieux, mais ne facilite pas nécessairement les relations entre les membres ou le bon voisinage. De plus, dans les 2 cas, les réseaux de transport ne vont pas en s’améliorant, puisque la fréquence des transports en commun n’a pas encore augmenté pour desservir la nouvelle population et pour inciter les gens à utiliser le transport en commun depuis sa maison. De plus, les terres agricoles disparaissent et la hausse de prix des terrains fait en sorte que les propriétaires doivent vendre à cause des taxes trop élevées. Un commentaire que j’ai entendu lorsque nous avons voulu faire un jardin communautaire a été: «un jardin, c’est sale, ça salit». Il reste encore beaucoup de travail à faire pour arriver à des compromis et des ententes raisonnables. Je crois que la seule façon d’y arriver, c’est de passer par des lois qui obligent à avoir un comportement responsable pour avoir un développement durable dans la ville, puisque les gens ont beaucoup trop d’immaturité sociale et environnementale. Et dans un autre aspect, l’étalement urbain n’est pas mieux écologiquement, malgré qu’il soit plus vert.

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