L’immortalité existe: oui, mais…
L'ovule, une cellule immortelle qui refuse encore de livrer ses secrets.
Propos recueillis par Matthieu Dessureault
Marc-André Sirard l’affirme: l’immortalité existe. Elle se trouve dans l’ovule, objet de toutes ses attentions scientifiques. Une «cellule extraordinaire», qui renferme moult secrets. Mais le chercheur calme bien vite nos ardeurs, car entre l’immortalité inscrite dans les ovules et la perspective de la vie éternelle pour les humains, il y a un monde: c’est utopique, juge-t-il.
La réputation de Marc-André Sirard1dans le domaine de la génomique n’est plus à faire. Ce médecin vétérinaire de formation a commencé sa carrière en s’intéressant à la reproduction des bovins. Aujourd’hui professeur de la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation et directeur du Centre de recherche en biologie de la reproduction, il répond à nos questions.
En quoi l’immortalité existe-t-elle?
Elle existe si l’on considère qu’un ovule fécondé qui produit un nouvel organisme ne meurt pas. C’est la seule cellule qui survit d’une génération à l’autre et passe à la suivante sans transmettre l’usure ou le vieillissement de ses gènes: une femme de 25 ans donnera naissance à un bébé au bagage génétique tout neuf grâce à une sorte de reprogrammation des cellules. Il y a quelque chose de magique dans cette capacité de vieillir et de transmettre du neuf à chaque génération. La mécanique de l’ovule est très complexe et on ne la comprend pas encore.
De quelle façon s’y prend-on pour percer les secrets de l’ovule?
Il y a environ 25 000 gènes chez l’humain et chez les autres animaux. Une centaine de ces gènes sont particuliers à l’ovule, mais on ne connaît pas encore leur rôle. Dans un ovule, nous essayons d’abord d’identifier ces gènes particuliers, puis de mieux comprendre leur fonctionnement.
Il faut savoir que l’ovule est très petit. Il a la grosseur d’un point de crayon sur une feuille. Pour compliquer encore notre travail, les humains et les bovins en produisent un seul par mois: au labo, nous n’avons pas de chaudières remplies d’ovules pour faire des tests biochimiques! Nous sommes donc limités dans notre capacité d’analyse. Il a fallu développer des outils microscopiques. On prend les gènes, on les isole et on essaie de voir comment ils fonctionnent.
Une des découvertes majeures du domaine est survenue il y a 5 ou 6 ans: on a trouvé des gènes qui ont la capacité de rajeunir une vieille cellule. L’ovule utilise ces gènes à outrance.
1 Marc-André Sirard est également chercheur principal et codirecteur du réseau EmbryoGENE. ↩
Croyez-vous que l’humain pourrait un jour devenir immortel?
Nous ne deviendrons donc jamais immortels, mais on peut prolonger la durée de vie de certains de nos tissus. Certains se réparent un peu mieux que d’autres, comme un muscle ou un foie. Là où ça devient compliqué, c’est avec le cerveau. On ne peut pas y injecter des cellules neuves en pensant qu’elles vont s’intégrer. Le cerveau est un système arborescent dans lequel chaque connexion détermine ses fonctionnalités. Remplacer les vieilles cellules par des neuves devient alors extrêmement compliqué.
La quête d’immortalité a ses limites, surtout pour le cerveau. Même pour les autres tissus ou organes qu’on pourrait régénérer en cas de dommages précoces, il n’est pas question d’atteindre l’immortalité, mais d’augmenter la longévité fonctionnelle.
Quelles questions éthiques poserait l’immortalité de l’humain?
Tous les poètes et les philosophes s’entendent pour dire que ce qui donne de la valeur à la vie, c’est le fait qu’elle ne dure pas. Les gens se rendraient compte qu’il y aurait beaucoup de problèmes à vivre plus longtemps. Par exemple, il serait vite insoutenable de continuer à se reproduire. Pour ma part, je ne n’aurais pas été prêt à renoncer à avoir des enfants en échange d’une vie plus longue: j’en ai 3 et ils m’apportent beaucoup!
Et puis survivre indéfiniment n’est pas toujours souhaitable. Un professeur retraité à qui j’avais demandé s’il aimerait vivre encore longtemps m’a répondu: «Oui, mais pas trop». Il se sentait de plus en plus déconnecté de la société parce qu’il n’adhérait pas aux valeurs des jeunes générations. Pour lui, vivre encore très longtemps nécessiterait une constante réadaptation, alors qu’il lui était devenu difficile de changer. J’ai trouvé sa réponse absolument enrichissante. L’environnement social bouge tellement vite! Arrive un moment où le changement n’est pas nécessairement une source de bonheur.
L’immortalité est, selon moi, un non-sens. Fondamentalement, la planète change tout le temps. Les individus et les espèces qui ne changent pas finissent par disparaître. C’est pourquoi il faut se reproduire et se renouveler.
Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser au système reproductif?
Parviendrons-nous un jour à percer tous les mystères de la reproduction?
Oui, mais notre cerveau étant incapable d’englober cette complexité d’information, nous aurons besoin d’ordinateurs et d’outils facilitateurs. Chaque cellule du corps humain fonctionne avec 15 000 gènes en même temps. Ces gènes n’interagissent pas de la même façon d’une cellule à l’autre. De plus, notre système est excessivement sensible à l’environnement. Il est adapté pour s’adapter. Bref, l’humain est une machine très complexe. Il faudra se doter d’algorithmes pour faciliter notre compréhension.
On en a encore pour un bon siècle avant d’en arriver là!
Publié le 9 avril 2014
Publié le 8 septembre 2016 | Par baby
Publié le 16 avril 2014 | Par MASirard
Le spermatozoïde se suicide biologiquement lors de la fécondation.
Il perd sa membrane pour entrer dans l’ovule (donc biologiquement, il ne peut plus survivre); ensuite on détruit presque tout ce qu’il apporte sauf l’ADN.
Fonctionnellement, il est donc digéré pour extraire son ADN ce qui fait contraste avec l’ovule qui continue de métaboliser, de respirer et donc ne meurt pas.
Publié le 15 avril 2014 | Par Michel Jobin
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