Guérir du trouble de stress post-traumatique
Malgré des connaissances en constante évolution, les meilleures interventions restent à mettre au point pour aider les personnes atteintes et leur entourage.
Propos receuillis par Mélanie Larouche
Au Canada, trois personnes sur quatre sont susceptibles de vivre un événement traumatique au cours de leur vie. Si la plupart pourront s’adapter à une telle expérience, 10% d’entre elles développeront un trouble de stress post-traumatique (TSPT). Cette proportion va jusqu’à quadrupler chez les gens plus à risque, dont font partie les militaires, les victimes d’agressions sexuelles et les individus gravement blessés.
Geneviève Belleville, psychologue et professeure à l’École de psychologie de l’Université Laval, s’intéresse à la santé mentale et à la résilience des personnes après un désastre. Ses recherches visent à élargir l’accès à des interventions fondées pour traiter les personnes atteintes de TSPT. Elle a notamment développé une plateforme en ligne qui a fait ses preuves auprès des sinistrés de Fort McMurray. Elle est aussi coauteure de l’ouvrage Les troubles liés aux événements traumatiques: guide des meilleures pratiques pour une clientèle complexe, publié en 2019.
Qu’est-ce que le trouble de stress post-traumatique?
C’est une maladie qu’il n’est pas simple de définir. Son portrait clinique est divers et complexe. Par contre, ce que nous savons avec certitude, c’est que le TSPT survient en réaction à un événement traumatique. Cet événement peut prendre différentes formes, par exemple une agression ou un grave accident. Également, la personne touchée peut avoir perdu des proches, avoir été témoin de situations très difficiles ou avoir composé avec des réalités particulièrement pénibles, comme celle de la guerre.
Cela dit, il existe un élément déterminant commun à tous ceux et celles qui développent un TSPT à la suite d’un événement traumatique. C’est cette perception ressentie d’une réelle menace pour leur intégrité, voire pour leur vie.
Quels sont les signes typiques du TSPT?
Une vingtaine de symptômes ont été identifiés pour déceler un TSPT. On les classe en quatre catégories. Les symptômes de reviviscence amènent la personne à revivre sans cesse l’événement dans sa tête et à éprouver chaque fois les mêmes malaises. Les symptômes d’évitement la poussent, au contraire, à ne pas vouloir repenser à l’événement, à refouler ses souvenirs. Les altérations de l’humeur peuvent se caractériser par un état dépressif, par le fait de se retirer ou de se détacher de son cercle social pour s’isoler. Enfin, l’hyperactivation se manifeste par des sursauts, une capacité de concentration altérée, un mauvais sommeil, autant de réactions associées au fait que le cerveau croit la menace encore présente.
Précisons qu’il peut être normal de présenter l’un ou l’autre de ces symptômes après un événement difficile. Par contre, on parle d’un TSPT seulement si ces derniers s’accentuent ou persistent dans le temps.
Ici, il est essentiel de préciser que la vulnérabilité au TSPT n’est pas un signe de faiblesse mentale.
Quand et comment se déclenchent les symptômes du TSPT?
Ils peuvent apparaître immédiatement après l’événement traumatique, mais ils peuvent aussi mettre des semaines, des mois, voire des années avant de se déclarer. Parfois, tout semble se dérouler sans faille pour la personne, aucune réaction n’est décelée après l’événement. Puis, soudainement, des circonstances particulières lui font revivre le stress vécu alors. Et c’est à ce moment que la réaction émerge.
Quelles sont les répercussions pour la personne atteinte?
S’il n’est pas traité adéquatement, le TSPT peut devenir chronique et très invalidant, jusqu’à affecter toutes les sphères de la vie de la personne atteinte. Les conséquences sont significatives dans les relations interpersonnelles, mais aussi au travail ou à l’école étant donné la capacité de concentration nettement réduite qui en résulte. La santé physique aussi est affectée. De plus, la personne peut se mettre à consommer avec excès drogue, alcool, nourriture, et des comportements compulsifs peuvent émerger. Son jugement étant également affecté, elle peut se remettre en danger, par exemple conduire dangereusement, fréquenter de mauvaises personnes ou s’isoler parce qu’elle ressent de la honte.
Et pour ses proches?
Devant ces réactions, les proches réalisent bien que quelque chose ne va pas. Souvent, le diagnostic de TSPT vient enfin apporter des explications à des comportements qui les inquiétaient grandement. Il est parfois difficile pour eux de faire le lien entre le comportement et la maladie. Les proches sont en quelque sorte des victimes collatérales, eux aussi voient souvent leur environnement bouleversé. Néanmoins, puisque le TSPT est une maladie, il importe de ne pas juger les personnes atteintes à l’égard des symptômes qu’elles présentent.
Qui est à risque de souffrir d’un TSPT?
À première vue, un soldat de retour de la guerre apparaît comme un cas évident. Mais on n’a pas besoin de vivre des situations extrêmes pour être atteint d’un TSPT. En réalité, tout le monde peut un jour ou l’autre être affecté par un événement traumatique.
Le fait pour quelqu’un de développer ou non un TSPT par la suite, ainsi que le degré d’intensité que présentera son trouble, dépend de plusieurs facteurs. Parmi eux, le niveau de vulnérabilité et d’adversité qui caractérise cette personne avant l’événement. Par exemple, les policiers, les soldats ou les premiers répondants sont régulièrement aux prises avec des situations stressantes ou troublantes. Au lieu de les habituer, cette accumulation peut augmenter leur degré de vulnérabilité.
Ensuite, la nature de l’événement lui-même, son envergure et ses conséquences ont une incidence importante sur l’apparition du TSPT.
Enfin, le soutien social dont dispose ou non la personne après l’événement, le degré de compréhension de son entourage, l’accessibilité à des ressources spécialisées ont des conséquences sur la survenance du TSPT et sur son évolution.
Le TSPT est-il plus courant qu’avant?
Bien qu’on le rencontre assez fréquemment, il n’y a pas de données probantes qui indiquent une augmentation de la prévalence du TSPT. En revanche, c’est une affection mieux reconnue parce qu’elle a fait l’objet de nombreuses études et continue de le faire. Conséquemment, il est plus facile de comprendre et de traiter le TSPT qu’auparavant, car il existe davantage d’outils pour ce faire. Par exemple, le TSPT est désormais connu du corps médical et son diagnostic peut être fait par un médecin de famille. Il y a aussi plus de sensibilisation sur le sujet, entre autres chez les professionnels de la santé, mais aussi chez d’autres intervenants comme les policiers, les premiers répondants, les travailleurs sociaux, etc.
Comment traite-t-on un TSPT?
Le TSPT peut être traité par la pharmacothérapie, notamment pour pallier une dépression, des troubles du sommeil ou de l’anxiété, et par la psychothérapie. Par exemple, la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) est recommandée pour le traitement d’un TSPT. Elle comprend des stratégies d’expression des émotions liées au TSPT, d’exposition graduelle au scénario de l’événement traumatique, de restructuration cognitive pour cibler les pensées irrationnelles qui maintiennent la détresse, de gestion de stress et de contrôle de l’anxiété. Tout cela dans une alliance sécurisante et empreinte de respect avec le clinicien. La pharmacothérapie et la psychothérapie peuvent être utilisées individuellement ou de manière combinée. Il n’a pas été prouvé que la combinaison des deux est toujours la meilleure solution; c’est une affaire de cas par cas. La réaction des patients aux traitements est très variable. Il faut souvent un certain délai pour déterminer ce qui convient le mieux à chacun. Il reste des ponts à établir entre le trouble et son traitement, mais les connaissances dans ce domaine sont en constante évolution.
À quoi travaillent les chercheurs afin d’améliorer le traitement du TSPT?
Nous voulons mettre au point des traitements de psychothérapie qui répondent aussi bien aux besoins des cliniciens qu’à ceux de leurs patients, ce qui n’est pas toujours le cas. Par exemple, il arrive que des cliniciens choisissent de ne pas utiliser certaines thérapies plus «confrontantes», même si cette voie présenterait de bons espoirs de guérison pour leurs patients. Ces professionnels choisissent plutôt d’emprunter d’autres chemins pour les traiter afin d’éviter de fortes réactions chez eux. Il est donc important de considérer cet aspect des choses dans l’élaboration de traitements et dans le partage des bonnes pratiques.
Peut-on guérir d’un TSPT?
Oui, la personne atteinte d’un TSPT peut guérir à partir du moment où elle accepte d’affronter son traumatisme. C’est seulement de cette façon que l’événement traumatique pourra devenir pour elle un souvenir qui ne génère plus de détresse psychologique, qui n’est plus perçu par le cerveau comme une menace. C’est un élément clé de la guérison et, en ce sens, les symptômes d’évitement seront la première cible du traitement. Certes, la personne ne sera plus jamais comme avant. L’événement traumatisant s’intègre dans son histoire et devient un maillon important de son vécu et de ce qu’elle devient. Seulement, les effets de ces changements peuvent être extrêmement positifs. Par exemple, la personne peut développer une plus grande sensibilité à l’égard des gens vivant des difficultés, réaliser la valeur de la vie, de la santé, de la famille.
Qu’est-ce qui vous a motivée à choisir le traitement du TSPT comme objet de recherche?
Je suis quelqu’un qui tient à comprendre les choses pour mieux m’y consacrer. Le fait que le TSPT peut être directement lié à un élément déclencheur, en l’occurrence un événement traumatique, me conforte dans mon besoin de connaître et de saisir la cause de la maladie dont souffre le patient. Je suis une femme très pragmatique! C’est ce trait de ma personnalité qui me pousse à vouloir aider les professionnels de la santé à offrir le meilleur traitement possible aux gens aux prises avec un TSPT.
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Avez-vous tenté d'appliquer ces connaissances aux proches aidants?
Il paraît que plus de 70 % seraient classifiables comme victimes de choc post-traumatique.
Cette donnée existe dans une recherche menée à l'Université Laval.
J'avoue que cette expérience est traumatisante au maximum.
Bonne suite de recherche.
Publié le 15 novembre 2019 | Par Daniel Ouellet
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