Propos d'un écoloquace
Publié le 4 mars 2015 | Par André Desrochers
Tirer sur le messager
Quand on est à court d’arguments, il est toujours plus facile de tirer sur le messager, à défaut de le museler. La semaine dernière, c’était au tour du climatosceptique Wei-Hock «Willie» Soon de se faire attaquer dans le New York Times. Son délit était d’être en conflit d’intérêts, vu des sommes importantes (1,2 million USD) qu’il aurait touchées de l’industrie pétrolière, selon Greenpeace et un groupe de chasse à la sorcière nommé Climate Investigations Center. La nouvelle sent le recyclé, et on se demande pourquoi le NYT l’a ressortie, car elle circule dans les médias et la blogosphère depuis 2011.
Plus récemment encore, c’était le Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE) et Environnement Vert-Plus (EVP) qui se voyaient éclaboussés par l’annonce du financement de leur offensive contre le projet de cimenterie polluante de Port-Daniel—Gascons par un concurrent du promoteur. Dans une veine similaire, on pourrait aussi évoquer l’épisode totalement ironique où Greenpeace traîna dans la boue les promoteurs d’Énergie Est (pipeline débouchant à Cacouna) parce que ces derniers avaient osé préparer une campagne publicitaire jugée manipulatrice. On sait évidemment que Greenpeace, l’accusateur, lave plus blanc que blanc, faisant de la «sensibilisation» plutôt que de la publicité. Et bien sûr, une campagne publicitaire ne devrait pas être manipulatrice!
Je pourrais déterrer de nombreux exemples où un débat de fond est détourné par des accusations visant le messager plutôt que le message. Bien sûr, c’est le travail des médias de déterrer les méfaits croustillants des intervenants dans des débats de société. Le public veut flairer la fragrance du pétrole dans les écrits de Willie Soon. On veut aussi savoir que le chef du GIEC1 Rajendra Pachauri, cette hydre onusienne étudiant les divers «forçages radiatifs» du climat, est accusé de «forçage sexuel» auprès de ses employées. On voudrait peut-être aussi savoir que des OBNL qui s’alarment sur le climat touchent des sommes intéressantes de l’industrie pétrolière…
Démasquer les véritables intentions
Comprenez-moi bien, il est pertinent de savoir d’où viennent idéologiquement les divers intervenants dans les débats scientificopolitiques sur la sauvegarde des bélugas, la pollution, les changements climatiques, la gestion des forêts, etc. En général, c’est facile. Dans le cas du chercheur climatosceptique Willie Soon, démasquer ses sources revenait à enfoncer une porte ouverte, ses allégeances étant bien connues. Tout comme dans le cas de tous ces chercheurs en environnement dont l’idéologie sociopolitique est une des motivations fondamentales —souvent exprimée ouvertement— de leurs travaux. Mais quand c’est moins évident, il est important d’exposer les biais, car il devient plus facile de déchiffrer les propos des intervenants prétendant à l’objectivité.
Ceci étant dit, il est crucial de ne pas perdre de vue le débat de fond masqué derrière les potins. Si l’intégrité du processus scientifique par lequel le chercheur, tout aussi biaisé soit-il, est arrivé à ses conclusions est jugée acceptable, à quoi bon se préoccuper des sources de financement? La proposition 2+2=4 ne devrait pas être moins vraie parce qu’elle provient d’un exercice financé par les magnats du pétrole ou le Fonds mondial pour la nature.
L’œuf ou la poule
Un des principaux problèmes derrière les accusations de conflit d’intérêts chez les intervenants du camp adverse (quel qu’il soit) est la confusion entre cause et effet. Est-ce que Willie Soon a déformé la démarche scientifique parce qu’il a reçu des fonds pétroliers? Ou est-ce plutôt son scepticisme, ou une idéologie de droite bien ancrée, qui lui a valu les faveurs de l’industrie pétrolière? Le journaliste Jean-François Cliche couvre de belle manière le péril des raccourcis par lesquels on imagine que les fonds de recherche vont automatiquement dicter les conclusions des intervenants financés. Pour le citer, «dans la majorité des cas, l’argent n’achète pas les convictions d’une organisation ni les conclusions d’une étude». Étrange tout de même qu’il ait attendu l’annonce du financement de groupes écologistes dans un dossier de cimenterie pour nous livrer sa sagesse, alors que moult accusations se sont présentées récemment, où l’accusé n’était pas environnementaliste. Deux poids, deux mesures?
Malgré les mises en garde de Cliche, de moi-même et de nombreux autres commentateurs, on continue à croire dans plusieurs cercles que la source de financement biaise les études, que celles-ci soient réalisées par des chercheurs individuels ou par des organisations. On devrait plutôt se préoccuper du silence étourdissant des médias sur les biais possibles dans les travaux de chercheurs financés par de grandes organisations environnementalistes. Pourquoi une recherche financée par le Fonds mondial pour la nature serait-elle moins biaisée qu’une recherche financée par la pétrolière Suncor? Aller au bout de cette logique paranoïaque reviendrait à refuser des sommes importantes versées pour la recherche en environnement. On n’en a pas les moyens.
Et n’allez pas me dire que les OBNL n’ont pas d’argent, avec un budget annuel combiné autour d’un milliard de dollars pour Greenpeace et le Fonds mondial pour la nature. Budget dévolu UNIQUEMENT à la cause environnementale et à la fameuse «sensibilisation». Sans parler des divers ministères de l’environnement qui sont truffés de militants prêts à travailler pour «sauver la planète» avec des fonds de contribuables un peu moins militants. Cela représente beaucoup, beaucoup d’argent.
Revenir à la base
Au fond, ces potins sur le financement de recherches portant sur des enjeux environnementaux n’apportent pratiquement rien au débat de fond sur l’attribution des changements climatiques récents (Willie Soon), sur la pertinence d’un projet de cimenterie (CQDE, EVP), etc., pas plus que sur la gestion des risques qu’ils amènent. Au mieux, ils en disent long sur la tendance des accusateurs à faire de la projection, diraient les psychanalystes.
Dans la série de tactiques douteuses de l’argumentaire, je vous rappelle donc une évidence: tirer sur le messager est du même acabit que brandir le spectre du point Godwin ou du principe de précaution et démasque une tendance au totalitarisme intellectuel. On détourne l’attention vers des aspects croustillants, tentant de discréditer ou de museler le propos adverse, sans jouer sur le fond des arguments défendus par les camps opposés.
Il est temps d’être vigoureusement indifférent devant ces potins et de revenir à la base. Qu’est-ce qu’il propose comme théorie climatique, ce Willie Soon? Quelle est la provenance de ses données, la méthode d’analyse utilisée et le fondement logique de ses conclusions? Quelles sont les principales critiques et comment ce chercheur y a-t-il répondu? Ne pas poser ces questions, c’est y répondre.
1 Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat ↩
Publié le 20 mars 2015 | Par Pascal Lapointe
Vous écrivez que votre perception diffère parce que selon Smolin «La théorie des cordes est une belle construction mathématique, mais elle serait très difficile sinon impossible à tester».
Or, nous disons la même chose: la théorie des cordes, selon Smolin, ne serait pas valide parce que, justement, elle ne peut pas être validée et revalidée.
Là où vous glissez très loin de ce qu'a avancé Smolin, c’est lorsque vous utilisez cet exemple pour suggérer que la climatologie serait au même niveau que la physique théorique. Suggérer que la théorie des super-cordes cosmiques, qui nécessiterait hypothétiquement un type de technologie qu’on n’est même pas capable d’imaginer, serait au même niveau que les modèles climatiques, c'est un peu gros. J'aime bien quelqu'un qui joue la carte de la provoc, mais là, ça ne fait pas sérieux.
Publié le 17 mars 2015 | Par André Desrochers
Quant à votre question sur la décision «d'un commun accord» –cette approche relève davantage de la politique que de la science. Votre compréhension de Smolin diffère de la mienne. Smolin affirme que la théorie des cordes, bien qu'intéressante, a pris des allures de dogmes et la non-adhésion à ce dogme est en train de fermer des portes à de jeunes physiciens prometteurs qui osent voir les choses différemment. La théorie des cordes, selon Smolin, est une belle construction mathématique, mais elle serait très difficile sinon impossible à tester, donc loin d'avoir été «validée et revalidée». Tiens, cela ressemble à la théorie anthropique du réchauffement climatique, dont la performance boiteuse des modèles de simulation et l'incertitude éléphantesque sur le coefficient de sensibilité climatique sont des aspects qui font sourciller plusieurs, incluant moi-même.
À propos de ce Willie Soon, je répète que je ne porte pas de jugement sur la rigueur de ses travaux, ne les ayant pas lus. Je n'ai pas lu les critiques scientifiques de ses travaux non plus (je ne parle pas des attaques personnelles), je ne peux donc pas les juger. J'en ai contre ceux qui, du haut de l'estrade, prennent partie pour un ou l'autre simplement parce qu'il est «dans son camp».
Pour terminer, je vois que Soon est coauteur d'un nouvel article dans Nature Geoscience. Il sera sans doute critiqué par les tenants de l'école de pensée alarmiste, tout comme les nouvelles publications «alarmistes» sont systématiquement critiquées par les climatosceptiques. Et c'est très bien ainsi, pourvu que l'on se retienne de discréditer une étude ou un chercheur sur la seule base du financement ce qui était, je vous le rappelle, l'idée de base de mon billet.
Publié le 16 mars 2015 | Par Pascal Lapointe
D’où ma question: sur quelle base, la plus objective possible, pouvons-nous décider d’un commun accord qu'il n'y a pas de raison de traiter de «dogme» le corpus de l'évolution, mais qu'il y a matière à employer le mot dogme pour parler du réchauffement climatique anthropique. J'ai bien lu Kuhn et Smolin, et ils ne fournissent pas la réponse que vous suggérez: Smolin, au contraire, insiste lourdement sur le poids que finit par acquérir un corpus de recherche, une fois que ce corpus a suffisamment grossi et a été suffisamment validé et revalidé. Autrement dit, ce n’est pas en fonction de ce qui nous semble logique ou élégant qu’on devrait dire que telle théorie sur la structure de l’univers est injustement traitée. On doit se demander si ceux qui la défendent ou la critiquent ont apporté suffisamment d’eau au moulin.
Je suis sûr que tout ce que je viens de dire vous semble très banal. J’essaie donc de comprendre comment, en tant que chercheur qui défend comme une évidence la démarche scientifique la plus rigoureuse possible, comment vous pouvez, le plus objectivement possible, laisser croire que la théorie du soleil défendue par Willie Soon pourrait ne jamais avoir été convenablement étudiée et réfutée.
Publié le 13 mars 2015 | Par André Desrochers
Publié le 13 mars 2015 | Par Pascal Lapointe
Publié le 13 mars 2015 | Par André Desrochers
Publié le 12 mars 2015 | Par Pascal Lapointe
Publié le 9 mars 2015 | Par M. Sicotte
Pour le financement, les industriels sont loin d’être des épais, et ils vont s’assurer au départ de mettre leur argent à la bonne place. Ceux qui travaillent dans des domaines liés à des industries controversées savent ça. Donc effectivement le chercheur peut très bien être de bonne foi même si il est financé par l’industrie. Mais le résultat reste le même: des théories scientifiques largement discréditées et inoffensives, qui sont maintenues en vie artificiellement par des gens ou des organisations qui n’ont aucun intérêt pour la science.
Bonne continuation!
Publié le 6 mars 2015 | Par André Desrochers
Publié le 6 mars 2015 | Par Pascal Lapointe