Un pavillon «vert» et tout en bois
Le nouveau pavillon consacré au génie du bois ne fait pas qu'abriter la recherche, il en démontre aussi la pertinence. Portrait d'un pavillon novateur sur un campus en évolution.
Par Serge Beaucher
Si les deux tours du World Trade Center avaient eu une structure en bois, comme le nouveau pavillon d’enseignement et de recherche en génie du bois de l’Université, des centaines de vies auraient été épargnées, le 11 septembre 2001. En fait, à peu près tout le monde aurait eu le temps d’évacuer les lieux avant que les édifices ne s’effondrent, car le bois garde une partie de sa résistance pendant qu’il brûle, alors que le métal se déforme à haute chaleur.
Ce n’est pas pour cet attribut particulier, toutefois, que le plus récent pavillon du campus a été construit presque entièrement en bois: charpente, revêtement extérieur, murs, plafonds. L’objectif était de montrer tout ce qu’on peut faire aujourd’hui avec ce matériau, notamment grâce aux recherches effectuées par les professeurs et les étudiants qui occupent maintenant ces locaux.
Construit au coût de 22 millions$, le pavillon Gene-H.-Kruger a été financé à 85% par le gouvernement du Québec. Il héberge depuis septembre une centaine d’étudiants des trois cycles en génie et en sciences du bois, ainsi que huit professeurs associés à d’autres chercheurs universitaires et industriels au sein du Centre de recherche sur le bois. Le nouvel édifice loge également la Chaire de recherche industrielle du CRSNG sur les bois d’ingénierie structuraux et d’apparence (CIBISA).
Toute cette expertise compose le plus important noyau de recherche de pointe en transformation du bois dans l’est du pays et l’un des éléments majeurs d’un consortium de recherche sur le bois regroupant quatre universités canadiennes et l’institut privé Forintek Canada.
Jusqu’à cette année, la formation et la recherche se faisaient, un peu à l’étroit, au pavillon Abitibi-Price. Dans les nouveaux laboratoires et ateliers équipés de la toute dernière technologie, la capacité de recherche sera considérablement augmentée, souligne Michel Beaudoin, directeur du programme de baccalauréat en génie du bois, chercheur et responsable facultaire du projet.
Le nouvel immeuble de 8 000 m2 a été érigé juste à l’ouest du pavillon Abitibi-Price, en bordure du boulevard du Vallon. Les deux édifices sont d’ailleurs reliés par un vaste corridor baigné d’une lumière naturelle qui fait ressortir les teintes chaudes des poutres en pure épinette noire du Québec. Cette lumière naturelle éclaire aussi tous les locaux du pavillon, fruit d’une conception qui respecte les critères d’un édifice à développement durable.
Sauf une exception à Vancouver, il s’agit du seul édifice public au Canada pouvant être étiqueté à la fois «vert» et «tout-en-bois», précise l’architecte André Moisan (Architecture 1969) du consortium Gauthier-Galienne-Moisan qui a réalisé les plans et devis du projet.
Choisir le bois
Ce choix du tout-en-bois était incontournable, relate Michel Beaudoin: «Notre mission est de former des ingénieurs et des chercheurs qui vont aider le Québec à ajouter de la valeur aux traditionnels 2 x 4 qui sortent de ses usines, tout en optimisant l’utilisation d’une ressource naturelle moins disponible qu’auparavant. Il allait de soi de nous donner une vitrine pour montrer tout ce qui peut résulter de l’ingénierie du bois.»
Au premier coup d’œil, le revêtement extérieur de l’immeuble, en planches d’épinette usinées teintes en gris, n’a pas vraiment l’air de bois.
Mais à l’intérieur, tout dégage cette chaleur si particulière au bois, depuis le revêtement d’érable recouvrant les panneaux de particules de peuplier-faux tremble des murs, jusqu’aux planchers en lamelles de bois franc des bureaux, en passant par les poutrelles en I des plafonds dans les ateliers, les panneaux d’agglomérés utilisés comme parement dans la section des laboratoires, les bandes de protection en pin blanc sur certains murs et les panneaux en érable massif de la salle de conférence.
Ce qui frappe le plus, toutefois, c’est la structure, très apparente dans la partie publique de l’immeuble.
Les poutres qui s’entrecroisent sont truffées de petits nœuds étonnamment rapprochés les uns des autres. C’est que ces pièces sont constituées de cœurs d’épinettes noires, lamellés-collés selon une technique conçue récemment dans les laboratoires du pavillon Abitibi-Price. «L’épinette noire fournit le bois de charpente le plus solide du Québec, et le cœur est la partie la plus résistante de l’arbre», explique M. Beaudoin Pour lui, cette essence n’a donc rien à envier au sapin de Douglas de l’ouest du pays ou aux autres matériaux généralement utilisés en construction.
Mieux que le métal
«En comparaison du métal, poursuit-il, le bois est très résistant par rapport à son poids, et il a une longue portée, ce qui permet de l’utiliser pour faire de grandes arches, par exemple.»
Meilleur isolant que le métal ou le béton, le bois a aussi des qualités méconnues en cas d’incendie. Sa résistance pendant qu’il brûle en fait un matériau moins redouté des pompiers que le métal, selon M. Beaudoin. Pour sa part, André Moisan a vu des immeubles complètement détruits par un incendie, mais dont l’ossature de bois tenait encore debout. «Dans le cas du lamellé-collé, dit-il, cette résistance est encore plus grande.»
Le bois n’en demeure pas moins un matériau combustible, et les concepteurs du pavillon ont dû en tenir compte: deux étages seulement, nombre impressionnant de gicleurs et de boyaux d’incendie, accès pour les pompiers tout le tour de l’édifice, système d’alarme relié directement à la caserne…
La principale caractéristique verte du pavillon Kruger tient justement au fait qu’il est en bois. Comme l’indique M. Moisan, la transformation du bois requiert beaucoup moins d’énergie que la fabrication de l’acier et du béton, un gain net pour l’environnement.
À ce premier aspect vert, s’ajoutent une multitude d’efforts, par exemple lors du choix des matériaux: pas de bois traité chimiquement, composante recyclée dans le gypse, vernis respectant les normes greenseal d’émission de composés volatiles, etc.
Penser vert, penser humain
Les aspects écologiques les plus spectaculaires ont été apportés grâce au concours du Groupe de recherches en ambiances physiques (GRAP), lié à l’École d’architecture de l’Université Laval.
Sur le plan de l’éclairage, par exemple, tout a été conçu de façon à réduire au minimum le besoin de lumière artificielle, depuis l’orientation pour recevoir le plus possible d’ensoleillement le matin grâce à une généreuse fenestration et de longs puits de lumière, jusqu’aux brise-soleil en verre givré installés sur les murs extérieurs et laissant passer tout le spectre solaire sans être transparent, pour éviter l’éblouissement et la surchauffe en été.
En plus des gains énergétiques qu’il apporte (moins de chauffage l’hiver, moins de climatisation l’été), l’éclairage naturel est bénéfique sur le plan humain, souligne Claude Demers, chercheuse au GRAP. «Il augmente la performance au travail, dit-elle. Biologiquement, nous avons besoin d’être en relation avec l’extérieur, d’avoir conscience de la période du jour. De plus, certaines tâches requièrent un éclairage assez fort, mais plus doux que la lumière artificielle.»
L’efficacité au travail (productivité et absentéisme) est aussi favorisée par une ventilation naturelle, fait valoir André Potvin, autre chercheur du GRAP qui a collaboré au projet.
Dans le pavillon Kruger, les fenêtres peuvent être ouvertes sans que cela ne nuise au système hybride de ventilation mécanique. En outre, des ouvertures judicieusement placées sur deux façades opposées permettent une ventilation transversale naturelle, et des extracteurs d’air installés aux puits de lumière font office de persiennes, évacuant l’air chaud qui monte du plancher par convexion. Cet effet de cheminée crée un mouvement d’air rafraîchissant même lorsqu’il n’y a pas de vent.
«C’est un peu un retour aux techniques anciennes, convient M. Potvin, mais sous la forme d’une nouvelle technologie raffinée, mesurée et calibrée dans les laboratoires du GRAP.»
Côté thermique, le nouveau pavillon est équipé de trois capteurs solaires passifs, bien visibles sur la façade du Vallon. Il s’agit de grands panneaux noirs percés de minuscules interstices laissant entrer l’air frais qui, emprisonné entre le panneau et le mur, se réchauffe jusqu’à 18°C avant de parvenir à la salle
mécanique.
Grande économie d’énergie
Au total, le pavillon Kruger offrirait une économie d’énergie de l’ordre de 32% par rapport à un bâtiment modèle de référence, estime l’architecte André Moisan. Déjà, la nouvelle construction a reçu un prix d’excellence (Contech 2005, catégorie «développement durable») et on s’attend à ce qu’elle soit admise à une subvention dans le cadre du Programme d’encouragement aux bâtiments commerciaux, de l’Office de l’efficacité énergétique du Canada (exigeant une économie d’énergie d’au moins 25%).
Une bâtisse qui préfigure les nouvelles tendances en construction d’édifices publics? Chose certaine, les architectes doivent de plus en plus respecter certains critères de conception d’édifices verts dans leurs plans et devis, assure M. Moisan, et le pavillon Kruger en est un bel exemple.
Pour ce qui est de l’aspect tout-en-bois, le projet aura contribué à augmenter l’expérience de l’industrie québécoise de la construction, moins familière que les Scandinaves et les Britanno-Colombiens avec les particularités de ce type de bâtiments.
Et surtout, il aura démontré que le bois peut être utile, en construction, sous d’autres formes qu’un simple madrier: il y a donc de l’avenir pour les ingénieurs et chercheurs qui innovent en ce sens.
D’ailleurs, le taux de placement des étudiants en génie du bois est de… 100%!
***
UN CAMPUS EN PLEINE ÉVOLUTION
Si vous revenez sur le campus après quelques années d’absence, il y a de bonnes chances que l’endroit où vous aviez coutume de garer votre auto soit occupé par… un édifice.
Depuis 15 ans, en effet, une dizaine de bâtiments ont vu le jour ou sont en construction sur les terrains de la cité universitaire. Et c’est loin d’être fini! Le plan directeur déposé par la Commission d’aménagement de l’Université Laval (CAMUL), en février dernier, prévoit encore bien du développement.
Ce dynamisme doit beaucoup aux gouvernements qui investissent dans la modernisation des infrastructures d’enseignement et de recherche, mais également aux dons consentis par des entreprises et des individus. Dans le cas du pavillon Gene-H.-Kruger, la papetière Kruger a versé une contribution majeure dans le cadre de la campagne De toutes les révolutions.
Parmi les constructions des dernières années, quatre projets majeurs se démarquent, avec des investissements globaux de 82 millions$ qui ont permis d’ajouter près de 70 000 m2 de superficie au bâti du campus: les pavillons contigus J.A.-de Sève (sciences sociales, de l’administration et de l’éducation) et La Laurentienne (formation continue), au nord de la tour des Sciences de l’éducation; l’Envirotron, un centre de recherche sur les produits horticoles, et son complexe de serres, à l’ouest de du Vallon; le pavillon multifacultaire Charles-Eugène-Marchand, qui abrite des laboratoires de recherche en sciences de la vie et de la santé, au coin de la rue de la Foresterie et de l’avenue de la Médecine; le pavillon Alphonse-Desjardins, un projet mené parallèlement à l’agrandissement et au réaménagement du pavillon Maurice-Pollack. Trois agrandissements et réaménagements importants ont aussi été réalisés, au coût de 75 millions$ (Palasis-Prince, Adrien-Pouliot et pavillon des services), sans parler de la nouvelle bâtisse d’Héma-Québec et de la seconde centrale d’eau refroidie.
Par ailleurs, les grues s’activent encore à l’extrémité nord du pavillon Alexandre-Vachon, où la structure imposante (9 800 m2) du futur immeuble du Centre d’optique, photonique et laser (COPL) attire les regards. Dès septembre prochain, les chercheurs y disposeront notamment de laboratoires à l’abri de tout empoussièrement permettant la microfabrication de composantes photoniques ainsi que de deux immenses tours de fabrication de fibre optique. Le COPL est le plus grand centre de recherche et de formation en optique-photonique au Canada. Son projet est évalué à 32 millions$.
Construit en 1957 dans la partie ouest du campus, le pavillon Ferdinand-Vandry fera pour sa part l’objet d’un réaménagement de fond en comble au cours des trois prochaines années. Les travaux, qui seront entrepris en mai 2006, doubleront presque la superficie du pavillon, ce qui permettra de regrouper sous un même toit les étudiants des facultés de médecine, de sciences infirmières et de pharmacie. Un stationnement intérieur est également prévu. Véritable centre intégré favorisant l’interdisciplinarité dans la formation en sciences de la santé, ce projet nécessitera à lui seul une injection de 72 millions$.
À cela, viendront s’ajouter un nouveau complexe de serres haute performance de la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation sur près de 5 000 m2 à proximité de l’Envirotron (15,6 millions$, à compter du printemps prochain) ainsi que de nouvelles installations alimentaires au pavillon De Koninck, dont une aire de consommation de 250 places entre les murs d’un tout nouveau bâtiment dans la cour intérieure de l’édifice. Déjà fort avancé, ce projet doit être complété en mars.
Et toute cette effervescence ne semble pas près de se tarir.
Si l’on se fie au plan directeur d’aménagement de la CAMUL, cinq nouveaux grands chantiers seront mis en marche au cours des prochaines années. Il y aura encore des constructions, mais aussi plus d’espaces verts, moins de surface de stationnement, à la longue, et une meilleure gestion de la circulation automobile, piétonnière et cycliste. La priorité sera accordée au développement de la vocation résidentielle de l’extrémité nord-est du campus (le secteur de l’avenue Myrand), où des étudiants des trois cycles pourront se loger avec leurs familles.
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Ce n’est pas pour cet attribut particulier, toutefois, que le plus récent pavillon du campus a été construit presque entièrement en bois: charpente, revêtement extérieur, murs, plafonds. L’objectif était de montrer tout ce qu’on peut faire aujourd’hui avec ce matériau, notamment grâce aux recherches effectuées par les professeurs et les étudiants qui occupent maintenant ces locaux.
Construit au coût de 22 millions$, le pavillon Gene-H.-Kruger a été financé à 85% par le gouvernement du Québec. Il héberge depuis septembre une centaine d’étudiants des trois cycles en génie et en sciences du bois, ainsi que huit professeurs associés à d’autres chercheurs universitaires et industriels au sein du Centre de recherche sur le bois. Le nouvel édifice loge également la Chaire de recherche industrielle du CRSNG sur les bois d’ingénierie structuraux et d’apparence (CIBISA).
Toute cette expertise compose le plus important noyau de recherche de pointe en transformation du bois dans l’est du pays et l’un des éléments majeurs d’un consortium de recherche sur le bois regroupant quatre universités canadiennes et l’institut privé Forintek Canada.
Jusqu’à cette année, la formation et la recherche se faisaient, un peu à l’étroit, au pavillon Abitibi-Price. Dans les nouveaux laboratoires et ateliers équipés de la toute dernière technologie, la capacité de recherche sera considérablement augmentée, souligne Michel Beaudoin, directeur du programme de baccalauréat en génie du bois, chercheur et responsable facultaire du projet.
Le nouvel immeuble de 8 000 m2 a été érigé juste à l’ouest du pavillon Abitibi-Price, en bordure du boulevard du Vallon. Les deux édifices sont d’ailleurs reliés par un vaste corridor baigné d’une lumière naturelle qui fait ressortir les teintes chaudes des poutres en pure épinette noire du Québec. Cette lumière naturelle éclaire aussi tous les locaux du pavillon, fruit d’une conception qui respecte les critères d’un édifice à développement durable.
Sauf une exception à Vancouver, il s’agit du seul édifice public au Canada pouvant être étiqueté à la fois «vert» et «tout-en-bois», précise l’architecte André Moisan (Architecture 1969) du consortium Gauthier-Galienne-Moisan qui a réalisé les plans et devis du projet.
Choisir le bois
Ce choix du tout-en-bois était incontournable, relate Michel Beaudoin: «Notre mission est de former des ingénieurs et des chercheurs qui vont aider le Québec à ajouter de la valeur aux traditionnels 2 x 4 qui sortent de ses usines, tout en optimisant l’utilisation d’une ressource naturelle moins disponible qu’auparavant. Il allait de soi de nous donner une vitrine pour montrer tout ce qui peut résulter de l’ingénierie du bois.»
Au premier coup d’œil, le revêtement extérieur de l’immeuble, en planches d’épinette usinées teintes en gris, n’a pas vraiment l’air de bois.
Mais à l’intérieur, tout dégage cette chaleur si particulière au bois, depuis le revêtement d’érable recouvrant les panneaux de particules de peuplier-faux tremble des murs, jusqu’aux planchers en lamelles de bois franc des bureaux, en passant par les poutrelles en I des plafonds dans les ateliers, les panneaux d’agglomérés utilisés comme parement dans la section des laboratoires, les bandes de protection en pin blanc sur certains murs et les panneaux en érable massif de la salle de conférence.
Ce qui frappe le plus, toutefois, c’est la structure, très apparente dans la partie publique de l’immeuble.
Les poutres qui s’entrecroisent sont truffées de petits nœuds étonnamment rapprochés les uns des autres. C’est que ces pièces sont constituées de cœurs d’épinettes noires, lamellés-collés selon une technique conçue récemment dans les laboratoires du pavillon Abitibi-Price. «L’épinette noire fournit le bois de charpente le plus solide du Québec, et le cœur est la partie la plus résistante de l’arbre», explique M. Beaudoin Pour lui, cette essence n’a donc rien à envier au sapin de Douglas de l’ouest du pays ou aux autres matériaux généralement utilisés en construction.
Mieux que le métal
«En comparaison du métal, poursuit-il, le bois est très résistant par rapport à son poids, et il a une longue portée, ce qui permet de l’utiliser pour faire de grandes arches, par exemple.»
Meilleur isolant que le métal ou le béton, le bois a aussi des qualités méconnues en cas d’incendie. Sa résistance pendant qu’il brûle en fait un matériau moins redouté des pompiers que le métal, selon M. Beaudoin. Pour sa part, André Moisan a vu des immeubles complètement détruits par un incendie, mais dont l’ossature de bois tenait encore debout. «Dans le cas du lamellé-collé, dit-il, cette résistance est encore plus grande.»
Le bois n’en demeure pas moins un matériau combustible, et les concepteurs du pavillon ont dû en tenir compte: deux étages seulement, nombre impressionnant de gicleurs et de boyaux d’incendie, accès pour les pompiers tout le tour de l’édifice, système d’alarme relié directement à la caserne…
La principale caractéristique verte du pavillon Kruger tient justement au fait qu’il est en bois. Comme l’indique M. Moisan, la transformation du bois requiert beaucoup moins d’énergie que la fabrication de l’acier et du béton, un gain net pour l’environnement.
À ce premier aspect vert, s’ajoutent une multitude d’efforts, par exemple lors du choix des matériaux: pas de bois traité chimiquement, composante recyclée dans le gypse, vernis respectant les normes greenseal d’émission de composés volatiles, etc.
Penser vert, penser humain
Les aspects écologiques les plus spectaculaires ont été apportés grâce au concours du Groupe de recherches en ambiances physiques (GRAP), lié à l’École d’architecture de l’Université Laval.
Sur le plan de l’éclairage, par exemple, tout a été conçu de façon à réduire au minimum le besoin de lumière artificielle, depuis l’orientation pour recevoir le plus possible d’ensoleillement le matin grâce à une généreuse fenestration et de longs puits de lumière, jusqu’aux brise-soleil en verre givré installés sur les murs extérieurs et laissant passer tout le spectre solaire sans être transparent, pour éviter l’éblouissement et la surchauffe en été.
En plus des gains énergétiques qu’il apporte (moins de chauffage l’hiver, moins de climatisation l’été), l’éclairage naturel est bénéfique sur le plan humain, souligne Claude Demers, chercheuse au GRAP. «Il augmente la performance au travail, dit-elle. Biologiquement, nous avons besoin d’être en relation avec l’extérieur, d’avoir conscience de la période du jour. De plus, certaines tâches requièrent un éclairage assez fort, mais plus doux que la lumière artificielle.»
L’efficacité au travail (productivité et absentéisme) est aussi favorisée par une ventilation naturelle, fait valoir André Potvin, autre chercheur du GRAP qui a collaboré au projet.
Dans le pavillon Kruger, les fenêtres peuvent être ouvertes sans que cela ne nuise au système hybride de ventilation mécanique. En outre, des ouvertures judicieusement placées sur deux façades opposées permettent une ventilation transversale naturelle, et des extracteurs d’air installés aux puits de lumière font office de persiennes, évacuant l’air chaud qui monte du plancher par convexion. Cet effet de cheminée crée un mouvement d’air rafraîchissant même lorsqu’il n’y a pas de vent.
«C’est un peu un retour aux techniques anciennes, convient M. Potvin, mais sous la forme d’une nouvelle technologie raffinée, mesurée et calibrée dans les laboratoires du GRAP.»
Côté thermique, le nouveau pavillon est équipé de trois capteurs solaires passifs, bien visibles sur la façade du Vallon. Il s’agit de grands panneaux noirs percés de minuscules interstices laissant entrer l’air frais qui, emprisonné entre le panneau et le mur, se réchauffe jusqu’à 18°C avant de parvenir à la salle
mécanique.
Grande économie d’énergie
Au total, le pavillon Kruger offrirait une économie d’énergie de l’ordre de 32% par rapport à un bâtiment modèle de référence, estime l’architecte André Moisan. Déjà, la nouvelle construction a reçu un prix d’excellence (Contech 2005, catégorie «développement durable») et on s’attend à ce qu’elle soit admise à une subvention dans le cadre du Programme d’encouragement aux bâtiments commerciaux, de l’Office de l’efficacité énergétique du Canada (exigeant une économie d’énergie d’au moins 25%).
Une bâtisse qui préfigure les nouvelles tendances en construction d’édifices publics? Chose certaine, les architectes doivent de plus en plus respecter certains critères de conception d’édifices verts dans leurs plans et devis, assure M. Moisan, et le pavillon Kruger en est un bel exemple.
Pour ce qui est de l’aspect tout-en-bois, le projet aura contribué à augmenter l’expérience de l’industrie québécoise de la construction, moins familière que les Scandinaves et les Britanno-Colombiens avec les particularités de ce type de bâtiments.
Et surtout, il aura démontré que le bois peut être utile, en construction, sous d’autres formes qu’un simple madrier: il y a donc de l’avenir pour les ingénieurs et chercheurs qui innovent en ce sens.
D’ailleurs, le taux de placement des étudiants en génie du bois est de… 100%!
***
UN CAMPUS EN PLEINE ÉVOLUTION
Si vous revenez sur le campus après quelques années d’absence, il y a de bonnes chances que l’endroit où vous aviez coutume de garer votre auto soit occupé par… un édifice.
Depuis 15 ans, en effet, une dizaine de bâtiments ont vu le jour ou sont en construction sur les terrains de la cité universitaire. Et c’est loin d’être fini! Le plan directeur déposé par la Commission d’aménagement de l’Université Laval (CAMUL), en février dernier, prévoit encore bien du développement.
Ce dynamisme doit beaucoup aux gouvernements qui investissent dans la modernisation des infrastructures d’enseignement et de recherche, mais également aux dons consentis par des entreprises et des individus. Dans le cas du pavillon Gene-H.-Kruger, la papetière Kruger a versé une contribution majeure dans le cadre de la campagne De toutes les révolutions.
Parmi les constructions des dernières années, quatre projets majeurs se démarquent, avec des investissements globaux de 82 millions$ qui ont permis d’ajouter près de 70 000 m2 de superficie au bâti du campus: les pavillons contigus J.A.-de Sève (sciences sociales, de l’administration et de l’éducation) et La Laurentienne (formation continue), au nord de la tour des Sciences de l’éducation; l’Envirotron, un centre de recherche sur les produits horticoles, et son complexe de serres, à l’ouest de du Vallon; le pavillon multifacultaire Charles-Eugène-Marchand, qui abrite des laboratoires de recherche en sciences de la vie et de la santé, au coin de la rue de la Foresterie et de l’avenue de la Médecine; le pavillon Alphonse-Desjardins, un projet mené parallèlement à l’agrandissement et au réaménagement du pavillon Maurice-Pollack. Trois agrandissements et réaménagements importants ont aussi été réalisés, au coût de 75 millions$ (Palasis-Prince, Adrien-Pouliot et pavillon des services), sans parler de la nouvelle bâtisse d’Héma-Québec et de la seconde centrale d’eau refroidie.
Par ailleurs, les grues s’activent encore à l’extrémité nord du pavillon Alexandre-Vachon, où la structure imposante (9 800 m2) du futur immeuble du Centre d’optique, photonique et laser (COPL) attire les regards. Dès septembre prochain, les chercheurs y disposeront notamment de laboratoires à l’abri de tout empoussièrement permettant la microfabrication de composantes photoniques ainsi que de deux immenses tours de fabrication de fibre optique. Le COPL est le plus grand centre de recherche et de formation en optique-photonique au Canada. Son projet est évalué à 32 millions$.
Construit en 1957 dans la partie ouest du campus, le pavillon Ferdinand-Vandry fera pour sa part l’objet d’un réaménagement de fond en comble au cours des trois prochaines années. Les travaux, qui seront entrepris en mai 2006, doubleront presque la superficie du pavillon, ce qui permettra de regrouper sous un même toit les étudiants des facultés de médecine, de sciences infirmières et de pharmacie. Un stationnement intérieur est également prévu. Véritable centre intégré favorisant l’interdisciplinarité dans la formation en sciences de la santé, ce projet nécessitera à lui seul une injection de 72 millions$.
À cela, viendront s’ajouter un nouveau complexe de serres haute performance de la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation sur près de 5 000 m2 à proximité de l’Envirotron (15,6 millions$, à compter du printemps prochain) ainsi que de nouvelles installations alimentaires au pavillon De Koninck, dont une aire de consommation de 250 places entre les murs d’un tout nouveau bâtiment dans la cour intérieure de l’édifice. Déjà fort avancé, ce projet doit être complété en mars.
Et toute cette effervescence ne semble pas près de se tarir.
Si l’on se fie au plan directeur d’aménagement de la CAMUL, cinq nouveaux grands chantiers seront mis en marche au cours des prochaines années. Il y aura encore des constructions, mais aussi plus d’espaces verts, moins de surface de stationnement, à la longue, et une meilleure gestion de la circulation automobile, piétonnière et cycliste. La priorité sera accordée au développement de la vocation résidentielle de l’extrémité nord-est du campus (le secteur de l’avenue Myrand), où des étudiants des trois cycles pourront se loger avec leurs familles.
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