Sport, nutrition et plaisir: une formule gagnante!
Si les choix alimentaires sont un facteur clé de la pratique sportive, faire ces choix sans pression et de manière agréable est encore plus important.
Propos recueillis par Mélanie Larouche
Le sport permet de se dépasser. On ne compte plus ses bienfaits tant physiques que psychologiques. Et la nutrition dans tout ça? Les objectifs du sportif diffèrent selon qu’il est un athlète olympique ou un sportif récréatif. Comment la nutrition agit-elle sur les performances de chacun d’eux?
Ex-athlète olympique en patinage de vitesse (Sarajevo en 1984 et Calgary en 1988), Benoît Lamarche est titulaire de la Chaire en nutrition de l’Université Laval et chercheur à l’Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels (INAF), où ses travaux conjuguent notamment sa passion pour le sport avec ses connaissances poussées en santé et en nutrition. Il est aussi coauteur de l’ouvrage Le Soulard des sportifs: plaisirs gourmands et nutrition sportive, paru en 2016.
Jusqu’à quel point l’alimentation influence-t-elle la pratique sportive?
La nutrition est certes un élément essentiel de la performance d’un sportif. Ceci dit, ne devrait-on pas considérer qu’elle influence aussi l’ensemble de notre quotidien? Que ce soit pour améliorer nos performances, demeurer en bonne santé, tant physique que mentale, ou optimiser notre capacité de concentration, peu importe la raison, la nutrition joue un rôle primordial. C’est le carburant que l’on donne à son corps. Or, un bon carburant, adapté à notre condition et à nos objectifs, donne assurément de meilleurs résultats.
Comment alors devrait-on aborder la nutrition en lien avec le sport?
En tenant compte de son importance, tout en sachant qu’elle ne suffit pas, à elle seule, à atteindre ses objectifs sportifs. En plus du talent et des efforts consentis à l’entraînement, on retrouve des aspects primordiaux à respecter, à savoir le sommeil, l’hydratation et le mode de vie. La nutrition fait partie de ces éléments qui forment un tout. Si l’un d’eux est inadéquat, les performances ne seront pas optimales. Miser davantage sur un de ces aspects ne peut pas compenser le manque d’un autre. J’ajouterais qu’à cette base essentielle doit aussi se greffer le plaisir. Le plaisir dans l’alimentation entraîne la «zénitude» du sportif, qui vit ainsi beaucoup moins de pression et de frustration. Il est bien connu que le bien-être d’une personne est étroitement lié à son rendement, et c’est le cas dans tous les domaines.
Il y a donc des effets psychologiques liés à la nutrition dans le sport?
En effet. La nutrition doit agir favorablement sur le mental du sportif. Le sport est souvent étroitement lié à la passion et à l’accomplissement personnel. Les choix que sa pratique implique devraient donc susciter un sentiment de fierté et de sérénité. Si la nutrition devient une source d’irritation en raison des contraintes que l’on s’impose, ce n’est pas une formule gagnante puisque le mental est affecté. La frustration que peuvent parfois engendrer certains choix nutritionnels peut être réellement néfaste à la santé mentale d’une personne, sportive ou non.
Est-ce que ce genre de lien néfaste entre sport et alimentation est très répandu?
La culture de la gestion du poids est très présente dans notre société et elle l’est également chez les athlètes. Si la nutrition prend beaucoup de place dans la vie des gens en général, elle en prend encore plus dans celle des sportifs, puisqu’elle est directement liée à leurs performances et à leur endurance. Les sportifs sont nombreux à s’imposer des régimes stricts, souvent très contraignants.
Dans le sport de haut niveau en particulier, la nutrition est perçue comme une grosse responsabilité pour l’athlète. La situation s’est un peu améliorée ces dernières années en termes de gestion des priorités, mais les performances prennent encore beaucoup de place alors que le bien-être mental est tellement plus important! Malheureusement, il n’est pas rare de voir des athlètes qui «se pourrissent la vie» avec la nutrition, à coup de restrictions sévères. Cela peut même en venir à causer des désordres alimentaires, des pathologies. Il faut comprendre que la pression mise sur son poids en lien avec ses performances est énorme, et l’athlète est parfois mal conseillé, mal accompagné.
Les sportifs ont-ils tous les mêmes besoins nutritionnels?
Non. Les besoins nutritionnels des sportifs dépendent de plusieurs aspects, notamment de leur niveau d’entraînement, de leurs objectifs et du type de sport qu’ils pratiquent. Un sport d’endurance, dont la durée s’étale sur une plus longue période comme la course, par exemple, est abordé différemment d’un sport de performance comme la boxe qui combine force, vitesse et explosion.
De la même façon, il existe différents types de sportifs. Il y a ceux qu’on pourrait appeler «les sportifs du dimanche», qui aiment leur sport et le pratiquent pour bénéficier de ses nombreux bienfaits. Ceux-ci gèrent leurs propres ambitions de performance à travers leurs obligations quotidiennes. Il y a les sportifs plus assidus, qui pratiquent régulièrement des sports d’équipe ou prennent part à des compétitions de niveau amateur ou professionnel. Et il y a les athlètes de haut niveau, qui visent des objectifs très élevés, les Jeux olympiques par exemple. Tous ces gens vivent des réalités très différentes, tant en termes de niveau de difficulté que d’engagement personnel. Leurs choix alimentaires auront une grande incidence en autant qu’ils soient adaptés à leurs besoins respectifs, notamment sur les plans de la dépense énergétique et de la récupération physique.
Dans le cadre d’une performance, d’un entraînement ou d’une compétition, quand le sportif doit-il s’alimenter?
Au-delà des bons choix alimentaires, il y a en effet le «timing». Pour maximiser ses performances, le sportif doit consommer les bons aliments au bon moment. Avant l’activité, il est important de «mettre du gaz dans le réservoir», selon l’intensité de l’effort qui sera demandé. Si l’intensité est très élevée, comme avant une compétition de patinage de vitesse, le sportif mangera les bons aliments énergétiques (glucides et protéines), en quantité raisonnable, en considérant un laps de temps suffisant, propre à chacun, pour leur absorption par l’organisme. Pour un marathon, qui exige pour sa part plus d’endurance sur un long terme, le sportif devra s’assurer d’absorber quelques aliments énergétiques en cours de route, mais surtout de s’hydrater convenablement, avec l’ajout d’un électrolyte pour éviter la déshydratation. Après la performance, il faut aussi manger des glucides et des protéines pour régénérer les tissus musculaires.
Y a-t-il des pratiques alimentaires que l’on considère essentielles en nutrition sportive?
Nous l’avons dit, le sportif de haut niveau n’a pas les mêmes besoins que monsieur et madame Tout-le-monde qui ne s’entraîne pas ou très peu. Ainsi, les recommandations du Guide alimentaire canadien ne conviennent pas pour les athlètes, elles n’offrent pas assez de calories pour la dépense énergétique qu’ils engagent. La moitié de l’assiette en végétaux, ça ne fournit pas suffisamment de carburant. La portion de protéines recommandée est toutefois suffisante pour les sportifs, soit environ 15 à 20%, mais ils doivent assurément consommer davantage de glucides. Les glucides, c’est la survie du sportif! Ce sont des aliments incontournables. C’est la meilleure source d’énergie pour eux. Il faut toutefois aller les chercher dans les bons aliments, les produits céréaliers, par exemple, et pas dans les friandises.
Quel rôle jouent les suppléments alimentaires dans l’amélioration des performances sportives?
Ils offrent certains effets positifs sur les performances. Toutefois, un sportif qui prend des suppléments alimentaires pour combler des carences ou en espérant faire contrepoids à une base (efforts, hygiène de vie, hydratation, etc.) déficiente ne doit pas s’attendre à des résultats miracles. Dans les meilleures conditions (quand la base est comblée), le sportif peut espérer voir une amélioration de 2 à 3% de ses performances avec la prise de suppléments, pas davantage. Chose certaine, pour monsieur et madame Tout-le-monde qui s’alimentent bien, les suppléments de protéines sont à proscrire. En revanche, pour le sportif de haut niveau, il existe certaines situations où ces suppléments riches en protéines peuvent être nécessaires et utiles.
Y a-t-il d’autres types d’aliments à proscrire pour les sportifs?
Il y a beaucoup de mythes relatifs à cette idée en nutrition sportive. Ceux concernant l’alcool, par exemple. Certains diront qu’il est proscrit. Je dis plutôt que la nutrition ne doit pas devenir un stress. J’encourage les gens à faire des choix personnels, pour les bonnes raisons, sans malaise ni pression. Prendre une bière de temps en temps avec ses amis ou un verre de vin en mangeant un bon repas, c’est sain dans la mesure où l’on est bien avec ça, où ça permet de vivre un moment agréable. En accord avec cette philosophie, il n’y a donc pas vraiment d’aliments, d’alcools, de gâteaux, etc., à proscrire. Tout est dans le dosage, en conformité avec les valeurs de chacun.
Bref, la pratique du sport et la gastronomie peuvent faire bon ménage?
Tout à fait. Je suis de ceux qui prônent l’alimentation intuitive, ce qui implique d’être à l’écoute de son corps et de ses besoins. Il faut sortir du prescriptif, se déprogrammer des influences sociales. Je demeure convaincu que si on tient compte de ses besoins et de ses objectifs, si on respecte les grands principes de base liés aux performances optimales et si on demeure dans le plaisir et l’équilibre, on peut arriver à se surpasser!
Publié le 12 juin 2020
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