Les dossiers Contact

La zone d'échanges entre l'Université Laval,
ses diplômés, ses donateurs et vous

Les dossiers de Contact

Incursion dans l'univers du jeu

La vie en jeu

JeuNepal-299

Qu'est-ce qui pousse les humains à aimer jouer, que ce soit à d'ancestraux jeux de table ou au dernier jeu vidéo à succès?

Il suffit d’observer les passagers d’un bus ou les personnes qui font la file d’attente pour constater la fascination que des jeux sur appareil mobile comme Candy Crush exercent aujourd’hui. Cet intérêt ludique ne date pas d’hier. Dans l’Antiquité, Grecs et Romains plombaient déjà leurs dés d’argile pour mieux influencer le hasard. Et des jeux de table très anciens ont survécu à toutes les modes, comme le Bagh Chal, un divertissement originaire du Népal qui oppose des figurines de tigres et de chèvres.

Pour Madeleine Pastinelli1, professeure au Département de sociologie, le jeu constitue un des fondements de la culture, un lieu où se développe le symbolisme, puisque dans toutes les sociétés, sans exception, on joue. Au fait, pourquoi? «Les chercheurs se posent depuis très longtemps la question de la fonction du jeu, remarque la chercheuse. Et s’il n’y avait pas de raison précise pour jouer? Et si le jeu faisait tout simplement partie de la nature humaine au même titre que le langage?»

Ma gang en ligne
Le jeu n’a pourtant pas toujours bonne presse, ce qui est le cas aujourd’hui des jeux vidéo en réseau. Les proches de beaucoup de gamers accros à l’action qui se déroule sur leur écran d’ordinateur ont l’impression de côtoyer des spectres asociaux, qui préfèrent une réalité chimérique à la vraie vie. Asociaux, vraiment? À moins que ces adeptes des jeux de rôle multi-joueurs, versions numériques des Donjons et Dragons et semblables, expérimentent tout simplement un autre mode de socialisation…

::Madeleine Pastinelli

Madeleine Pastinelli

«C’est un paradoxe: le joueur donne l’impression d’être seul devant son écran, mais en réalité, il se trouve en relation avec des dizaines, voire des centaines de personnes au sein d’une véritable confrérie», fait valoir Madeleine Pastinelli, dont certaines recherches portent sur les communautés de joueurs. Ces jeux de rôle en ligne, ou MMORPG (Massively Multiplayer Online Role-Playing Game), regroupent en effet des millions d’adeptes à travers la planète qui s’investissent dans des scénarios inventés par les concepteurs de cette industrie extrêmement lucrative. Il suffit d’endosser la personnalité d’un avatar combattant ou d’un mage spécialisé en potions et philtres pour conquérir un royaume ou répondre à l’appel du portail magique du jeu Warhammer. Et ce, sans craindre l’épuisement de l’histoire puisque, contrairement aux jeux sur console, l’aventure en ligne se poursuit sans cesse, au gré de l’imagination des scénaristes.

Des communautés virtuelles se forment donc au fil du jeu, selon les intérêts de chacun des participants. Un tel met en avant ses talents de guérisseur, un autre se montre très habile à deviner les pièges tendus par les adversaires. Chacun a besoin des compétences des autres pour progresser dans le jeu, ce qui contribue grandement à l’engagement individuel dans cette activité. L’appel à l’aventure devient pressant par rapport aux autres membres du groupe. Le joueur a beau sortir de cet univers en se rendant à ses cours ou à son travail, ses partenaires ont besoin de lui pour limiter la progression des barbares qui se poursuit dans les Terres du Chaos…

Peu à peu, la réalité de la socialisation en vient à dépasser la fiction. D’abord attirés dans cette activité par leur personnage, les joueurs nouent des relations de plus en plus proches du monde réel avec les membres de leur groupe. «En souffrant et en remportant des victoires ensemble dans un lieu virtuel, ils ont appris à se connaître, à s’apprécier», note la sociologue. Autrement dit, jouer ou partager une passion pour les insectes implique le même type de lien social. De la même façon, l’expérience virtuelle rejaillit sur le vécu quotidien. Dans un article paru en 2013 dans la revue savante Aspects sociologiques, Mathieu Pinault, alors étudiant au doctorat en orientation à l’Université, rapporte un réel transfert des aptitudes développées en jouant dans la vie professionnelle. Les talents de leardership et les qualités de médiation y figurent en bonne place2.

1 Madeleine Pastinelli est aussi directrice du Centre interuniversitaire d’études sur les lettres, les arts et les traditions (CELAT )

2 Voir l’article

Publié le 20 avril 2016

  1. Publié le 18 mai 2016 | Par AnnieStPierre

    Merci pour cet intéressant dossier sur le jeu.

    Je trouve par contre dommage que vous n'ayez pas traité du phénomène du jeu de plateau/de table et du jeu de société, qui vit lui aussi un essor fulgurant au Québec. Les boutiques et cafés ludiques ont pignon sur rue dans toutes les grandes villes (on parle de La Revanche à Québec, de Colonel Moutarde et du Randolph à Montréal, par exemple). Des groupes de joueurs de plus en plus importants se donnent rendez-vous pour des week-ends (comme les Journées Ludiques de Québec, les Jeux au Boute ou Ludo-Outaouais). Et l'offre de jeux a explosé... on ne parle plus seulement des «vieux classiques» comme le Risk, le Monopoly ou le Scrabble, mais d'une diversité incroyable de nouveaux jeux, qu'ils soient d'ambiance ou de stratégies (comme les gagnants du concours des Trois Lys dans les dernières années).

    Certes, le monde du jeu vidéo et du jeu sérieux caractérise une sous-culture de notre société, mais celle du jeu de plateau aussi... et dans ce dernier cas, le jeu devient rassembleur «en présentiel», à une époque où le virtuel prend beaucoup de place.

Note : Les commentaires doivent être apportés dans le respect d'autrui et rester en lien avec le sujet traité. Les administrateurs du site de Contact agissent comme modérateurs et la publication des commentaires reste à leur discrétion.

commentez ce billet

M’aviser par courriel des autres commentaires sur ce billet