3 outils pour mieux comprendre
Vulgariser la politique n'est pas la mission exclusive des médias: les universitaires mettent aussi la main à la pâte.
Par Pascale Guéricolas
Des chercheurs liés à l’Université ont mis au point 3 outils accessibles au grand public: la Boussole électorale qui permet aux citoyens de se situer par rapport aux programmes des partis en lice lors d’un scrutin, le Polimètre qui offre une image évolutive des promesses tenues par l’un ou l’autre gouvernement ainsi qu’un Guide des médias sociaux pensé pour les candidats de la dernière élection scolaire, mais tout aussi pertinent pour qui songe à se lancer dans l’arène municipale.
1 – La Boussole électorale
Pour s’orienter dans la jungle politique
«Les syndicats ont trop d’influence au Québec.» «Les élus devraient avoir le droit de se couvrir le visage pour des motifs religieux.» «Doit-on privatiser Hydro-Québec?»
Ces phrases auraient pu être lancées par plusieurs candidats aux élections québécoises du printemps 2014. Elles sont plutôt tirées de l’interface de la Boussole électorale permettant aux internautes de se positionner face aux enjeux de cette campagne électorale. Ces phrases et toutes les autres qui s’y trouvaient étaient le fruit de la réflexion du comité scientifique de la Boussole, dans sa version printemps 2014, soit François Gélineau1, François Pétry2, Éric Montigny3 et Marc André Bodet4, du Département de science politique, ainsi que Patrick Fournier de l’Université de Montréal.
Au Québec, la Boussole électorale, qui prend la forme d’un questionnaire auquel tout internaute peut répondre, a été hébergée 2 fois sur le site de Radio-Canada, en 2012 et en 2014. Le soir du scrutin du 7 avril dernier, l’outil avait été utilisé 471 000 fois, et 550 000 fois en 2012. Confronté aux programmes électoraux des différents partis, l’électeur établit sa position par rapport aux affirmations regroupées sous 10 catégories telles que l’économie, la santé et l’environnement. Et découvre à la fin que le parti qui l’attire le plus n’est pas forcément celui qu’il aurait spontanément choisi en début de questionnaire. Ou que ses valeurs le rapprochent d’une formation politique qu’il connaît moins qu’une autre.
Suivre en direct et explorer après-coup
D’abord et avant tout un outil d’éducation politique destiné à faire réfléchir l’utilisateur sur ses choix électoraux, la Boussole est aussi un instrument privilégié pour suivre le déroulement d’une campagne.
«Aux élections fédérales de 2011, nous avons observé le montée de la vague orange d’heure en heure, avant même que les instituts de sondage n’en rendent compte», raconte Yannick Dufresne. Aujourd’hui chercheur postdoctorant à la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires, M. Dufresne est l’un des partenaires de Vox Pop Labs. Cette entreprise, imaginée avec 3 collègues qui étudiaient, comme lui à l’époque, à l’Université de Toronto, a donné naissance à la Boussole. Leur outil a été adopté par des médias du Canada et d’autres pays: États-Unis en 2012, Australie en 2013 et Nouvelle-Zélande cet automne.
Dès la conception de la Boussole, le quatuor étudiant a choisi de s’associer à une équipe locale de chercheurs en science politique pour assurer que l’instrument de consultation colle au contexte électoral du territoire.
Les informations colligées sur les utilisateurs de la Boussole, comme le sexe, l’âge et le degré de scolarité, permettent de pondérer les réponses en fonction de la population. Selon Yannick Dufresne, ce croisement de données corrige notamment la surreprésentation des visiteurs plus jeunes sur le site et renforce la fiabilité des tendances mises en lumière.
Les réponses données aux différentes versions de la Boussole constituent une banque précieuse pour la recherche. Dans les mois qui viennent, M. Dufresne entend par exemple puiser dans celles de la dernière élection québécoise pour examiner certains mythes, notamment l’effet réel de l’arrivée de Pierre-Karl Péladeau sur la popularité du Parti québécois.
Pour voir apparaître la Boussole électorale d’une prochaine élection: http://votecompass.com/
1 François Gélineau est professeur au Département de science politique et titulaire de la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires. ↩
2 François Pétry est directeur du Département de science politique et professeur. ↩
3 Éric Montigny est chargé de cours au Département de science politique et directeur exécutif de la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires. ↩
4 Marc André Bodet est professeur au Département de science politique et chercheur associé à la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires. ↩
2 – Le Polimètre
L’épreuve des faits
Une équipe du Département de science politique s’attaque à un défi de taille depuis 3 ans: illustrer, statistiques à l’appui, la proportion de promesses électorales réalisées par le parti porté au pouvoir. Les chercheurs5 relèvent ce défi grâce au Polimètre, l’outil qu’ils ont mis au point et qui croise beaucoup de données, provenant entre autres des médias et des communiqués de presse du gouvernement, afin de vérifier si les candidats élus tiennent leurs engagements.
Le résultat: un tableau statistique étoffé qui permet de voir, par exemple, que le gouvernement Harper a jusqu’ici tenu ou est en voie de tenir 82% de ses 140 promesses de 2011, tandis que l’équipe de Pauline Marois était en voie de réaliser la moitié de ses 113 engagements de 2012 lorsqu’elle a perdu le pouvoir au printemps 2014. Et le gouvernement Couillard? Après quelques mois au pouvoir, 37% de ses 157 promesses électorales sont déjà réalisées ou en voie de l’être.
Selon François Pétry6, professeur au Département de science politique et l’un des initiateurs du Polimètre, ces chiffres étonnent beaucoup le public. Notamment parce qu’ils contredisent l’idée reçue voulant que les politiciens promettent tout et n’importe quoi pour se faire élire. «Pourtant, constate le chercheur, les plateformes électorales ont beaucoup évolué depuis les dernières années. Dans le cas des partis fédéraux en particulier, on est passé de formules creuses, d’incantations de type “Nous allons faire baisser le chômage”, à des promesses réalisables précises, comme celle d’instaurer un crédit d’impôt pour les enfants inscrits à certains programmes d’activité physique.»
Les partis, croit-il, jugent qu’ils ont plus à perdre auprès de l’électorat en rompant leurs promesses qu’en les respectant. Ils concoctent donc des engagements très ciblés qui correspondent aux aspirations de portions très précises de l’électorat, une stratégie en lien avec la segmentation constante des électeurs potentiels.
L’outil mis au point par un groupe de chercheurs de l’Université Laval, en collaboration avec des collègues montréalais et manitobains, décortique les promesses et mesure le suivi que leur accorde le gouvernement élu, avant de répartir le tout en 4 catégories:
– les engagements réalisés, c’est-à-dire officiellement sanctionnés par une loi ou un règlement, à l’exemple de la relance du Plan Nord promise lors de la campagne libérale de 2014;
– les engagements en voie de réalisation ou partiellement réalisés, dans le cas où une action, comme le dépôt d’un projet de loi, a été officiellement entreprise;
– les engagements encore en dormance sont étiquetés en suspens;
– et d’autres figurent carrément parmi les engagements rompus.
Par ailleurs, certaines promesses sont réalisées par le gouvernement suivant en raison des aléas du calendrier parlementaire. Après avoir porté sur les fonts baptismaux le projet de loi sur les soins en fin de vie, le Parti québécois a ainsi passé le relais au Parti libéral qui a fait adopter la loi en arrivant au pouvoir. Ce qui illustre bien, aux yeux de François Pétry, que la grande majorité des promesses sont apolitiques. «Une minorité d’engagements électoraux servent de prétexte à politiser le débat», affirme-t-il.
Jusqu’à maintenant, chercheurs et citoyens sont allés sur le site du groupe de recherche pour prendre connaissance des résultats de l’un ou l’autre Polimètre plus de 6000 fois.
Pour consulter le Polimètre Harper.
Pour consulter le Polimètre Couillard.
5 Ces chercheurs sont regroupés sous la bannière Poltext, un projet du Centre d’analyse des politiques publiques ↩
6 François Pétry est également directeur du Département de science politique. ↩
3 – Le Guide sur les médias sociaux en campagne électorale
Des élections scolaires aux autres scrutins
Cet automne, les candidats aux élections des commissions scolaires disposaient d’un guide des médias sociaux pour bâtir leur profil et obtenir des conseils de base sur la communication 2.0. Cet outil, conçu par François Grenon7, directeur adjoint de l’Observatoire des médias sociaux en relations publiques qui héberge le guide depuis septembre 2013, a donné des réponses à ceux qui voulaient se lancer en politique scolaire… ou à ceux qui voudront bientôt tâter du municipal.
Quelles informations mettre en avant pour présenter sa candidature? Comment adapter son message selon le type de média utilisé –Facebook, Twitter, Linkedln, Youtube? Où chercher les statistiques qui pourront nous renseigner sur l’incidence d’une information publiée sur notre page et trouver la meilleure heure pour la diffuser? Autant de questions auxquelles le guide fournit des données claires et accessibles.
«Le nerf de la guerre avec les médias sociaux, c’est le contenu, explique François Grenon, également directeur des communications de la Fédération des commissions scolaires du Québec. Dans le guide, je donne beaucoup de conseils pour permettre aux utilisateurs de rythmer leur campagne en publiant régulièrement des informations. Il faut devenir son propre journaliste en envoyant des vidéos, des photos ou de courts textes sur les événements auxquels on participe comme candidat.»
Selon l’expert, ce type de relation avec les internautes et les électeurs potentiels permet au candidat de prendre le pouls de sa communauté ainsi que de répondre rapidement aux critiques et aux commentaires tout en n’hésitant pas à faire certains rappels à l’ordre.
Pour consulter le Guide.
7 François Grenon est également chargé de cours au Département d’information et de communication. ↩
Publié le 12 novembre 2014
Publié le 15 novembre 2014 | Par alain harrison
Un bien bel outil a priori.
Mais, qui sont vos «bailleurs de fonds» pour vous soutenir financièrement?
Dis-moi qui te paies et je te dirai quel biais tu favorises.
Désolé, mais le dévoiement a le vent dans les voiles...
Je ne crois pas en ce genre de gadget.
Seule une instruction (esprit critique, vérification des infos et le questionnement) solide permet de bien naviguer dans cet imbroglio de mésinformations (les médias de masse occidentaux sont très partiaux) dont nous sommes témoins de plus en plus, parce que justement, grâce à Internet (en étant alerte), la diversité des sources d'infos nous permet de voir un autre discours qui bien souvent remet les pendules à l'heure.
Juste un exemple, toute info sur le Vénézuéla est toujours teintée et biaisée.
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