3 innovations vertes pour ma ville
Des produits mis au point dans les labos de l'Université trouveront bientôt leur place dans le paysage urbain.
Par Serge Beaucher
Des immeubles de 10 étages à charpente de bois, plutôt que d’acier ou de béton, des vitres intelligentes capables de bloquer les rayons du soleil en fonction de la température souhaitée, des bornes électriques où un véhicule peut non seulement faire le plein d’électricité, mais aussi en vendre: grâce aux travaux de chercheurs de l’Université, ces rêves vont devenir graduellement réalité. Et ils ajouteront une touche de développement durable dans nos cités.
1- Du bois pour édifices en hauteur
Dans l’est de l’Amérique du Nord, il n’existe que 2 immeubles contemporains de 6 étages construits avec une charpente de bois et ils ont pignon sur rue à Québec: l’édifice Fondaction CSN, érigé en 2010 sur le boulevard Charest et, à quelques rues de là, l’immeuble en copropriété District 03 –bientôt achevé.
Ce sont les premiers dans l’est du continent, mais sûrement pas les derniers, selon Robert Beauregard1, doyen de la Faculté de foresterie, de géographie et de géomatique.
Car le Québec possède désormais une expertise dans le bois d’ingénierie, le principal matériau grâce auquel on peut ériger de tels immeubles. M. Beauregard en sait quelque chose: comme plusieurs chercheurs de sa Faculté, il a travaillé à la mise au point de ce bois particulier.
L’épinette qui remplace l’acier
Pour remplacer l’acier et le béton dans les immeubles en hauteur, on fait appel à d’immenses poutres et colonnes en lamellé-collé et à de gigantesques panneaux structuraux en lamellé-croisé.
Dans les deux cas, les pièces sont faites de petites lamelles d’épinette noire collées perpendiculairement ou croisées l’une sur l’autre. Il en résulte des pièces massives pouvant atteindre une force et des dimensions impressionnantes, dotées d’une meilleure résistance au feu que les structures d’acier, lesquelles ploient sous l’effet de la chaleur.
C’est en bonne partie grâce aux recherches menées au Département des sciences du bois et de la forêt que ces grandes poutres et colonnes existent, mais aussi qu’on pourra de plus en plus s’en servir dans les constructions hautes.
«Depuis une quinzaine d’années, relate Robert Beauregard, nous avons travaillé sur ces technologies, en trio avec FPInnovations2 (l’institut de recherche canadien sur les produits du bois) et Chantiers Chibougamau – Nordic Bois d’ingénierie3 (l’entreprise qui fabrique ces pièces).» Plusieurs diplômés du Département ont d’ailleurs joint les rangs de cette entreprise après leurs études.
Les recherches ont porté aussi bien sur les techniques d’aboutage, de collage et d’usinage que sur les arbres eux-mêmes, notamment ces petites épinettes noires qui poussent dans des conditions extrêmes au nord de la forêt boréale. Bien que difficile à usiner, le bois de ces petits arbres acquiert une densité et des propriétés mécaniques permettant son utilisation dans les parties critiques d’une construction.
En route vers 10 étages
D’autres travaux du Département ont par ailleurs permis de faire évoluer les normes de la construction pour tenir compte de ces nouvelles technologies et repousser les limites des codes. L’Université a ainsi contribué à la situation qui prévaut depuis peu au Québec: contrairement à celui de la plupart des provinces, le gouvernement québécois permet l’érection de bâtiments en bois de plus de 4 étages. Il l’encourage même, dans sa nouvelle Charte du bois.
Les grandes structures en bois d’ingénierie de moins de 4 étages –comme le stade TELUS-Université Laval et le pavillon Gene-H.-Kruger sur le campus de l’Université– sont de plus en plus présentes dans nos paysages urbains.
Il faut maintenant s’attendre à voir s’ériger toujours plus d’immeubles résidentiels et commerciaux de 5, 6 et même 10 étages ou plus. Le projet de la Ville de Québec pour son écoquartier de la Pointe-aux-Lièvres comporte justement un édifice à condos en bois de 10 étages, annonçait-on le 12 novembre dernier.
La tendance est forte et c’est tant mieux, souligne Robert Beauregard, car l’utilisation du bois en construction laisse une empreinte environnementale beaucoup moins profonde que l’acier ou le béton.
2- Des fenêtres intelligentes
Des fenêtres intelligentes qui contrôlent la quantité de lumière qu’elles laissent passer à l’intérieur d’un bâtiment, ça existe! Mais les constructeurs doivent payer très cher pour se les procurer. Et le modèle est loin d’être parfait.
Une équipe multidisciplinaire de la Faculté des sciences et de génie travaille justement à améliorer ce produit tout en essayant de le rendre moins cher. «Pour fabriquer ces fenêtres à vitrage double, on intègre entre les 2 lames de verre une pellicule de quelques centaines de nanomètres d’épaisseur dont les propriétés optiques –clair ou opaque– peuvent être modifiées par un courant électrique», explique Louis Gosselin4 du Département de génie mécanique. Le système intelligent contrôle cette modification selon le rayonnement solaire extérieur et la luminosité intérieure, en fonction de critères choisis d’énergie (climatisation, éclairage) et de confort visuel.
Pendant que son collègue du Département de physique, de génie physique et d’optique Tigran Galstian5 s’applique à mettre au point une pellicule de cristaux liquides moins onéreuse que les autres types de filtres, M. Gosselin travaille avec son équipe sur le contrôle intelligent du système pour en tirer le meilleur parti.
Les chercheurs tentent également d’estimer les économies d’énergie qui seront réalisées grâce à la pellicule intelligente pendant toute la durée de vie de la fenêtre afin de calculer le retour sur investissement du consommateur.
Pare-soleil, mais sans teinte
Même l’acceptabilité du produit fait l’objet de recherches. Par exemple, comment obtenir une pellicule qui ne présente pas une teinte jaune-verdâtre à l’état clair, ou bleu-vert à l’état opaque? «Si l’on pouvait avoir une neutralité spectrale, ces fenêtres seraient plus convoitées», indique Louis Gosselin.
Les fenêtres intelligentes feront tôt ou tard l’objet d’une forte demande mondiale, selon le professeur. «La climatisation représente une dépense d’énergie importante, dit-il. À l’heure où les économies d’énergie et les certifications environnementales comme LEED ont la cote auprès des constructeurs, cette voie paraît inévitable.»
4 Louis Gosselin collabore aussi à la Chaire de recherche industrielle sur la modélisation avancée des cuves d’électrolyse et l’efficacité énergétique. ↩
5 Tigran Galstian est également membre du Centre d’optique, photonique et laser. ↩
3- Les bornes de l’avenir
D’ici 2020, de 10 à 25% des automobiles neuves qui circuleront dans nos villes et sur nos routes seront des véhicules électriques «branchables». Le diplômé en génie électrique Louis Tremblay6 en est d’autant plus convaincu que l’entreprise AddÉnergie, qu’il a fondée avec son ex-collègue de maîtrise Michaël Desjardins, aura contribué de façon importante à l’atteinte de ce but. Tout comme les autres études en cours et à venir à l’Université.
Ce qui sera déterminant pour l’accroissement du parc de véhicules électriques, c’est l’implantation d’un réseau fiable de bornes de recharge. Or, non seulement AddÉnergie a conçu et mis en marché la majorité des 450 bornes présentement disponibles au Québec, mais dans quelques années, elle aura révolutionné ce marché avec de nouvelles générations de bornes intelligentes, contrôlables à distance. Avec de telles bornes, on pourrait recharger un véhicule en une vingtaine de minutes. Certaines nouveautés émaneront des brevets obtenus par les 2 étudiants alors qu’ils étaient à la maîtrise au Département de génie électrique et de génie informatique.
Véhicule fournisseur d’énergie
Dans les laboratoires de ce département, on continue aujourd’hui de s’intéresser aux bornes de recharge, et on voit encore plus loin. D’ici quelques années, des bornes bidirectionnelles entreront sur le marché. Comme l’explique le professeur Christian Gagné7, les véhicules électriques sont des accumulateurs d’énergie.
Leurs propriétaires pourront donc se servir d’un surplus d’électricité emmagasiné dans leur voiture pour alimenter un réseau public ou privé à des moments stratégiques en fonction des besoins du véhicule ou des prix variables de l’énergie.
«Nos recherches visent à mettre au point des modèles informatiques pour aider les utilisateurs de ces autos à maximiser leurs gains en fonction des meilleurs moments de charge-décharge.» On pourrait imaginer, par ailleurs, que l’utilisation de bornes bidirectionnelles par quelques centaines d’automobilistes sur le campus permettrait un échange d’électrons à coût nul: l’Université offrirait gratuitement l’électricité à ces automobilistes tout en réduisant ses propres coûts d’énergie grâce au flot d’électrons qui lui serait déversé.
Avant que des bornes bidirectionnelles soient implantées dans le paysage, il faut cependant que le parc de voitures électriques (entre 1000 et 2000 présentement) atteigne une masse critique. Cela ne saurait tarder, selon Christian Gagné, ce qui s’accompagnera d’un autre développement inéluctable: les voitures sans conducteur. «Il se pourrait bien, justement, que nous planchions là-dessus d’ici 2 ou 3 ans.»
6 Louis Tremblay est président de AddÉnergie. ↩
7 Christian Gagné est également membre du Laboratoire de vision et systèmes numériques (LVSN) et du Regroupement pour l’étude des environnements partagés intelligents répartis (REPARTI). ↩
Publié le 14 novembre 2013
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