Propos d'un écoloquace
Publié le 27 mai 2013 | Par André Desrochers
Science et culture: même combat
Je suis un auditeur fidèle d’Espace musique de Radio-Canada. Pas particulièrement parce que j’aime leurs choix musicaux, n’étant pas un fan des 8 morceaux de chanson française ou québécoise qu’ils font jouer en boucle sur mon radio-réveil chaque matin. Je syntonise Espace musique plutôt parce que cet «espace» ne nous enfonce pas des commerciaux criards dans la gorge. Après tout, pourquoi serais-je intéressé par un pick-up F-350 ou un nouvel écran plat de 825 pouces à 6h12 du matin? Mais je m’écarte déjà de la réflexion que je veux vous soumettre aujourd’hui, sur les liens entre la culture et la science.
La culture kidnappée
À Radio-Canada, comme ailleurs, on laisse entendre un sens bien particulier au terme «culture», auquel on associe aisément le Théâtre Périscope, les Violons du Roy, Gilles Vigneault ou encore Lise Bissonnette, tous des phares de notre société, bien sûr. Les âmes plus généreuses vont même considérer comme «culturels» Aerosmith, Lady Gaga ou encore la dernière merveille de monsieur Angélil, un dénommé Jean-Marc Couture. Je trouve que cette vision est un kidnapping du terme «culture» ou, comme l’explique Wikipédia, un abus de langage, par lequel on désigne «presque exclusivement l’offre de pratiques et de services culturels dans les sociétés modernes, et en particulier dans le domaine des arts et des lettres».
On est bien loin de la définition qu’en donnent les philosophes, pour qui la culture désigne principalement ce que l’humain a acquis au fil des générations pour le mener progressivement à se distinguer du reste de la nature. Et s’il est une chose qui nous a progressivement distingués comme espèce, c’est bien la science! Il me semble donc logique de considérer la science comme partie intégrante de la culture, non? Même d’un point de vue sociologique, on pourrait avancer que la science est une œuvre culturelle, car elle contribue à définir les sociétés en les divisant en 2 clans: celles qui embrassent la science et celles qui, hélas, la rejettent.
Au fond, le scientifique et l’artiste sont des professionnels de la culture. Ils se distinguent juste par leur méthode. Après tout, Stephen Hawking (Trous noirs et bébés univers, et autres essais) et Monet (avec ses quelque 300 Nymphéas) ne nous enseignent-ils pas tous les deux à mieux comprendre la nature?
J’imagine que ces maîtres sont essentiellement motivés par leur curiosité envers le monde naturel qui nous entoure. Pourtant, quand Monique Giroux ou René Homier-Roy nous entretiennent sur la culture, j’imagine qu’ils n’ont pas Stephen Hawking en tête. Au Québec comme ailleurs, culture et science sont 2 solitudes dans l’espace public, bien cantonnées dans leur silo.
Parlons d’argent
Culture et science sont aussi 2 solitudes administratives: au Québec, elles sont sous la responsabilité de 2 ministères distincts et ne s’alimentent pas du tout au même biberon. J’imagine que très peu de physiciens ou d’écologues (au sens de Jurdant) touchent des subventions du ministère de la Culture et des Communications (MCC). De mon côté, je serais désorienté si je devais évaluer un projet de film pour un octroi. Pourtant, nos connaissances sur l’infiniment petit ou l’infiniment grand n’alimentent-elles pas notre identité culturelle, notre psyché et moult discussions de souper, au même titre que le dernier attirail vestimentaire de Pierre Lapointe?
Si on accepte qu’il y a un chevauchement important entre les missions culturelles des artistes et une certaine classe de scientifiques (les «fondamentaux»), ne serait-il pas temps de les appuyer par les mêmes canaux, quitte à les voir en compétition plus directe pour des fonds publics? J’imagine la tête que feraient Maka Kotto (MCC) et Rémi Quirion (notre Scientifique en chef) si notre première ministre les conviait à se rencontrer pour mettre ensemble les ressources de leurs administrations respectives… Par exemple, un nouveau programme de subventions culturelles mettant en compétition les Violons du Roy et un groupe de recherche en écologie comportementale… Je ne parle pas ici d’inventer une nouvelle dépense gouvernementale, nos fonds étant déjà bien sollicités, mais plutôt de remanier les fonds existants afin de définir de manière plus inclusive la culture et son financement. Quitte à y rediriger des sommes provenant du Fonds québécois de la recherche sur la nature et les technologies1 qui regroupe des initiatives dont le lien avec la culture est parfois nul, mais parfois évident.
Nous sommes encore loin de la coupe aux lèvres… J’aime quand même imaginer un matin où Marie-Claude Lavallée, l’animatrice d’Espace musique, m’offrira une critique du dernier ouvrage de Richard Dawkins entre le Clair de Lune de Debussy et le Viens que j’te violoncelle de Daniel Lavoie!
1 Organisation dont un des mandats principaux est de changer de nom: FRNTQ, FQRNT, FCAR, FCAC et j’en oublie sans doute. ↩
Publié le 16 octobre 2013 | Par Cristian de Leon
Aristote distingue trois grandes activités chez l'humain: la fabrication, l'agir et la spéculation. La fabrication, c'est l'ensemble des métiers. D'une matière naturelle, l'artisan fait une chaise, une maison. La fabrication peut même aller jusqu'à exprimer, à l'aide d'une matière naturelle, des sentiments et là c'est le domaine des arts. L'agir, c'est le domaine éthique et politique, c'est l'agir ensemble en vue d'un projet commun. La spéculation, c'est la science, qui n'a pas de visé autre que la recherche de la vérité. Ce qui est intéressant dans cette dernière perspective sur la science, c'est qu'elle est dite désintéressée. On ne fait pas de la science pour s'enrichir ni pour s'en vanter, mais bien pour atteindre le plus possible ce que cache la nature.
Je cite M. Desrochers: «Au fond, le scientifique et l’artiste sont des professionnels de la culture. Ils se distinguent juste par leur méthode.» Là, je dois dire que je ne suis pas d'accord. Ce n'est pas par la méthode qu'artiste et savant se distinguent, mais bien par leur objets spécifiques. Ainsi l'objet de la science, c'est l'adéquation entre l'intelligence et la réalité. Alors que l'artiste, par son travail, cherche à nous faire connaître la beauté. Dans l'ordre de l'intention, la fin est première, mais dans l'ordre de l'exécution, la fin est dernière. Et c'est peut-être là que les méthodes choisies par le savant et l'artiste se rejoignent. Mais bon, ce n'est là qu'une petite divergence, car au fond ce que soulève notre auteur, c'est une espèce de divorce dans la société entre la manière de considérer la science et la culture. Et comme on dit dans les manuels de philosophie: distinguer pour mieux unir. Car il ne s'agit pas d'amalgamer des choses hétérogènes pour en faire un bouillon de culture, mais bien de mener correctement à terme des intentions diverses, des méthodes diverses et de bonnes intentions pour l'enrichissement de la culture humaine.
Pour ma part, j'ai choisi de me référer à Aristote pour une raison qui me semble pertinente: la Nature. En effet, nul autre philosophe n'a plus insisté sur les principes naturels que lui. La culture ne naît pas de rien, pas plus que l'humain. «J'ai appris beaucoup de choses de mes maîtres, Buffon et Cuvier, mais comparés au vieil Aristote, ce sont des écoliers». Cette citation est de Charles Darwin et je dois dire que j'aime beaucoup la rappeler. Pourquoi? Parce qu'elle rejoint une intention universelle, celle de ne jamais dissocier la Culture et la Nature. De plus, elle est un pont entre notre époque et l'Antiquité. Comme quoi, l'histoire aussi ne doit pas être oubliée.
CdL
Publié le 31 mai 2013 | Par Kina Konto
Il va falloir être créatif, et mieux mousser le dynamisme art et science, puisque puisque les deux désignent principalement ce que l’humain a acquis au fil des générations pour le mener progressivement à se distinguer du reste de la nature.