Mieux s’informer à l'heure du numérique
Publié le 16 novembre 2011 | Par Colette Brin
Quel avenir pour l’information?
Comme chercheure et enseignante en journalisme, j’étudie les effets de l’environnement numérique sur la production d’information d’actualité. La prolifération des sources et des supports a surtout remis en question le financement des médias, mais elle contribue également aux questionnements sur le rôle des journalistes dans un monde où chacun peut créer son propre média, ou du moins glaner soi-même les informations qui l’intéressent sur le web. Cette situation suscite depuis quelques années beaucoup d’inquiétudes au sein du milieu médiatique, au point où on n’hésite pas à parler de «crise» des médias.
Comme je forme des futurs journalistes, je ne peux pas m’empêcher de m’inquiéter pour leur avenir comme travailleurs: les postes permanents, les affectations prestigieuses, les piges lucratives semblent plus que jamais le privilège d’une élite très restreinte, soutenue par des armées de journalistes précaires et faiblement rémunérés, voire bénévoles.
Dans ce contexte, la formation au journalisme doit offrir des outils intellectuels et techniques souples et variés; elle doit permettre aux étudiants de s’adapter rapidement à cet univers mouvant. L’enseignement doit continuer à se nourrir de l’idéal démocratique et combattre les instincts cyniques, même –et surtout– lorsque les écarts de moyens entre le journalisme indépendant, intelligent, de qualité et celui des propagandistes de tout acabit semblent se creuser.
J’ose croire que même si Internet a créé l’illusion que l’information est gratuite, on peut aussi travailler à éduquer le public à la valeur sociale et politique d’une information de qualité.
La question des conditions de production d’une information de qualité gagnerait à être mieux connue, même si ses enjeux sont complexes, subtils et peu visibles dans la vie quotidienne. Il faudrait qu’on en discute comme d’un véritable enjeu de société, au même titre que l’éducation ou la santé.
C’est ce que j’espère faire avec vous dans ce blogue. Je me donne aussi comme objectif de prendre un peu de recul à l’égard de mes deux univers d’observation et d’action, le journalisme et l’université, qui ont en commun la recherche de vérité et les larges perspectives, mais qui demeurent paradoxalement des milieux relativement fermés.
Pourquoi des journalistes
Pour le citoyen soucieux d’une information de qualité, le Web offre une manne de contenus, mais il impose aussi un travail constant de veille et de tri des faits et opinions, de même qu’un effort de vigilance pour se prémunir contre la manipulation (toutes les sources d’information ne sont pas rigoureuses et désintéressées, au contraire!). Au quotidien, cela peut s’avérer épuisant ou ingérable. Lors d’une conférence donnée récemment à l’Assemblée nationale, l’auteur français Jacques Attali évoquait le rôle des «prescripteurs», ces gens qui produisent des contenus et des messages dignes de confiance, qui nous aident à naviguer dans cette mer d’information.
La mission du journalisme repose justement sur la délégation du travail de collecte et d’analyse de l’information à un groupe de professionnels pouvant offrir une certaine garantie d’indépendance et de rigueur. C’est dans cet esprit que ma collègue Dominique Payette a proposé un titre professionnel pour les journalistes, afin de permettre d’identifier (et de soutenir) ceux qui respectent cette mission.
Je comprends et je partage l’objectif de cette recommandation, mais je ne suis pas convaincue que la création d’un titre professionnel soit le meilleur moyen de l’atteindre (et certainement pas le seul!).
Je m’interroge tout particulièrement à propos du désir de certains –y compris des journalistes– de mettre en place des mesures punitives pour les écarts aux règles déontologiques, à l’instar de certains députés britanniques outrés du scandale des écoutes téléphoniques. Dans un monde où les poursuites en diffamation deviennent un moyen de censure et d’intimidation– y compris par certains médias– je préfère regarder du côté des moyens incitatifs, la carotte plutôt que le bâton.
Les médias et le journalisme traversent certes une période d’incertitude, mais c’est aussi une période d’effervescence et d’expérimentation. Les stratégies originales, inventives et pas nécessairement très coûteuses pour stimuler à la fois l’offre et la demande d’information de qualité se multiplient. Nous en explorerons quelques-unes dans ce blogue: des initiatives des milieux communautaire, associatif et entrepreneurial, ainsi que des interventions possibles ou actuelles de l’État. J’attends avec impatience vos commentaires et vos suggestions!
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