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Photo de Simon Langlois

Niveau de vie: l’inquiétude croît avec l’âge

Au Québec, les familles sont plus endettées, et les inégalités de revenus augmentent, mais qu’en est-il de la perception qu’ont les citoyens de leur propre niveau de vie? L’enquête sur le sentiment de justice sociale que nous analysons comporte un indicateur qui donne des réponses éclairantes à l’aide de cette question: «Globalement, avez-vous le sentiment que votre niveau de vie est resté stable, s’est détérioré ou s’est amélioré depuis 10 ans?». Trois grandes observations ressortent de l’analyse en cours.

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Arrêt de l’escalier roulant
Seulement 1 répondant sur 3 estime que son niveau de vie a augmenté depuis 10 ans (32%). Au total, 40% des répondants n’ont pas vu de changement dans leur situation alors que 28% estiment que leur niveau de vie s’est détérioré.

La stabilité sur une période de 10 ans perçue par une si forte proportion et le pessimisme d’une partie des répondants indiquent une rupture avec le passé alors que la grande majorité des ménages étaient sur une sorte d’escalier roulant vers le haut. «The rising tide lift all the boats», avait affirmé le président des États-Unis Robert Kennedy en plein cœur des trente glorieuses (les années 1945-1975), un diagnostic qui s’appliquait aussi aux autres sociétés développées. Cette tendance s’est arrêtée à partir des années 1980.

Montée de l’inquiétude après l’âge de 50 ans
La seconde observation mise en évidence par l’enquête est la forte montée des inquiétudes vis-à-vis le niveau de vie observée chez les 50 ans et plus. Il s’agit là d’une donnée importante à prendre en compte dans les débats actuels sur les régimes de retraite. C’est dans la tranche d’âge des 50-64 ans que la détérioration ressentie est la plus marquée (38% contre 28% dans l’ensemble), une période du cycle de vie au cours de laquelle les revenus stagnent le plus souvent, ou diminuent pour un bon nombre. L’inquiétude observée à partir de l’âge de 50 ans est assez généralisée et ressentie dans les différents groupes sociaux, y compris ceux qui sont les plus scolarisés ou qui occupent des emplois supérieurs. L’âge a donc un effet net sur les représentations sociales du niveau de vie.

Par contre, une fois l’âge de la retraite atteint, c’est la stabilité de la condition perçue qui domine largement avec près de 60% des répondants optant pour cette réponse à la question posée dans notre enquête. Les jeux sont faits lorsqu’arrive l’âge de la retraite. Ceux qui se sont appauvris au moment de la prendre vont rester pauvres ou à faibles revenus, avec peu de possibilités de changement, et ceux qui bénéficient d’une bonne protection de leurs revenus (fonds de pension, épargnes privées) ne comptent plus l’améliorer.

Méritocratie et représentations sociales du niveau de vie
L’amélioration perçue des conditions de vie passe maintenant par la méritocratie. C’est la 3e observation qui ressort de ces données. L’optimisme par rapport au niveau de vie est fortement lié à l’obtention d’un diplôme d’études supérieures et à l’accès à un emploi à statut élevé ou intermédiaire tel que cadre supérieur, cadre moyen, professionnel, technicien, emploi dans les professions intermédiaires comme l’enseignement ou la santé, etc. Les diplômés du postsecondaire sont nettement plus optimistes sur l’amélioration de leur niveau de vie et ils sont moins nombreux à déplorer une détérioration de leur condition lorsqu’ils ont moins de 50 ans.

De nos jours, le diplôme d’études supérieures et l’accès à un bon emploi (2 indicateurs de la méritocratie) sont devenus des conditions nécessaires à l’amélioration du niveau de vie au fil des ans et en cours de carrière, ce qui alimente la construction de représentations sociales optimistes. Il faudra cependant attendre afin de voir si l’effet d’âge se fera sentir chez les diplômés du postsecondaire qui n’ont pas encore atteint la cinquantaine.

Plus optimistes au Québec qu’ailleurs
Dans le passé, les améliorations réelles et perçues du niveau de vie étaient souvent dépendantes des gains réalisés à la suite de luttes collectives (grèves dans les grandes entreprises, par exemple) ou obtenus dans des secteurs d’emploi jouissant d’un monopole (emplois dans la fonction publique ou dans les sociétés d’État, par exemple). C’est beaucoup moins le cas en ce moment, et le discours dominant dans les grandes négociations collectives est plus souvent axé sur «la protection des acquis» que sur l’amélioration continue des conditions d’emploi.

Le haut taux de syndicalisation et l’intervention de l’État sur le plan de la redistribution des richesses et sur celui des services publics (garderies, financement des universités et des cégeps, etc.) contribuent sans doute au fait que le taux de pessimisme noté plus haut soit plus bas au Québec (28% des répondants estimant que leur niveau de vie s’est détérioré) que celui observé dans d’autres pays en réponse à une question identique (notamment en France et aux États-Unis). La méritocratie est devenue importante, mais l’intervention de l’État continue de s’avérer nécessaire au maintien d’un niveau de vie jugé satisfaisant par les citoyens.

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