Propos d'un écoloquace
Publié le 7 octobre 2014 | Par André Desrochers
Les joyeux naufragés du climat
Bon, j’allais vous proposer un texte sur autre chose que les changements climatiques cette semaine, mais je persiste et signe, car les médias ne cessent de sortir des histoires exagérées et totalement spéculatives sur ce thème exaspérant. La dernière qui m’a fait échapper du café sur mes toasts, c’est l’histoire de ces morses empilés sur une plage de l’Alaska, un phénomène rare, attribué gratuitement aux changements climatiques. Ce genre d’empilade s’est déjà produite il y a quelques décennies, entre autres, bien avant tout ce brouhaha sur la fonte des glaces polaires1. Alors laissez-moi vous écrire au sujet des climatophobies qu’on entretient sur l’Arctique, avec une touche humoristique, car mieux vaut en rire qu’en pleurer.
J’étais un fan de la série culte Les joyeux naufragés quand j’étais enfant. On y relatait les aventures d’une poignée de personnages tout aussi improbables que prévisibles s’étant retrouvés sur une île déserte à la suite d’une tempête lors d’une croisière de luxe. Longtemps oubliée, l’image de Gilligan, le célèbre matelot gaffeur, m’est revenue en tête récemment grâce aux cafouillages vécus cet été (et à l’été 2013) par des dilettantes de l’exploration polaire qui visaient à franchir le fameux passage du Nord-Ouest, apparemment de la manière la plus loufoque possible. Vous savez, ce coin de l’océan Arctique qui était désormais censé s’ouvrir pendant des semaines chaque année à cause du réchauffement climatique dont nous serions les principaux responsables?
Le cafouillage le plus spectaculaire fut sans contredit celui d’une mission étrangement nommée Mainstream Last First qui voulait franchir à la rame le passage du Nord-Ouest pour démontrer haut et fort l’impact du réchauffement climatique dans l’Arctique. L’équipage n’a pas fait la moitié du chemin, bloqué par les glaces… Avec des amis comme ces joyeux naufragés, les adeptes de l’alarmisme climatique n’ont pas besoin d’ennemis.
Pourtant, je me souviens encore de l’annonce faite il y a quelques années, reprise d’ailleurs il y a quelques mois à l’émission Découverte: le réchauffement de l’Arctique devait le libérer de ses glaces estivales autour de 2015. Annonce accompagnée de l’habituel «c’est pire encore que ce qu’on avait prédit». Sauf que l’Arctique ne cesse de nous surprendre. Depuis 2 ans, l’étendue et le volume des glaces du Grand Nord n’ont pas diminué. En fait, ils se sont accrus significativement selon les données satellitaires de l’Agence spatiale européenne, après avoir été à leur plus bas en 2012 (sur 3 décennies de données).
Mainstream Last First n’a pas le monopole du ridicule. En 2013 et en 2014, il y a eu quelques autres tentatives échouées de traverser ce fameux passage du Nord-Ouest2, dont celles de Charles Hedrich, à la rame lui aussi, qui a abdiqué début septembre. À voile, à la rame… Si ça se trouve, quelqu’un va finir par l’essayer en pédalo! Personnellement, j’opterais pour un Hummer, probablement mieux adapté pour composer avec un solide fond de glace. L’aventure est juste une mauvaise planification, disait Amundsen, l’explorateur polaire norvégien. Vous aimez l’aventure? Planifiez selon les scénarios climatiques et vous serez en business!
Qu’est-ce qu’on apprend de la fonte des glaces?
Avant de susciter les répliques habituelles, je vais mettre 2 choses au clair:
- Primo, oui, les glaces de l’Arctique ont significativement fondu depuis 1979.
- Secundo, il est normal que des fluctuations à court terme (hausses de l’étendue et du volume des glaces) comme celles observées depuis 2 ans se superposent à la tendance générale, soit la baisse de ce volume et de cette étendue. Ce sont les termes d’erreur ou résiduels d’un modèle statistique de régression.
Une simple équation de droite comme illustrée ici en bleu résume bien cette tranche de l’histoire. Mais elle ne saurait résumer la dynamique des glaces à plus long terme. On doit reconnaître que la dynamique naturelle des glaces de l’Arctique, à l’échelle des décennies, n’est pas bien connue, puisque nous disposons de très peu de données précises avant 1979, date à laquelle les données satellitaires sont devenues disponibles. Et si c’étaient plutôt les années 70 qui étaient inhabituelles?
Pourtant, la presse et l’establishment scientifique3 semblent agir comme si 1979 était une année de référence, la norme. Quelqu’un peut m’expliquer sur une base scientifique pourquoi la couverture de glace de 1979 serait plus souhaitable que celle de 2014? Choisir sa référence, c’est choisir son camp, comme je le mentionnais dans un billet précédent.
Quant aux fluctuations depuis 2 ans, non, elles ne sont pas une tendance, mais elles m’amènent à me questionner sur cette fameuse théorie de la spirale de la mort, tant publicisée il y a juste quelques années. Cette théorie bien raisonnable propose que la baisse de l’albédo résultant de la fonte des glaces marines augmentera suffisamment l’absorption de chaleur dans l’Arctique pour enclencher une rétroaction positive catastrophique et la disparition à court terme des glaces estivales dans cette région. Or, l’essence même d’une telle rétroaction, d’un système qui s’emballe, ne devrait-elle pas exclure la possibilité de rebondissements majeurs tels que vécus ces 2 dernières années? On parle ici d’une hausse des superficies minimales de 50% depuis 2012, c’est quand même étrange.
Peu importe ce qui arrivera aux glaces de l’Arctique dans les prochaines années, on doit se demander en quoi cette dynamique nous informe sur le vrai problème, à savoir le degré de responsabilité des humains et de leurs émissions de gaz à effet de serre. Si la glace devait revenir aux superficies des années 70, cela ne réfuterait pas l’hypothèse de la cause humaine4. Selon la même logique, une fonte complète des glaces ne serait pas une preuve définitive que les humains en sont la cause.
Comme écologiste étudiant des systèmes complexes, j’éprouve de l’empathie pour ces scientifiques du climat qui travaillent, loin des projecteurs, à donner un sens à toutes ces surprises que leur réserve les phénomènes météorologiques. J’applaudis ceux qui connaissent en détail la biologie du morse et la dynamique spatio-temporelle de ses populations. Mais je rigole de voir les chevaliers de la culpabilisation s’obstiner à attribuer aux humains toutes sortes de phénomènes environnementaux, en dépit de l’absence de preuves tangibles. Quand vont-ils reconnaître les sérieuses limites à notre compréhension du climat? Quand vont-ils se regarder dans le miroir avant d’accuser les autres de déni?
Les traversées à la rame du passage du Nord-Ouest devaient envoyer un message fort à propos des changements globaux et ceux en Arctique. Elles ont frappé un mur, littéralement. Alors, on est en droit de se demander quel devrait donc être ce message, sinon de faire preuve d’un peu plus d’humilité…
1 Fay, F. H. and B. P. Kelly. 1980. «Mass natural mortality of walruses (Odobenus rosmarus) at St. Lawrence Island, Bering Sea, autumn 1978». Arctic 33:226-245. ↩
2 Je lève tout de même mon chapeau à l’expédition canadienne dans la même région qui a finalement trouvé les vestiges des navires de l’expédition de Franklin, vieux de 170 ans. Superbe découverte. ↩
3 Je vois de plus cet establishment comme une entité politique, allant souvent à l’encontre des objectifs nobles de la Science. ↩
4 Honnêtement, je me demande qu’est-ce qui réfuterait cette hypothèse? Il y a quelques années, l’establishment niait l’existence d’une pause dans le réchauffement climatique, notant qu’une telle pause invaliderait leur hypothèse. Ensuite, il nous annonçait qu’il y a effectivement une pause, mais que c’est cohérent avec l’hypothèse anthropique. ↩
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