Propos d'un écoloquace
Publié le 30 avril 2013 | Par André Desrochers
Le printemps ne fait plus l’hirondelle
Je ne voudrais pas tomber dans les platitudes météorologiques, mais le soleil printanier rappelle que les oiseaux reviendront bientôt en grand nombre. En grand nombre… dans certains cas. Êtes-vous de ceux qui ont remarqué la disparition des hirondelles au fil des dernières années?
Le déclin
En général, les oiseaux du Canada se portent assez bien. Mais comme l’indique «L’état des populations d’oiseaux au Canada 2012», produit par l’organisation sans but lucratif Études d’oiseaux Canada, les hirondelles ont vu leur nombre décliner de manière catastrophique depuis les années 1980. Et les engoulevents. Et les martinets. Alouette… Un simple coup d’œil au diagramme suivant devrait vous convaincre qu’il ne s’agit pas de crier au loup ici: regardez la courbe rose!
Source: Études d’oiseaux Canada, www.etatdesoiseauxcanada.org/results_national_indicators.jsp
Ce diagramme débute dans les années 1970 simplement parce qu’auparavant, les données étaient trop fragmentaires. On n’a pas encore trouvé le moyen d’estimer les nombres d’oiseaux à partir d’échantillons de glace, cela viendra peut-être un jour?
Mais revenons au sujet: il semble y avoir péril en la demeure pour les hirondelles et toute cette faune qui aspire ce qui bouge dans les airs (et qui a 6 pattes). La situation alarmante de ces insectivores n’est pas unique au Canada, elle semble exister sur tous les continents (excepté le vaste désert de glace au pôle Sud bien sûr). Ce qui rend le problème encore plus préoccupant, c’est que les ornithologues sont actuellement incapables de mettre le doigt sur les causes principales de ce phénomène.
Les causes
En bon écologiste, je serais tenté de vous affirmer que les causes d’un tel déclin sont diverses et sans doute liées entre elles de manière complexe (et non linéaire, pour en rajouter). Mais allez donc dire cela aux agences gouvernementales mandatées de protéger la biodiversité…
Ou encore, je pourrais pointer vers les coupables habituels et déjà sous la loupe de plusieurs: la perte d’habitat, les espèces envahissantes, les changements climatiques. La perte d’habitat, en particulier, serait une cause envisageable étant donné que plusieurs de ces espèces se trouvent en terres agricoles, qui ont profondément changé depuis quelques décennies.
Autre possibilité, l’augmentation du trafic routier, qui pourrait pulvériser de plus en plus de ces adeptes du rase-mottes en travers des routes. En effet, une étude récente sur les hirondelles à front blanc, publiée dans Current Biology1, conclut que ces dernières ont été décimées par les véhicules en mouvement à un point tel que la sélection naturelle les a dotées d’ailes plus courtes, donc plus manœuvrables, les aidant possiblement à esquiver les bolides.
Tous ces phénomènes ont probablement leur part de blâme. Mais à mon avis, il serait difficile d’ignorer l’éléphant dans le salon (comme on dit dans la langue de Shakespeare): une raréfaction des insectes aériens.
De moins en moins d’insectes aériens… Facile à imaginer mais malheureusement difficile à déterminer, faute de programmes de surveillance à long terme de ces organismes. On peut aisément capturer des insectes vivant au sol avec des pièges dits «à fosse» ou des insectes vivant près du sol avec des pièges dits «Malaise» (de l’entomologiste René Malaise), mais comment mesurer les quantités d’insectes qui se promènent en 3D dans des kilomètres cubes d’air?
Soyez rassurés, plusieurs cherchent actuellement à résoudre ce problème, avec des moyens technos (radar) ou plus bricolés, du genre tenir une épuisette à bout de bras depuis un véhicule en déplacement (ne riez pas, mes étudiants l’ont essayé et ça marche!).
Lumière sur les insectes
Mais bon, à défaut d’avoir des données valables sur les insectes aériens, on peut spéculer sur leur déclin. Une des premières interrogations sur le sujet est apparue il y a plus d’un siècle, dans l’édition du 14 septembre 1897 du Los Angeles Times. L’article relatait que l’intensification des infrastructures éclairant routes et villages pourrait fort bien mettre en danger les insectes qui sont fatalement attirés par ces sources lumineuses, réduisant du même coup les populations d’oiseaux qui dépendent de ces insectes. On peut émettre des doutes sur cette idée pour ce qui est des insectes et oiseaux diurnes, mais il reste qu’il s’agissait d’un texte prémonitoire!
La chasse au responsable du déclin des hirondelles ne se limite pas aux insectes, bien sûr. Mais en attendant de trouver le smoking gun du coupable, il faut se retrousser les manches et faire preuve d’imagination avant qu’il ne soit trop tard ou trop cher pour ramener ces charmants voisins aériens. Je vais sûrement revenir sur ce sujet.
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Article très intéressant, mais je suis vraiment surpris que vous n'ayez pas évoqué, pour le déclin des insectes, l'épandage aérien (et autrement) d'insectiCIDES, précisément!
Le déclin des populations d'abeilles est bien documenté à cet effet, me semble-t-il. Quant aux autres «repas volants», je suis sûr que des recherches ont été réalisées à leur sujet.
Je suis sûr, également, que vous en savez beaucoup plus que moi en ornithologie et entomologie. Ce qui m'intrigue, maintenant, c'est comment et surtout POURQUOI un scientifique comme vous a «négligé» de parler des insecticides...