Mieux s’informer à l'heure du numérique
Publié le 29 novembre 2011 | Par Colette Brin
La taverne Twitter, le salon Facebook et la vraie vie
Quand on est boulimique d’information, le web est un buffet à volonté ouvert 24h/24. Depuis l’arrivée du WiFi dans nos maisons et dans des espaces de plus en plus nombreux, la tentation de s’empiffrer constamment nous suit dans nos moindres déplacements.
Une étude récente aux États-Unis me porte à croire que le téléphone intelligent et la tablette, malgré leurs avantages indéniables, auraient surtout comme effet d’empiéter encore davantage sur la vie personnelle et les relations humaines «hors ligne».
Le journaliste et blogueur Antoine Robitaille s’interroge sur son rapport à ces objets et à ce flux incessant, ce nuage infini d’informations qu’il attrape au vol et qu’il alimente. Sa collègue Gina Desjardins, spécialiste des nouveaux médias, suggère des moyens pour tenir en laisse notre téléphone cellulaire, plutôt que de se soumettre à lui.
Il me semble en tout cas que nous n’ayons pas encore maîtrisé la bête. Soit nous la fuyons, soit nous nous laissons dévorer par elle… D’ici quelques années, nous connaîtrons sûrement mieux les effets physiologiques et psychologiques du temps passé sur les médias sociaux. La dureté du ton, les réactions épidermiques et autres erreurs de jugement qui sévissent trop souvent dans les interactions en ligne sont peut-être simplement liés à la fatigue physique – ce à quoi s’ajoute le risque de malentendu à la lecture d’un message de 140 caractères!
Si Twitter se compare à une taverne, un lieu joyeux et animé mais où la bagarre peut éclater à tout moment, Facebook est davantage un salon, un lieu tout aussi convivial, mais plus feutré, où on peut causer plus tranquillement entre «amis». On peut y passer –voire y perdre– beaucoup de temps et on y observe une tendance à la mise en scène narcissique et mesquine. C’est à qui aura les photos de voyage les plus exotiques, le plus beau bébé, le couple le plus parfait, le mot d’esprit le plus fin… Le milieu médiatique n’échappe pas à cette tendance à l’autopromotion et au dénigrement – quand ce n’est pas l’indifférence – à autrui.
Que des propos publics
Et au salon comme à la taverne, les murs ont des oreilles… Même sur un profil privé, rien n’empêche un ami-d’ami de repiquer votre commentaire et de le rediffuser ailleurs – dans la taverne, par exemple. C’est ce qui est arrivé au journaliste Pierre Sormany, dont les propos sur le profil Facebook d’une collègue, repris par un tiers à son insu sur Twitter, lui ont valu une poursuite en justice. (Je souligne en passant que mes propos ici ne se veulent pas une analyse juridique, n’ayant aucune expertise ni prétention en la matière.)
Les politiques de confidentialité de Facebook sont par ailleurs particulièrement ambiguës et complexes. Comme l’a souligné le journaliste et geek à ses heures Michel Dumais lors du dernier Congrès de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, il s’agit après tout d’une entreprise dont la mission est de faire des profits en recueillant et en revendant des informations sur ses usagers.
Bref, au salon comme à la taverne, ne dites rien que vous ne diriez pas à la télévision, a conseillé Marie-Claude Ducas lors du même atelier. C’est vital pour les journalistes, souvent bavards et grégaires de nature – d’où leur prédilection pour les tavernes et les salons! – et qui doivent, à défaut d’être véritablement neutres, maintenir une image publique d’impartialité et de rigueur. Le colportage de rumeurs et l’expression d’opinions liés aux sujets de couverture journalistique sont donc à proscrire.
La même règle s’applique à tous ceux qui occupent des postes de responsabilité, qui ont une image publique à protéger, ou qui y aspirent. Plusieurs entreprises et organisations ont d’ailleurs formulé des guides ou des politiques d’usage des médias sociaux – visant peut-être davantage à protéger l’institution que l’individu, ce qui peut entraîner parfois des effets indésirables de censure. Mais de manière générale, la discrétion et le jugement sont de mise.
Pour maintenir une saine perspective et m’aérer un peu l’esprit, je tente donc de m’imposer régulièrement de sortir de l’espace numérique; créer des moments et des espaces pour lire, réfléchir, approfondir, être en contact direct avec les gens, fabriquer des choses avec les mains (et sans clavier!), jouer dehors. C’est d’ailleurs ce que préconise la grande prêtresse des nouveaux médias, Arianna Huffington. Un tel temps d’arrêt peut apparaître comme un luxe, mais il est essentiel pour apprivoiser et bien vivre avec le numérique.
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Publié le 30 novembre 2011 | Par Micheline Lemieux
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