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Photo de André Desrochers

Surmonter la haine des combustibles fossiles

Mon dernier billet défendait tout le potentiel de l’énergie nucléaire malgré ses risques et l’intérêt, évident selon moi,  qu’elle devrait représenter pour ceux qui tiennent les humains pour principaux responsables des changements climatiques. Il n’en demeure pas moins que l’énergie nucléaire est coûteuse et le restera encore longtemps. En attendant une utilisation significative de cette filière, les habitants de la planète, Québécois inclus, dépendront en majeure partie des combustibles fossiles pour leur prospérité, une autre filière au potentiel énorme comparé à ses risques.

combustibles

Car, bien sûr, les combustibles fossiles impliquent aussi des risques. Et, bien sûr, encouragés par le mantra des médias, nous aimons les détester malgré leur contribution évidente à l’essor de l’humanité depuis plus de 100 ans. Étrange que certains pensent encore qu’il faut «sensibiliser» la population aux affres du pétrole. De fait, pas une journée ne passe sans que je me bute à une montée de lait contre les risques pétroliers dans ma recension des nouvelles. Le  27 septembre dernier, c’était au tour de Zachary Richard de s’exprimer au sujet de l’exploitation pétrolière. Il mentionnait, malgré la couverture abondante du sujet, que «le public québécois est complètement dans le noir au sujet [de ses] risques1».

Une affaire planétaire
Pour dissiper un peu cette pénombre, et au risque de me faire des ennemis, je vous offre quelques réflexions supplémentaires sur la question de l’énergie en lien avec l’environnement. Pour les plus pressés, je résume la thèse à laquelle je souscris: le pétrole souille, mais pour les prochaines décennies, il demeurera le moteur planétaire de prospérité, faute de mieux. Aussi bien se faire une raison.

Comme je le mentionnais dans mon billet précédent, la situation énergétique du Québec est particulière. Ici, les énergies renouvelables, du moins l’hydroélectricité, pourraient nous émanciper des combustibles fossiles plus vite et de manière plus significative qu’ailleurs dans le monde. Nos risques de subir des désastres environnementaux seraient réduits comme notre dépendance aux importations de pétrole venues de pays lointains, ces derniers n’étant pas toujours bienveillants. Un scénario tellement peu controversé qu’il est défendu à la fois par Équiterre et par le Conseil du patronat du Québec.

Mais qu’arriverait-il alors du défi environnemental sur le plan mondial? À ce propos,  je partage la vision de l’auteur américain Alex Epstein. Dans son livre Moral Case for Fossil Fuels, il défend une approche pragmatique des autres possibilités ou plutôt, impossibilités, de développement énergétique qui s’offrent aux humains. En gros, il nous dit ceci: vous êtes contre les combustibles fossiles, mais que proposez-vous en échange pour le bien de l’environnement ET de l’humanité? Les énergies renouvelables? Voilà une réponse populaire à cette question. Et pourtant…

Les utopies du vent et du soleil
D’abord, selon l’International Energy Agency, la demande mondiale en énergie augmentera de près de 40% d’ici 2040, surtout (presque par définition) pour rencontrer les besoins des pays en développement. Cette demande, prévoit-on, sera satisfaite environ aux 3/4 par les combustibles fossiles.

Justement, dans son livre, Alex Epstein démolit une par une les solutions de rechange aux combustibles fossiles pour satisfaire à court et à moyen terme de tels besoins en énergie pour l’humanité. Selon lui, seuls les combustibles fossiles livrent les 4 caractéristiques fondamentales d’une énergie pouvant répondre à la demande planétaire à venir: elle doit être bon marché, abondante, non intermittente et applicable à différents degrés. Epstein, bien sûr, appuie sa réflexion sur la supposition que les humains n’accepteront pas de réduire volontairement et significativement leurs standards de vie matérielle.

Pendant ce temps, en Europe, malgré les subventions généreuses et la volonté politique dont font preuve certains pays comme l’Allemagne, les filières renouvelables continuent de décevoir, réussissant à fournir, au mieux, un faible pourcentage de la production totale d’énergie. Malgré cela, dans un remarquable exercice de déni, le professeur à l’Université Stanford Mark Jacobson et ses coauteurs tentaient récemment de démontrer que l’utilisation de l’énergie renouvelable à grande échelle serait faisable, voire payante aux États-Unis, moyennant le déploiement d’éoliennes et de panneaux solaires dignes d’un plan Marshall nourri aux stéroïdes. La foi de ces auteurs dans la mobilisation populaire et industrielle déconcerte. Pour vous donner une idée, à l’heure actuelle, quelque 29 milliards de panneaux solaires seraient nécessaires pour combler les besoins énergétiques de nos voisins du Sud. En supposant une capacité d’en manufacturer 1 par seconde, cela prendrait environ 930 années pour atteindre cette quantité.

Vous me direz: alors, pourquoi pas les éoliennes? Parce qu’il en faudrait près de 500 000 selon Jacobson et ses collègues. Beau cocktail pour une pandémie annoncée de «pas dans ma cour», un phénomène qui ne se limite pas au Québec!

Le bébé et l’eau du bain
Bref, on a beau tourner le problème de tous les côtés, à moins de croire à la grande épiphanie sociétale espérée par certains2, il faudra consommer pendant encore plusieurs années des quantités vertigineuses de combustibles fossiles pour se déplacer, pour se nourrir et même, curieusement, pour se protéger davantage des aléas du climat en perpétuel changement3. Qu’on le veuille ou non, cette filière sera plus que jamais nécessaire pour maintenir le niveau de prospérité qui assure le confort des pays développés et qui distingue la vie de la mort dans certaines régions du globe.  Et en attendant de trouver mieux, plutôt que dénoncer son extraction, il serait peut-être temps de reconnaître notre chance de pouvoir profiter de cette manne souterraine.

Certes, la consommation d’énergie n’est pas une assurance de prospérité. Par exemple, les Américains, qui utilisent deux fois plus d’énergie que les Européens, ne sont guère plus prospères. J’ajouterais toutefois cette nuance. Le simple fait que certains humains doivent encore se démener pour satisfaire leurs besoins de base plutôt que pour la défense de la planète bleue me porte à croire que prospérité et consommation d’énergie sont tout de même fortement liées. C’est le cas, du moins, pour les pays en développement qui, de surcroît, accueillent la plus grande part de la population terrestre.

De fait, les pays moins privilégiés de cette planète auront les moyens de consentir des efforts pour assainir l’environnement, prévoir des aires protégées, etc., une fois sortis de la pauvreté absolue4. Avant d’être humaniste, environnementaliste et esthète, il faut pouvoir se nourrir et se loger! Et, faute d’un miracle ou d’une improbable entrée en scène d’un altruisme débordant de la part des pays développés à la énième conférence sur le climat à Paris cet automne, l’accession des pays en développement à un niveau de vie décent se fera avec l’aide des combustibles fossiles.

Bien sûr, il faut faire preuve de reconnaissance envers les groupes environnementalistes qui dénoncent les abus des secteurs pétroliers, du charbon et des gaz naturels. Mais entre dénonciation des abus corporatifs et dénonciation de notre utilisation du pétrole, il y a un pas énorme. Vous connaissez la célèbre expression «jeter le bébé avec l’eau du bain». 

Un jour, rassurez-vous, on en aura fini avec les combustibles fossiles. Pas en raison de leur épuisement, mais plutôt parce que la prospérité, l’ingéniosité et l’esprit d’entreprise que cette matière organique nous aura permis de maintenir nous auront amenés ailleurs. L’âge de pierre ne s’est pas achevé… faute de pierres. Ce sera pareil avec le pétrole, contrairement aux prédictions tous azimuts émises depuis 50 ans par notre élite environnementaliste.

1 Article de la Presse: Pétrole: Zachary Richard met en garde les Québécois

2 Voir le plus récent livre de Naomi Klein: Capitalisme et changement climatique: Tout peut changer. J’avais apprécié l’ouvrage No Logo de cette même auteure, mais j’ai trouvé la lecture de son dernier ouvrage pénible. Pourquoi avoir persisté? Par souci de consulter des livres présentant des points de vue opposés sur différents problèmes, histoire de ne pas tomber dans le panneau de la vision unilatérale.

3 Epstein observe que les pertes de vie dues aux aléas du climat, plutôt qu’augmenter, ont diminué de 98% depuis environ un siècle, ceci grâce à notre prospérité qui nous rend plus résilients aux changements climatiques.

4 Malgré les écarts croissants entre les riches et les pauvres, l’incidence mondiale de pauvreté absolue (<1,25$/jour) est passée de 52% en 1981 à 22% en 2008. Il faut s’en réjouir.

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  1. Publié le 8 octobre 2015 | Par Nikolaï

    Selon moi, la question centrale à se poser pour juger de la qualité d'une source d'énergie reste celle de son rapport énergétique. La grande partie du pétrole produit actuellement sert au transport. Il est absurde d'utiliser une énergie qui demande un plus grand apport d'énergie pour être extraite, transportée, raffinée, stockée, puis distribuée, comparativement à ce qu'elle produit intrinsèquement en termes de travail mécanique lors de sa combustion (ou en termes de chaleur produite dans le cas du fioul).

    Le pétrole est loin d'être une énergie viable d'un point de vue strictement entropique. On continue d'utiliser cette ressource parce qu'elle reste viable du point de vue économique et nous savons que la logique économique est conditionnelle à la notion de rareté. L'aberration suprême vient tout droit des sous-sols du sable bitumineux dont le bilan énergétique est catastrophique, ce pétrole étant le plus énergivore à produire. Bien sûr, aucune énergie n'aura un rapport excédentaire, mais il faudrait peut-être s'employer à utiliser celles présentant un coût énergétique minimal de production comparativement à un rendement maximal (qu'il soit sous la forme d'un travail mécanique ou de chaleur). L'hydroélectricité et le nucléaire sont des sources énergétiques somme toute plus intéressantes selon cette perspective. La logique économique prime trop souvent avant le reste. Je déplore que le concept d'entropie ne soit pas plus présent dans nos décisions de société, surtout lorsqu'il est question d'énergie. La mondialisation en cours, la diminution des disparités et notre développement technologique vont augmenter considérablement nos besoins mondiaux en énergie. Nous devons nous employer à trouver des sources d'énergie plus rentables et pérennes (donc pas forcement d'hélium 3) si nous aspirons au titre de civilisation de type I sur l'échelle de Kardashev. Il en va de notre survie...