Propos d'un écoloquace
Publié le 30 septembre 2013 | Par André Desrochers
Les bureaucrates du climat frappent encore
Au dire de certains ténors du réchauffement anthropique de la planète, ce problème est LE problème actuel de l’humanité. Alors aussi bien en parler encore un peu. Cela tombe bien, car vient de paraître une publication attendue sur le sujet. Il s’agit de la première section du 5e rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Le «GIEC nouveau» est disponible chez les meilleurs libraires tous les 6 ans depuis 1990. Avec bien sûr l’inévitable fanfare médiatique.
La Bible du climat
Le patron est classique: souvent lorsque je soulève des questions sur le climat, on me brandit le dernier rapport du GIEC, un peu comme un fou de Dieu vous brandirait la Bible ou le Coran, en me sermonnant que c’est écrit là-dedans, donc c’est vrai, et en m’intimant de la fermer! Mais que sont donc ces saintes écritures climatiques, et pourquoi méritent-elles cette vénération, particulièrement de la part des bureaucrates, de la presse et des nombreux commentateurs de l’actualité?
Le GIEC est un sous-produit des Nations unies, fondé en 1988, à l’aube des préoccupations sur le réchauffement climatique. Sur son site Web, le GIEC nous rassure en énonçant sa mission «d’évaluer, sans parti pris et de façon méthodique, claire et objective, les informations d’ordre scientifique, technique et socio-économique qui nous sont nécessaires pour mieux comprendre les fondements scientifiques des risques liés au changement climatique d’origine humaine, cerner plus précisément les conséquences possibles de ce changement et envisager d’éventuelles stratégies d’adaptation et d’atténuation». Notez que la commande est de dévoiler les possibles origines humaines (le gras est de moi, dans la citation) aux variations climatiques récentes. Les causes naturelles des variations climatiques sont plutôt traitées comme des facteurs accessoires dont il faut bien tenir compte, l’humain n’ayant apparemment pas encore réussi à TOUT contrôler côté climat.
… ou un pamphlet politico-scientifique?
Le GIEC ne pratique pas la science. Il en utilise les résultats, en mettant l’accent sur le consensus. La quête du consensus, c’est la façon onusienne de traiter tous les dossiers chauds, scientifiques ou non. En d’autres termes, l’ONU fabrique du prêt-à-porter intellectuel pour les décideurs pressés et autres adeptes de Twitter, ou encore un certain nombre de journalistes heureux de simplement régurgiter le contenu des communiqués de presse qui tiennent un discours vendeur. Triste réalité, car le consensus est un concept peu utile, voire néfaste, pour les chercheurs scientifiques qui, du moins jusqu’à récemment, étaient animés par la philosophie1 selon laquelle la science fonde le progrès sur le débat et la remise en question.
Rajendra Pachauri est le directeur du GIEC. Il est aussi ingénieur ferroviaire. Étrange puisque, comme le claironnent souvent les personnes alarmées par le réchauffement climatique ou dont le financement en est tributaire, si on n’est pas un scientifique du climat avec de nombreuses publications dans le domaine, de quel droit peut-on dire des choses avec autorité sur le climat? Mais personnellement, la distance entre le domaine d’origine de Pachauri et la science climatique ne me dérange pas tant, car on demande de lui des qualités de gestionnaire plutôt que de chercheur. Et de ce côté, M. Pachauri a démontré à quelques reprises un jugement plutôt chancelant, comme en témoigne le facheux épisode de l’attribution erronée du prix Nobel à tous les participants du GIEC ou encore la propension du groupe à agir derrière les portes closes.
Si les compétences douteuses du directeur du GIEC en matière de climat sont amusantes par leur ironie, les rouages du GIEC n’ont rien de bien amusant. J’ai lu dernièrement un recueil de billets du blogue de la journaliste Donna Laframboise, intitulé Into the Dustbin. Une compilation de faits troublants à propos du GIEC et de son leadership. Par exemple, saviez-vous qu’environ 80% des membres du GIEC ne mènent pas une carrière scientifique sur le climat? Ou encore que la répartition des membres doit être équitable géographiquement, selon le sexe des participants et d’autres critères basés sur la rectitude politique plutôt que scientifique? De plus, on apprend que des organisations telles que le World Wildlife Fund et Greenpeace sont bien présentes dans les rangs du GIEC. Si l’élite de la science du climat est présente lorsque vient le temps de faire le travail sur le «plancher des vaches», disons qu’elle est bien accompagnée, pour ne pas dire encadrée, par l’intelligentsia bureaucrato-environnementaliste. Un amalgame dangereux loin du portrait idyllique de l’assemblée de chercheurs désintéressés qu’aiment nous présenter les médias et particulièrement les nombreuses organisations savantes que j’ai toujours crues au-dessus de la mêlée.
Pour nous rassurer sur la qualité de son œuvre, le site Web du GIEC annonce fièrement que ses rapports sont entièrement basés sur des articles de revues scientifiques avec comité de lecture. La crème des publications. Pourtant, Laframboise nous révèle que 5587 des 18 531 références du rapport précédent (AR4 pour les initiés) proviennent de sources non scientifiques (donc non révisées par un comité de lecture, comme les rapports de Greenpeace et les articles de quotidiens2). Bref, on parle plus d’un produit de la crème que de crème, ici, pour emprunter le jargon agroalimentaire! La journaliste, sources à l’appui, nous apprend aussi que des modifications importantes à au moins 12 chapitres des rapports du GIEC auraient été faites en douce après la révision par les pairs (les «vrais» scientifiques).
J’entends déjà les échos sur les motifs douteux de Laframboise, elle qui n’est pas une scientifique et est albertaine par surcroît! Vous savez, la mecque des sables bitumineux. Mais avant de tirer sur la messagère, jetez un coup d’œil à son blogue et vérifiez la validité des sources qu’elle nous fournit en abondance. Juste pour élargir votre vision, pour vous «ouvrir à l’autre» comme on aime dire ces temps-ci en politique québécoise.
Donc, malgré une mission noble en apparence et le fait que les chercheurs qui ont alimenté le GIEC l’ont sans doute fait après des années de travail honnête et méticuleux, le GIEC et ses documents ne méritent pas à mon avis qu’on leur voue un culte sans bornes. Ils méritent encore moins qu’on s’en serve pour détourner des centaines de milliards de dollars loin d’autres enjeux environnementaux et humains plus immédiats, auxquels on peut apporter des solutions. Le quotidien britannique Mail on Sunday rapportait récemment les propos de Myles Allen, directeur de l’Oxford University Climate Research Network: «The idea of producing a document of near-biblical infallibility is a misrepresentation of how science works, and we need to look very carefully about what the IPCC3 does in future». Tout de même intéressant, venant d’un membre de l’orthodoxie inquiète du réchauffement de la planète.
Les moutons noirs
Les personnes qui, comme moi, sont allergiques à la pensée unique et lasses des nombreuses annonces non avérées de catastrophes environnementales cherchent naturellement les moutons noirs. Dans le cas des changements climatiques, c’est facile, car une contre-culture s’est formée au fil des années pour offrir un discours différent de celui des alliés du GIEC. On peut, avec raison, douter de la légitimité des motivations de certains dans cette contre-culture, mais elle offre tout de même une diversité d’approches et d’opinions, du fanatisme de la droite politique bien financée à la réflexion plus posée (les luke-warmists), en passant par une armée de nerds autodidactes et bénévoles.
Par exemple, comme antidote aux sempiternelles annonces de désastre présentées dans les médias populaires (je pense notamment à la cassette qui tourne en boucle à l’émission Découverte de Radio-Canada), il existe des organisations comme le Nongovernmental International Panel on Climate Change (NIPCC) qui vous offre un abonnement à leur liste d’envoi de résumés d’articles scientifiques bona fide à contre-courant des idées reçues sur les changements climatiques. Le NIPCC est intéressant, car il est composé de chercheurs, dont certains jouaient un rôle important dans le GIEC avant de claquer la porte, désillusionnés. Là où le NIPCC est moins intéressant direz-vous, c’est qu’il est financé principalement par le Heartland Institute, une institution ouvertement critique devant l’hypothèse anthropique du réchauffement climatique. Si cela vous rend sceptique envers le NIPCC, bravo, vous avez compris: les rapports synthèses sur l’environnement devraient être interprétés à la lumière de l’ordre du jour politique de leurs éditeurs.
Alors, oui, le petit dernier, le GIEC numéro 5 de Genève est disponible, dans toute sa fragrance politique. Quelques tomes, totalisant des milliers de pages, sortiront cet automne. Les lirez-vous? Probablement pas. Quant à moi, je vais me pincer le nez et tourner mon regard dans une autre direction. Vers la riche diversité des points de vue étalés sur la Toile, et surtout, vers la littérature scientifique d’origine, la vraie, moins teintée par les jeux de coulisses et les pressions politiques.
1 Cette philosophie est principalement l’oeuvre de Karl Popper. ↩
2 Ces nombres proviennent de trois âmes généreuses qui ont ratissé indépendamment TOUTES les références du Fourth Assessment Report (le rapport précédent du GIEC). Dans les cas de divergence entre évaluateurs, la source était jugée conforme aux critères officiels du GIEC (c.-à-d. avec comité de lecture). ↩
3 Intergovernmental Panel on Climate Change, l’appelation anglaise du GIEC ↩
Publié le 16 janvier 2014 | Par François Lacombe
On pourrait citer jusqu'à la fin des temps des auteurs qui donnent leur opinion sur l'un ou l'autre camp, ou qui sont financés par l'un ou l'autre camp. Mais à la fin, on resterait tout de même avec, d'un côté, des milliers de recherches révisées par les pairs, avec des données solides et qui n'ont été que confirmées et reconfirmées avec les ans, et de l'autre côté... zéro recherche révisée par les pairs et uniquement des opinions, politiques ou non.
Publié le 9 octobre 2013 | Par André Desrochers
Difficile en effet de trouver une source au-dessus de tout soupçon. On a tendance à croire davantage les sources officielles, mais cette croyance est naïve, car les sources officielles, incluant les revues scientifiques, offrent souvent des propos biaisés. Je crois que, dans ce dossier, c'est une bonne idée de lire diverses sources ouvertement «orientées», offrant des points de vue opposés. Au moins, avec ces sources, on sait à quoi s'en tenir! Si vous vous débrouillez en anglais, je vous suggère deux blogues contrastés: Watts Up With That («sceptique»: http://wattsupwiththat.com) et Skeptical Science («alarmiste»: www.skepticalscience.com). Ces sites sont très bien faits et ils suscitent la réflexion. Les vidéos offrent aussi quelques bijoux sur le sujet. Point de vue «orthodoxe» (prétendant la neutralité): les dossiers de Radio-Canada sur le Web (émission Dévouverte, «Climat: où en sommes-nous?»). Point de vue «sceptique» (ouvertement anti-orthodoxie): Youtube: The Great Global Warming Swindle (sous-titré: La grande arnaque du réchauffement climatique). En visionnant coup sur coup ces vidéos, il y a de quoi se poser des questions. Alors voilà, regarder des deux côtés et se faire sa propre idée, c'est ce que je vous propose. D'autres lecteurs auront peut-être de meilleures sources à vous proposer.
Publié le 4 octobre 2013 | Par Catherine Comtois
Très intéressant votre point de vue critique sur le GIEC. Ça me questionne sur les changements climatiques… tellement de commentaires sont émis à ce sujet. N’ayant pas de formation scientifique (je suis secrétaire), je lis quoi et je me fie à qui pour avoir une idée sur l’état du climat? Et si je dois me fier aux scientifiques, à quelle catégorie de scientifiques dois-je me fier? La multitude de pensées et d’écrits que l’être humain peut produire est phénoménale tout comme les points de vue. En ce qui concerne le climat, j’en perds maintenant ma boule… je suis complètement désorientée et je ne sais quoi penser. Dois-je maintenant douter des bouleversements climatiques ou bien croire dur comme fer aux prévisions du GIEC? Votre billet nous invite à réfléchir sur la récupération, notamment par les médias, de ces rapports «climatiques». C’est bien. Mais, à partir de là, pourriez-vous me guider vers des sources qui me permettront de me faire une idée juste de ce qu’il en est concernant le climat… et n’oubliez pas… je ne suis pas scientifique!
Publié le 4 octobre 2013 | Par Lynda Youde
Publié le 4 octobre 2013 | Par frédéric Bergeron
«Par exemple, saviez-vous qu’environ 80% des membres du GIEC ne mènent pas une carrière scientifique sur le climat?»
Ce n'est pas un argument en défaveur de la crédibilité de l'organisme, quand nous savons que la plupart des chaires sur un sujet n'ont pas seulement des spécialistes sur ledit sujet, mais c'est plutôt des équipes multidisciplinaires qui sont en place.
Et je dois revenir sur un autre point:
«Le problème n'est pas dans le nombre d'articles cités mais plutôt dans le processus mêlant le politique à la science. Est-ce si difficile à comprendre?»
Pensez-vous que le politique est assez forte pour changer la conclusions suite à 12 000 références scientifiques? Vous surévaluez le côté politique qui peut se jouer au GIEC, même s'il est bien de le souligner. À titre de comparatif juste pour comprendre l'importance du nombre, une thèse de doctorat peut compter 300 références...
Publié le 4 octobre 2013 | Par le doute me ronge (enfin, c'est exagéré) et m'habite; les «révélations» de M. Bergeron ne m'auront pas tiré de là, mais c'est très bien comme ça et demeure la curiosité!
Publié le 3 octobre 2013 | Par André Desrochers
Ah, et j'oubliais de mentionner qu'un grand nombre d'articles cités dans les rapports du GIEC et autres compilations soi-disant en faveur de l'hypothèse anthropique ne portent pas directement sur la question de l'origine anthropique ou non du réchauffement. Par exemple, une vaste littérature porte sur les conséquences des changements climatiques sur la faune et la flore - ces recherches sont généralement menées par d'honnêtes écologistes qui ne font qu'assumer que le credo du GIEC est vrai. Il serait intéressant de savoir la proportion exacte des sources du GIEC qui ont quelque chose d'empiriquement solide à dire sur les causes humaines du réchauffement. J'imagine qu'elle est faible.
Publié le 3 octobre 2013 | Par André Desrochers
Puisque vous me posez des questions, je vais tenter d'y répondre.
J'ai fait à plusieurs reprises des revues de littérature sur un sujet scientifique, mais jamais un comité de bureaucrates est passé ensuite sur mon texte pour en réviser le langage et l'interprétation. Le problème n'est pas dans le nombre d'articles cités mais plutôt dans le processus mêlant le politique à la science. Est-ce si difficile à comprendre?
Est-ce que je laisse entendre que les sources autres que révisées par les pairs sont toutes discréditées? Pas tout à fait, même si elles sont en moyenne moins solides, puisque moins asujetties au processus de la révision par les pairs. Mais j'aurais pu effectivement mettre davantage au clair le point que la forte proportion de sources provenant de la littérature grise allait à l'encontre des déclarations de M. Pachauri qui alléguait faussement que le GIEC ne s'alimentait QUE de sources «peer-reviewed». Ce qui me laisse songeur sur l'honnêteté ou la compétence de la direction du GIEC.
Votre point sur les revues Nature et Science est fort intéressant et en apparence solide. Mais il serait naïf de croire que ces revues sont totalement impartiales devant les multiples articles qui leur sont soumis. Car voyez-vous, ce sont des humains et non pas des automates qui gèrent ces revues. Parlez-en à des chercheurs autour de vous et voue entendrez souvent que le processus de «peer-review» de ces magazines de prestige relève d'un mélange de casino et de politique au même titre que l'évaluation désintéressée de manuscrits. Alors oui, des contributions de forte qualité sont rejetées par ces revues et en même temps, des articles bidons sont acceptés par les mêmes revues pour être ensuite démolis ailleurs dans la littérature scientifique. Ainsi va la science, par réfutation et débats, et non pas par consensus.
Publié le 3 octobre 2013 | Par frédéric Bergeron
Avez-vous déjà fait une revue de la littérature sur un sujet scientifique? Si à la suite d'une lecture approfondie de 12 994 articles scientifiques, un rapport arrive à certaines conclusions, il y a suffisamment de références pour rendre crédible l'argumentation. Le fait que 5587 articles soient autres que révisés par les pairs est rendu assez secondaire...
En d'autres termes, soyez sérieux et honnête et trouvez-moi d'autres sujets scientifiques où vous allez utiliser plus de 12 000 références...
De plus, vous laissez sous-entendre que les sources autres que révisées par les pairs sont toutes discréditées, ce qui est évidemment faux.
Il faudrait aussi expliquer pourquoi les revues Nature et Science, soient les revues ayant les plus hauts facteurs d'impact (autre variable non expliquée dans votre texte), publient des conclusions analogues au GIEC depuis plusieurs années, s'il y avait un moindre quant aux conclusions du GIEC?
Publié le 2 octobre 2013 | Par André Desrochers
Vous avez tout à fait raison de ne pas mettre en doute les motifs des nombreux scientifiques dont les travaux alimentent le GIEC. D'ailleurs je ne crois pas avoir fait cette insinuation dans mon billet. Par contre, on peut se questionner sur les motifs des quelques dizaines de cryptocrates du GIEC qui se sont cachés derrière les portes closes la semaine dernière pour reformuler des textes de manière à faire passer leur message alarmiste. Un message avec une fausse allure de certitude qui va à l'encontre des constats souvent nuancés des scientifiques contributeurs. Ces "spin doctors" du GIEC croient probablement bien honnêtement que la catastrophe s'en vient (leur Motif), mais semblent se servir du GIEC comme véhicule propagandiste de leurs angoisses et de leur morale (leur Crime). Dans le cas de certains scientifiques, en passant, il serait naïf d'ignorer les motifs suivants: maintenir sa crédibilité, son emploi ou son financement de recherche. Mais au final, c'est la récupération du travail honnête des scientifiques que j'accusais ici, et non pas les scientifiques et leur travail généralement bien fait.
Publié le 2 octobre 2013 | Par Frédéric Bujold
Publié le 30 septembre 2013 | Par André Desrochers
J'aurais dû ajouter un lien vers ce regroupement de chercheurs, une cinquantaine environ, alors le voici:
http://nipccreport.com/" >">http://nipccreport.com/
Je vous laisse juger du sérieux du groupe en question, mais leur présence dans le débat est utile selon moi.
Publié le 30 septembre 2013 | Par Pierre Racine
Publié le 30 septembre 2013 | Par Dave Thompson