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Publié le 16 mars 2012 | Par Colette Brin
Droits de scolarité: les médias étudiants se mobilisent
L’effervescence du mouvement étudiant, en ce début de printemps, bouscule la relative tranquillité de nos campus. Cela semble en tout cas avoir stimulé les médias étudiants, aux premières loges de l’événement, qui en font une couverture intensive et souvent ingénieuse avec les moyens du bord –ce qui inclut aujourd’hui le web et les médias sociaux.
Pour les artisans des journaux, radios et autres médias de campus, le dédale des acronymes des associations étudiantes et le jargon des procédures et des moyens de pression n’ont pas de secret. Spécialistes de la vie étudiante, ils sont aussi membres de cette communauté, de sorte qu’il n’est pas toujours facile pour eux de traiter de situations parfois fortes en émotions avec une saine distance.
Baptiste Barbe, directeur de la production du journal-école hebdomadaire L’Exemplaire (dans mon département), indique que la règle professionnelle concernant les conflits d’intérêts s’applique: les journalistes assignés à couvrir les votes de grève et les manifestations ne peuvent donc pas être directement impliqués dans les associations ou autre groupes d’intérêts concernés.
Idem au bimensuel Montréal Campus de l’UQAM, qui a tout de même pris position en éditorial en faveur de la grève générale illimitée. Comme l’explique Émilie Clavel-Forget, rédactrice en chef, «On essaie de laisser transparaître notre position le moins possible dans le travail journalistique. On est un journal indépendant, pas un organe associatif.»
Impact Campus, hebdomadaire étudiant publié à l’Université Laval, a choisi pour sa part le camp… de la neutralité. Même les journalistes bénévoles (comme au Montréal Campus, l’équipe compte un petit noyau de journalistes rémunérés) ne doivent pas afficher leurs convictions publiquement: le port du carré rouge et la diffusion d’opinions sur leur page Facebook sont notamment proscrits. Selon David Rémillard, chef de pupitre aux actualités, on souhaite contrer la perception que «les médias étudiants seraient d’extrême gauche» et montrer les deux côtés de la médaille, «même si ce sont surtout les opposants à la hausse qui se manifestent».
Une occasion d’innover
Les journalistes en herbe exploitent les outils numériques de façon modeste mais efficace: la couverture en direct sur Twitter des assemblées générales et des manifestations, la diffusion de textes et de photos sur Facebook sont des moyens particulièrement prisés.
«On a décidé très rapidement de privilégier le web pour sa rapidité et sa souplesse», souligne Émilie Clavel-Forget, du Montréal Campus. Le thème de la grève est visiblement prioritaire pour ce journal étudiant: «deux ou trois journalistes y sont attitrés de manière plus régulière, mais toute l’équipe peut être sollicitée pour ramener photos et témoignages du terrain».
Comme pour les journaux étudiants à l’Université Laval, le web et les médias sociaux permettent d’assurer une couverture en continu, alors qu’on privilégie la synthèse, l’analyse, le commentaire dans l’édition papier, dont les délais de production sont plus longs. David Rémillard, d’Impact Campus, note que l’espace consacré à cette thématique s’avère finalement assez limité, et que les journalistes disponibles pour la couvrir sont peu nombreux.
Par ailleurs, la structure décentralisée des associations étudiantes à l’Université Laval fait en sorte qu’il est presque impossible d’assister à toutes les assemblées générales et qu’il faut se fier aux contacts dans les associations pour connaître la tenue et le résultat des votes. À L’Exemplaire également, les contacts téléphoniques et par courriel permettent de suivre l’évolution des événements, même si on préfère autant que possible envoyer un journaliste sur les lieux.
Le mouvement d’opposition à la hausse des droits de scolarité a donné lieu par ailleurs à plusieurs initiatives militantes spontanées sur le web. C’est le cas par exemple de Grève2012, de l’Équipe de surveillances des interventions policières et de Boîte rouge, tous animés par des étudiants à l’UQAM. La CADEUL a réalisé pour sa part une série de vidéos proposant d’autres solutions de financement à la hausse des droits de scolarité. Émilie Clavel-Forget considère ces sites comme des sources potentielles d’information, mais déconseille à ses journalistes de s’y impliquer, compte tenu de leur caractère «biaisé et politisé». Pas question non plus d’en reprendre des contenus sans un travail de vérification indépendant.
Des médias étudiants aux médias professionnels
Les journalistes en herbe déplorent que les médias professionnels –y compris ceux où ils espèrent travailler un jour– s’intéressent au mouvement étudiant presque exclusivement lors des manifestations et qu’ils insistent tout particulièrement sur les dérapages et les incidents violents. Ils constatent par contre avec fierté que leur travail est une source privilégiée d’information pour les grands médias.
Une saison de grève et de manifestations étudiantes s’avère donc une sorte de laboratoire professionnel, une occasion d’expérimenter de nouvelles formules de couverture et d’affiner ses compétences. «Le journal, c’est une école, on reçoit énormément de feed-back, on se donne le droit à l’erreur mais on se corrige rapidement», déclare Émilie Clavel-Forget de l’UQAM. Pour David Rémillard de l’Université Laval, c’est une expérience exigeante mais stimulante, «un peu comme une campagne électorale pour un journaliste politique».
Mise à jour: David Rémillard m’informe qu’Impact Campus couvrira en direct par vidéo la manifestation nationale à Montréal, le jeudi 22 mars.
Merci à Jean-Hugues Roy, professeur de journalisme à l’UQAM (et étudiant à la maîtrise en communication publique à l’Université Laval) pour ses suggestions qui ont éclairé la préparation de ce texte.
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