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Photo de Simon Langlois

Comment s'évalue le mérite personnel?

Les femmes se montrent très critiques sur la reconnaissance des efforts accomplis au travail dans la détermination des revenus d’emploi. Pour elles, cet aspect n’est pas suffisamment reconnu en réalité alors qu’il est le critère le plus important sur le plan normatif, c’est-à-dire dans l’idéal. Elles se distinguent très nettement des hommes dans l’identification d’une des sources importantes d’inégalité des revenus: la non-reconnaissance de leur implication dans le travail et, plus précisément, de l’effort consenti. C’est la conclusion principale qui ressort de l’analyse qui porte cette fois sur la méritocratie effective telle que perçue par les personnes en emploi dans l’enquête sur le sentiment de justice que je mène.

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Norme et réalité en matière de méritocratie
Le billet précédent a porté sur la norme selon laquelle les individus évaluent la justice en matière de rémunération du travail, plus précisément sur l’importance accordée au mérite personnel. Il est apparu que les inégalités de revenus sont justifiées aux yeux des répondants lorsqu’elles correspondent au mérite. Deux dimensions différentes du mérite étaient distinguées: l’effort accompli au travail et le talent d’un côté, et le diplôme ou la formation scolaire de l’autre, la première dimension étant prioritaire et mentionnée plus fréquemment par les répondants.

Mais comment passe-t-on de la norme idéalisée à la réalité perçue? Les critères de justice qui sont privilégiés par les individus en matière de revenus d’emploi sont-ils réellement appliqués au Québec selon eux? Les données de l’enquête  donnent un résultat inattendu: le renversement de l’ordre normatif, c’est-à-dire idéalement souhaité par les individus. Elles révèlent également que les femmes se distinguent nettement des hommes dans leur évaluation.

Un ordre inversé
Tout d’abord, la hiérarchie observée sur le plan normatif est complètement inversée lorsque les répondants évaluent les trois critères liés à la méritocratie proposés dans l’enquête sur la justice sociale. Cette fois, le diplôme ou le grade scolaire obtenu par les personnes actives sur le marché de l’emploi vient au premier rang comme source perçue de l’inégalité des revenus de travail (73% de mention d’accord), suivi des talents personnels (55%) et ensuite des efforts accomplis au travail (48%).  Le contraste avec la norme attendue est frappant puisque les efforts accomplis au travail venaient au premier rang dans les critères du mérite idéalement récompensé, avec 94% d’accord et seulement 51% pour le grade scolaire.

Autrement dit, les gens estiment que l’effort au travail devrait engendrer de meilleurs revenus –et donc être à la source d’inégalités justifiées–, mais ils constatent que ce n’est pas le cas dans la réalité. Ils considèrent au contraire que les revenus de travail dépendent d’abord du diplôme, ensuite du talent et en dernier lieu des efforts accomplis au travail.

Peu de différences entre catégories sociales…
Les représentations sociales portant sur les trois critères définissant le mérite personnel et susceptibles de faire varier les revenus de travail sont très peu différenciées dans les analyses que j’ai effectuées en examinant les catégories habituelles. La mention du diplôme comme critère perçu de fixation des revenus varie très peu dans toutes les catégories examinées: le sexe, le revenu du ménage, l’âge, le grade scolaire, l’activité (étude, emploi, retraite, aide sociale) ou la catégorie socioprofessionnelle. Tous s’accordent également à en reconnaître l’importance dans la réalité, y compris les femmes. Il en va de même pour le talent qui est cependant l’objet de mentions différenciées dans quelques groupes ou catégories sociales comme les anglophones, les ouvriers ou les très hauts salariés. Ainsi, dans ces trois cas, les talents sont davantage mentionnés comme source d’inégalités des revenus, comparés aux autres catégories, mais les écarts sont minces et à la limite du critère de la significativité statistique. Enfin, l’effort accompli au travail vient en dernier dans toutes les catégories sociales et il y a peu de variations observées selon l’âge, le revenu, l’activité (étude, emploi, retraite, aide sociale) ou le diplôme dans l’évaluation de son importance pour déterminer les revenus de travail.

… mais les femmes se distinguent
Une seule différence –mais elle est de taille– ressort de l’analyse: les femmes estiment en moins forte proportion (40%) que les hommes (56%) que les revenus de travail dépendent des efforts accomplis en emploi.  Par ailleurs, les répondants faisant partie du groupe des techniciens, des employés de bureau et des employés dans les services manifestent aussi moins leur accord avec la proposition portant sur l’effort au travail, ce qui n’est pas surprenant, car ce sont des emplois très féminisés.

La hiérarchie établie entre les trois critères de la méritocratie telle que perçue dans la réalité du marché du travail n’est pas remise en cause, mais les femmes expriment une réelle critique sociale du point de vue de la justice de leur rémunération qui ne reconnaîtrait pas leurs efforts mis au travail. On sait par différentes statistiques officielles que leurs revenus sont inférieurs à ceux des hommes et que plusieurs types d’emploi largement féminisés offrent des rémunérations inférieures à celles observées dans des secteurs comparables à dominante masculine, malgré les progrès accomplis depuis l’adoption de lois et de mesures sur l’équité salariale. L’enquête sur la justice révèle que les femmes en sont bien conscientes.

 

 

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  1. Publié le 2 janvier 2016 | Par Vanessa

    Personnellement, je n'ai jamais constaté d'inégalité concernant la récompense du mérite chez les travailleurs. Des primes se distribuent de façon égale entre les hommes et les femmes selon les efforts qu'ils déploient dans leur travail. C'est au niveau du recrutement que j'en ai constaté, avec la mention «candidature féminine encouragée». http://boursebinaire.fr

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