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Où s'en va l'information?

Une démocratie fragilisée?

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Sous l'influence d'un univers virtuel bâti pour conforter les préjugés, comment nourrir des débats éclairés et cultiver le bien commun?

«C’est mon opinion!» Tous les jours, dans les médias et sur les réseaux sociaux, cette expression déclinée dans toutes les langues et avec tous les signes de ponctuation possibles sert à clore des discussions. Mais plus encore, elle reflète le changement profond qui s’est opéré chez les citoyens dans leur manière d’appréhender l’information et de nourrir leurs convictions.

En une décennie, on est passé du règne de grands médias d’information, autour desquels gravitaient quelques satellites plus alternatifs, à la multiplication des sources d’information, dont une bonne partie n’est pas toujours fiable, souvent fondée sur les expériences personnelles ou les émotions. Comment cette transformation des médias influence-t-elle la capacité des citoyens à prendre des décisions éclairées et donc la démocratie?

Tronc commun, bien commun

Nourrir les débats porteurs et les projets de société demande d’avoir accès à des informations justes et objectives. Longtemps, médias et journalistes ont pu tenir leur rôle de chien de garde à cet effet.

Florian Sauvageau

«Dans les années soixante, le présentateur du réseau américain CBS Walter Cronkite terminait toujours son bulletin de nouvelles par cette phrase, ‘‘That’s the way it is”, autrement dit voilà ce que vous devez savoir», illustre Florian Sauvageau, professeur émérite au Département d’information et de communication.

Ce pionnier de l’enseignement universitaire du journalisme au Québec se passionne pour la vie des grands groupes de presse et des réseaux de télévision depuis plusieurs décennies. «Au Québec, rappelle-t-il, les bulletins de nouvelles télévisés avec Bernard Derome et Pierre Bruneau ont longtemps constitué un tronc commun d’information, sur lequel s’appuyait l’opinion publique. Cela représentait un outil de la démocratie.» Le spécialiste constate, d’une part, que cette assise commune n’existe plus aujourd’hui. Par exemple, CBC/Radio-Canada ne compte plus de nos jours que 5% d’auditeurs parmi les Canadiens anglophones, alors que la société d’État a justement été créée pour soutenir une conscience nationale forte.

D’autre part, la crédibilité des journalistes ne cesse de diminuer au fil des sondages, tandis que de nombreux sites déconstruisent les informations produites dans les médias traditionnels. «Au Québec, l’État traite cette désaffection des grands médias traditionnels surtout d’un point de vue financier, en constatant une perte de leur influence économique, constate le chercheur. On oublie cependant de prendre en compte le succès phénoménal de certaines personnes qui véhiculent absolument n’importe quoi sur les réseaux sociaux.»

Difficile, donc, d’ancrer le débat démocratique à partir de sources communes d’information vérifiée et vérifiable, alors que la mode semble être aux fausses nouvelles, aux faits alternatifs et aux contre-vérités. Récemment, le professeur Sauvageau a d’ailleurs dirigé un ouvrage collectif sur le sujet, Les fausses nouvelles, nouveaux visages, nouveaux défis, publié aux Presses de l’Université Laval. Au nombre des auteurs, le journaliste Web de Radio-Canada Jeff Yates y souligne notamment l’énorme influence de certaines «vedettes» des réseaux sociaux. Un personnage très coloré comme Julie Rivard, dont les vidéos ont été vues des dizaines de milliers de fois, ne s’embarrasse pas de vérifier les faits. Elle présente plutôt ses opinions comme des vérités absolues.

En plus, ceux qui s’expriment de façon plus radicale ou qui tiennent des propos tonitruants ont tendance à rallier les autres. Ils contribuent ainsi à créer de véritables bulles informationnelles fermées au détriment d’une information généraliste qui servirait de base aux consensus axés sur la communauté et le bien commun.

Publié le 24 avril 2019

  1. Publié le 1 mai 2019 | Par Clément Marcotte

    Ouais. Les médias qui trouvent que c'est plus éthique de perroqueter les menteries des politiciens au lieu de dire carrément au public qu'ils répètent des menteries, sous prétexte que c'est à l'auditeur de se faire sa propre opinion sans être influencé par le perroquet et que le perroquet doit être objectif font plus de mal à la démocratie que tous les autres. En se voilant la face au nom de l'objectivité, les médias faillent à leur premier devoir de dire la vérité. Quand la menterie est plus éthique que la vérité; il n'y a aucune raison de faire confiance aux médias. On ne peut pas en même temps propager les menteries des politiciens et reprocher aux citoyens d'êtres cyniques. Les médias doivent prendre un parti clair pour la vérité comme première règle d'éthique avant d'être les perroquets silencieux des menteurs.

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