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Français, langue d’Amérique

Un continent marqué par le français

Tout n'a pas été dit sur l'implantation et la vitalité du français en Amérique du Nord. Un historien, deux géographes et une linguiste ajoutent leurs pièces au dossier.

Pourquoi parle-t-on français sur le continent américain? Pourquoi ce français-là? Des détails insoupçonnés ont-ils contribué à sa sauvegarde? Et aujourd’hui, à quelles conditions se maintient-il vivant?

Après s’être posé sur les rives du Saint-Laurent, le français s’est répandu sur des milliers de kilomètres. Il s’est inventé, s’est aguerri, a dépéri parfois, mais sans jamais disparaître.

Du français obligatoire au français résistant
La chose semble pourtant entendue: c’est la France qui a colonisé le territoire, donc nous parlons français. Oui, mais des nuances s’imposent, prévient Martin Pâquet1, professeur au Département d’histoire.

D’abord, le français n’était pas la seule langue parlée par les premiers arrivants. «Les colons s’exprimaient aussi dans leur langue régionale: normand, picard, poitevin ou breton», souligne l’historien. Or, une ordonnance signée en France en 1539 impose le français comme langue officielle du droit et de l’administration. Cette décision politique, prise dans la mère patrie, s’appliquera aussi en Nouvelle-France, contribuant à rendre plus homogène la langue en usage dans la colonie.

Autre facteur d’implantation: l’arrivée des Filles du Roy, entre 1663 et 1673. «Bon nombre viennent de Paris où l’on parle français, et non picard ou breton; c’est donc le français qu’elles transmettront à leurs enfants», note Martin Pâquet.

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Martin Pâquet

Par ailleurs, le français s’est longtemps maintenu sur le continent américain pour une question de prestige. Pas étonnant qu’en Louisiane, 3e foyer de peuplement, les Espagnols l’adoptent. Tout comme l’intégreront beaucoup d’Amérindiens. «Au 18e siècle, c’est la langue diplomatique par excellence, explique le professeur. On la parle dans les cours européennes, y compris à Buckingham Palace. Pour votre promotion sociale et économique, vous deviez parler le français, ici comme ailleurs.»

Ce caractère prestigieux perdure même après la Conquête britannique de 1760, soutient-t-il: «Des administrateurs anglais continuent de parler français. Et en 1774, l’Acte de Québec reconnaît un statut à la langue.»

La grande rupture se produira à la Révolution française, entre 1789 et 1799. Le roi est guillotiné et la France se transforme. Dans les autres monarchies, les réactions sont vives, notamment en Grande-Bretagne: on veut se dissocier du modèle français, désormais considéré comme menaçant. «L’Acte constitutionnel de 1791, qui vise l’assimilation des Canadiens français, se situe dans cet esprit», note Martin Pâquet.

Cette césure d’ordre politique, qui ébranlera l’espace francophone, sera suivie d’une seconde, d’ordre économique. Lorsqu’au 19e siècle la révolution industrielle gagne l’Amérique, l’anglais devient la langue de promotion économique, ce qui jouera négativement sur l’image du français.

À cette époque, le français est pourtant bien implanté sur le continent. La population est nombreuse et comprend une solide élite canadienne-française, en partie formée à l’Université Laval, à partir de 1852. Cette élite se dispersera au Québec, en Ontario, en Acadie, dans tout l’Ouest et en Nouvelle-Angleterre, contribuant à élargir l’espace francophone, rapporte Martin Pâquet. »

1 Martin Pâquet est également titulaire de la Chaire pour le développement de la recherche sur la culture d’expression française en Amérique du Nord (CEFAN) et a participé à la création récente du certificat en francophonie nord-américaine, offert en ligne.

Publié le 11 juin 2013

  1. Publié le 6 mai 2015 | Par Madeleine Magnan

    J'ai bien aimé les articles sur le français hors Québec, mais dans l'histoire ce n'est pas semblable.
    Au Québec, l'Église se démenait pour garder le français et aux États, c'est le contraire, on se démenait pour les intégrer à l'anglais, où seraient les Français si...
    (Histoire des Canadiens français en Amérique).
  2. Publié le 14 juin 2013 | Par Carol Létourneau

    Il est malheureux de constater que les ardents défenseurs du français en dehors du Québec réprouvent le mouvement indépendantiste québécois alors que c'est la meilleure garantie contre la folklorisation du français en Amérique.

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