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Le trésor végétal

Jardiner, c’est voter!

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Jardiner pour la détente et le plaisir, oui! Mais si plonger ses mains dans la terre relevait aussi d’un geste engagé?

Les parcelles communautaires affichent des listes d’attente, les centres jardins pullulent: le jardinage et l’autoculture sont populaires. Au-delà du loisir, ils portent le désir qu’ont les gens de regagner du pouvoir sur ce qu’ils consomment. Désormais, jardiner, c’est plus que de faire pousser des aliments. C’est semer les graines du changement d’un système alimentaire dominé par l’industrie et par l’abus des ressources vers un autre, plus durable et responsable.

Professeure au Département d’anthropologie de l’Université Laval, Manon Boulianne 1 explique comment se cache, derrière le jardinage, un important pouvoir social et économique.

Manon Boulianne

Comment la pratique du jardinage s’est-elle développée au Québec?
L’apport des jardins domestiques a longtemps été crucial dans l’alimentation des gens. Mais, en complément, le jardinage a eu d’autres fonctions.

Par exemple, durant les deux guerres mondiales, au 20e siècle, le gouvernement canadien a incité les citoyennes et les citoyens, même celles et ceux vivant en milieu urbain, à cultiver des légumes pour s’auto-approvisionner en partie. Cela était présenté comme un geste patriotique contribuant à l’effort de guerre, car le Canada soutenait les alliés en expédiant de la nourriture en Europe. Moins la population canadienne achetait de légumes issus des fermes commerciales, plus on pouvait en exporter.

On peut donc dire que le jardinage a joué un rôle socioéconomique important sur le plan historique.
En effet. Une autre illustration de cela se trouve dans la réalité américaine. Ainsi, dans les années 1930, il y a eu aux États-Unis ce qu’on appelait des «jardins industriels». À l’époque, le choix du mot «industriel» était stratégique. Il était synonyme de progrès, de modernité. Les jardins industriels poursuivaient une mission d’intégration socioprofessionnelle et avaient pour but de renforcer le pouvoir d’agir des gens. Ils visaient essentiellement à occuper les chômeurs et à leur permettre d’assurer leur subsistance.

Ce concept était géré comme une entreprise; il impliquait un travail organisé, réfléchi, une division des tâches et des responsabilités. Ces jardins industriels n’ont pas existé au Québec comme tels, mais ils sont un peu les ancêtres de nos jardins collectifs, qui réfèrent aussi à de grandes parcelles cultivées en groupe. Toutefois, les jardins collectifs ne supposent pas de division du travail de façon organisée, bien qu’ils soient encadrés et exigent de l’animation supportée par un conseil d’administration. Les jardins communautaires, quant à eux, sont constitués de lopins de terre divisés et loués à des individus qui y cultivent ce qu’ils souhaitent, pour autant qu’ils respectent les règlements propres au jardin. Ce sont là deux formes de jardinage partagé qu’on trouve aujourd’hui chez nous.

Et ce jardinage partagé, comment a-t-il émergé?
Au Québec, le jardinage communautaire a pris son envol dans les années 1980. Le Tournesol, dans le quartier Saint-Sauveur, est l’un des premiers jardins communautaires lancé dans la région de Québec. Il a vu le jour dans un coin de la ville très bétonné. L’idée était alors de créer une oasis de verdure, et le Tournesol a bien réussi. La conscience écologique était également présente derrière cette initiative communautaire.

Les jardins collectifs, pour leur part, sont apparus au milieu des années 1990, dans un contexte de chômage élevé. Ils ont été mis de l’avant par des organisations souhaitant solutionner des problèmes d’insécurité alimentaire, mais également répondre à des préoccupations liées à l’environnement et à l’intégration sociale. Ainsi, de plus en plus de projets spécifiques ont vu le jour dans la province, notamment pour remplir une mission sociale d’insertion auprès de clientèles ciblées, comme les personnes avec des handicaps ou des immigrantes et des immigrants récents.

1 Manon Boulianne est aussi codirectrice du Groupe interdisciplinaire de recherche sur les banlieues (GIRBa).

Publié le 18 avril 2018

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