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L'argent et nous

Acheter pour exister

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Jadis, on achetait par nécessité. Aujourd’hui, la nécessité, c’est d’acheter. Que s’est-il passé entre les deux?

«L’argent ne fait pas le bonheur», clame le dicton populaire. Mais il y contribue grandement. Du moins en apparence. Au point que, depuis plusieurs décennies, l’acte d’acheter définit à lui seul une bonne partie de notre société.

Aux premiers temps de la société de consommation, durant l’après-guerre, acheter visait surtout à remplir notre garde-manger ou nos armoires. Quant au reste, les ménages disposaient de peu de modèles de maisons, de voitures ou de vêtements pour combler leurs besoins. Les vélos servaient essentiellement à se déplacer, à l’exception de ceux conçus pour les professionnels, tandis qu’afficher sur des vêtements le nom de leur fabricant semblait aussi incongru qu’oublier d’en retirer l’étiquette. Tout cela se passait avant que l’acquisition d’un bien ne participe à la construction de notre image sociale. Comment en est-on venu à proclamer notre identité à partir des marques ou des objets?

Dans le regard des autres
Prenez le vélo. Vous souhaitez pratiquer cette activité? Aujourd’hui, vous avez le loisir d’acquérir un savant alliage de graphite et de plastiques, doté de deux roues et d’un pédalier pour le prix d’une voiture usagée. Et de dépenser une fortune pour vous équiper en vêtements fabriqués avec des tissus thermorégulateurs. Tout cela simplement pour le plaisir individuel de rouler vite sur votre bolide?

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Simon Langlois

Le sociologue aguerri Simon Langlois1 en doute. «Regardez les cyclistes amateurs ou ceux qui font de la course à pied. Ils disposent tous d’un matériel de haute performance, indispensable pour faire partie du groupe», note le professeur retraité du Département de sociologie. Pour ce spécialiste, qui observe ses contemporains avec acuité depuis longtemps, l’affaire est entendue. Les produits et les appareils de plus en plus raffinés offerts aux amateurs de pêche, de course à pied ou de cuisine ne répondent pas seulement à un besoin matériel. Ils deviennent des moyens d’égaler la performance des autres pour mieux se fondre dans le groupe. La multiplication des choix offerts aux consommateurs s’explique donc en grande partie par une furieuse envie d’appartenir à la gang. Grâce à l’achat d’objets haut de gamme, on montre à nos semblables que nous partageons avec eux un intérêt, un style de vie commun.

Voilà pourquoi un même consommateur peut accepter de payer un bâton de golf 800$ ou 1000$, si c’est au groupe correspondant qu’il veut appartenir, tout en achetant ses légumes et ses conserves au rabais. D’autres personnes, à l’inverse, se définissent en refusant de se laisser aspirer dans cette spirale. Ils se retirent de la consommation à outrance. Désormais, pour montrer son opposition au courant social, il faut bouder un produit, un bien ou, dans les cas extrêmes, pratiquer la simplicité volontaire.

1 Simon Langlois participe également aux blogues de Contact avec son blogue «Regards sur la société».

Publié le 22 novembre 2017

  1. Publié le 25 novembre 2017 | Par SEGALEN

    Entre le veau d'or de la Bible et le sketch de Raymond Devos «Où courent-ils?», une réflexion fort utile!
  2. Publié le 24 novembre 2017 | Par Serge

    Le problème est que pour que le monde ait du travail, il faut que quelqu'un achète les produits à vendre. Si tout le monde revient au temps des dépenses économiques (comme je le fais moi, en fait), la roue de l'économie va rouler plus lentement. Bref, pour devenir riche, il faut que les gens achètent. C'est la force de États-Unis.

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