À l’heure des traitements… et de l’espoir
Que se passe-t-il entre l'annonce d'un cancer du sein et le très espéré «tout va bien, revenez me voir dans 6 mois»?
Par Pascale Guéricolas
Parmi les rares bonnes nouvelles quand on apprend que le cancer a pointé son sale museau, il y a celle-ci: sur 100 femmes qui reçoivent aujourd’hui un diagnostic de cancer du sein, 88 seront encore en vie 5 ans plus tard –contre 77 au milieu des années 1970. Le dépistage hâtif, le traitement à des stades de plus en plus précoces et le type de médicaments utilisés contribuent à l’efficacité du combat contre la maladie.
L’autre bonne nouvelle: la femme assaillie par un cancer du sein n’est plus laissée à elle-même. Au fil du temps, les professionnels de la santé ont notamment compris que les chances de guérison et la qualité de vie des personnes atteintes s’amélioraient quand ces dernières disposaient, dans un même environnement, de différentes spécialités médicales ainsi que d’un soutien psychologique et physique, rapporte Louise Provencher, professeure de clinique à la Faculté de médecine. Des centres de services intégrés ont donc ouvert un peu partout, que ce soit en Amérique du Nord ou en Europe.
Louise Provencher1 est justement la directrice médicale de l’un d’eux, situé à l’Hôpital du Saint-Sacrement (CHU de Québec): le Centre des maladies du sein Deschênes-Fabia. Le Centre regroupe entre autres omnipraticiens, chirurgiens-oncologues, hémato-oncologues, radiologistes, radiothérapeutes, pathologistes, plasticiens, cardiologue, généticien, pharmaciens, physiothérapeutes, psychologues, infirmières et toute une équipe de chercheurs. Dès sa première visite, la patiente reçoit l’information juste sur ce qui l’attend au cours des prochains mois et sur le soutien qu’on pourra lui apporter.
1 En plus de ses fonctions de directrice médicale du Centre des maladies du sein Deschênes-Fabia, Louise Provencher est professeure au Département de chirurgie ainsi que chirurgienne générale et oncologue au CHU de Québec. ↩
Vers la mauvaise nouvelle
Mammographies suspectes, présence de nodules, microcalcifications inquiétantes: voilà les informations plutôt stressantes, livrées par leur médecins, avec lesquelles la plupart des femmes se présentent au Centre Deschênes-Fabia. Si autrefois l’étape suivante impliquait un passage par la salle d’opération pour vérifier la présence de cancer, les choses ont bien changé. Dans plusieurs cas, l’imagerie médicale remplacera complètement la chirurgie. C’est désormais le radiologiste qui réalise ce qu’on continue d’appeler «biopsie», mais qui n’est qu’une analyse très fine des images. «Dans 80% des cas de mammographies inquiétantes au départ, il n’y a pas de cancer, rapporte Louise Provencher. Et contrairement à ce qui se faisait avant, ces femmes n’ont pas à passer par la salle d’opération.»
La Dre Provencher, qui pratique dans le domaine depuis 1987, retrace l’évolution des techniques diagnostiques depuis l’époque où c’était plutôt une masse palpable au sein qui amenait une femme dans le cabinet du médecin:
Connaître avant d’opérer
Le diagnostic précoce entraîne aussi une nouvelle approche médicale. Les chirurgiens doivent désormais enlever des cancers de très petite taille, parfois moins gros qu’un grain de riz! Avant d’opérer, il faut donc multiplier les images et les mesures pour bien localiser le cancer, même si échographies et mammographies supplémentaires occasionnent un délai variant de quelques semaines à parfois plusieurs mois… Ce délai n’a pas d’incidences médicales, mais il contribue au stress des patientes, déjà très inquiètes de leur état de santé.
Chirurgie devant!
Puis sonne l’heure de la chirurgie. Jusqu’au début des années 1970, les mastectomies totales représentaient presque 100% des cas de cancer. Ce taux s’établit aujourd’hui à 20%.
«On sait maintenant qu’on peut très bien n’enlever qu’une partie du sein, lorsque certaines conditions sont remplies, explique Louise Provencher. Par exemple, s’il n’y a qu’une lésion dans le sein et qu’un traitement de radiothérapie suit la chirurgie.» Il faut cependant convaincre les patientes de la pertinence de l’ablation partielle. «Même si c’est aussi efficace, elles ont l’impression qu’il serait plus sûr de tout enlever», témoigne la chirurgienne.
Choisir les traitements
Parmi les critères qui guident l’équipe soignante dans le choix des traitements, entrent les caractéristiques du cancer à combattre, des caractéristiques de plus en plus précisément définies. Il ne suffit plus, par exemple, qu’une tumeur fasse une certaine taille ou que les ganglions de la patiente soient atteints pour que la décision soit prise d’administrer de la chimiothérapie.
La classification moléculaire des cancers, pratiquée depuis les années 2000, a également permis aux médecins de mieux personnaliser leurs offensives. On sait davantage quelles tumeurs réagissent à tel type de médicaments et à quelle dose. «Nous avons pu réduire de 20% les traitements pour certains types de cancer du sein, précise Louise Provencher. Nous allons vers une médecine de plus en plus individualisée.»
Reste que la chimiothérapie vient avec son lot d’effets secondaires, nausée, perte de cheveux, diarrhée… Beaucoup la tolèrent assez bien. «D’autant plus qu’on dispose maintenant de médicaments très performants, contre la nausée ou les brûlements d’estomac, et même pour éviter la baisse des globules blancs», rappelle la Dre Provencher. Parce qu’on dispose d’une multitude de possibilités de traitements et parce qu’on s’attaque à une maladie complexe, il est important que l’équipe soignante provienne de différentes disciplines, comme l’illustre ici Louise Provencher:
Suis-je guérie docteur?
En cours de traitement, la maladie peut connaître diverses évolutions. «Nous ne laissons pas tomber les gens, même quand le cancer a l’air plus fort que nous, lance Louise Provencher. Tant que la patiente progresse, on réévalue notre approche en équipe, on ouvre de nouvelles avenues.»
Dans la très grande majorité des cas, au moins 80% selon les données récentes, les traitements viennent à bout du cancer et les femmes recouvrent la santé. Mais comment faire pour savoir que je suis guérie, demandent-elles alors. «Il n’y a pas de test magique qui révèle qu’une patiente est guérie, répond la Dre Provencher. Sinon, on ferait passer ce test tout de suite après la chirurgie et les patientes “assurément guéries” n’auraient pas besoin de chimio!»
À défaut d’une réponse définitive, il y aura donc suivi régulier, mais plutôt léger. «Quand j’étais jeune chirurgienne, le suivi était beaucoup plus lourd, évoque-t-elle. Les femmes devaient passer chaque année une batterie d’examens, des CT scan par exemple, qui inquiétaient tout le monde et ne faisaient pas de différence sur les chances de survie de celles qui connaissaient une récidive.» Louise Provencher explique ce que vise désormais le suivi:
Au-delà des traitements
Si on parle surtout de chirurgie, de radiothérapie et de chimio pendant cette période, les mois qui séparent le diagnostic du congé font surgir d’autres besoins, auxquels répondent divers professionnels, dans un centre intégré comme celui de l’Hôpital du Saint-Sacrement. Les conseils d’un physiothérapeute peuvent aider, par exemple, à récupérer plus vite d’une chirurgie, tandis que le regard d’un omnipraticien facilite la prise en compte d’autres problèmes de santé induits par le cancer. Un dentiste est même là pour voir aux effets de certains médicaments sur la dentition des malades.
Le Centre offre aussi le soutien de psychologues ou de travailleurs sociaux, selon les besoins. «Vous savez, on aborde le cancer du sein de la même façon qu’on aborde le reste de notre vie, remarque Louise Provencher. Au fil du temps, nous avons constaté que tout le monde n’a pas besoin d’un même soutien psychosocial. Là encore, il faut individualiser notre approche.»
La pensée positive ne guérit pas
Josée Savard, professeure à l’École de psychologie2, qui collabore avec l’équipe du Centre Deschênes-Fabia, est bien placée pour mesurer l’importance de ce suivi personnalisé, à 1000 lieues de la recette unique pour toutes les personnes atteintes d’un cancer. D’autant plus que les livres, témoignages et conseils sous toutes leurs formes sont pléthores dans le domaine.
Certaines idées reçues sur la façon d’aborder la maladie jouent parfois un rôle contre-productif. Comme la croyance, pourtant démentie par maintes études scientifiques, que la pensée a un pouvoir de guérison. «Les proches ont tendance à exiger des patientes qu’elles abordent leur maladie positivement, rapporte la psychologue. Du même coup, les malades ne peuvent pas exprimer leur détresse comme elles le souhaiteraient et se sentent abandonnées.»
D’ailleurs, les patientes qui ont une vision trop rose de leur maladie en subissent parfois les contre-coups. Il suffit qu’elles apprennent le décès de proches ou qu’un nouveau symptôme physique apparaisse pour que leur moral s’effondre du jour au lendemain. Éviter de regarder la situation de façon réaliste pourrait même provoquer une détresse au moins égale à l’optimisme qu’elles affichaient jusque-là, soutient la psychologue. Le phénomène prend l’allure de montagnes russes émotionnelles, dont les creux sont particulièrement pénibles à vivre.
Réalité et espoir
Josée Savard conseille plutôt aux patientes d’adopter une attitude d’optimisme réaliste. Une attitude particulièrement importante à adopter en cas de cancer avancé pour s’adapter à la situation, tout en continuant à cultiver l’espoir. «Je leur suggère d’identifier différents scénarios possibles, qui varieront d’une personne à l’autre en fonction de leur pronostic, et d’espérer que le meilleur arrive», résume Josée Savard.
Louise Provencher et elle se disent frappées par les capacités humaines de résilience et les leçons de vie que leur donnent les patientes.
Et elles constatent chaque jour que la situation s’améliore sur tous les fronts du cancer du sein.
2 Josée Savard est également active au Centre de recherche du CHU de Québec. Elle est l’auteure de Faire face au cancer –avec la pensée réaliste–. ↩
Publié le 3 avril 2013
Publié le 16 juillet 2013 | Par Pircak
Je suis belge.
J'ai eu deux fois le cancer du sein.
J'ai lu dans un de vos articles qu'en Belgique les soins sont gratuits.
J'ai été malade en 2001 et 2003. J'ai payé mes frais comme pour toute autre maladie.
Je dois payer les examens de contrôle (c'est-à-dire, la part que la mutuelle ne prend pas en charge), ce qui avoisine les 90 euro.
Seules les personnes ayant des statuts particuliers (omnio, BIM) ont droit à des remboursements plus importants.
Pour bénéficier de ces statuts, il faut vraiment avoir de très bas revenus.
Par exemple, dans ma situation actuelle, mon ménage (en couple avec un enfant), nos revenus bruts annuels ne doivent pas dépasser : 16 306,86 + 2X3018,84 = 22344,54 euros (montant brut en plus, sans encore avoir déduit les impôts et taxes). Je n'ai donc pas droit au statut omnio et pourtant seul mon compagnon travaille (je suis sur l'assurance maladie depuis le mois de novembre). Je dois donc payer mes suivis comme toute autre personne pour toute autre maladie.
Par contre, les médicaments tels que zoladex, nolvadex etc (provoquant une ménopause artificielle) sont pris totalement en charge.
La fondation n'aide que les personnes ayant de très bas revenus.
J'ai aussi eu droit (et y ai toujours droit) à un suivi psychologique quand j'en ai besoin.
A Liège, à la Clinique St Joseph, il existe "L'espace Plus" qui permet aux personnes souffrant d'un cancer de suivre divers ateliers artistiques, du Taï Chi..
Par contre, je sais qu'en France, tout est gratuit (traitement et contrôles).
Cordialement.
Nathalie Pircak.
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