Des spécialistes de l'Université se sont investis dans différents projets chers aux Gaspésiens: exploitation des algues, interprétation du patrimoine et plus...
Par Louise Desautels
Que l’étincelle ait jailli en Gaspésie ou à l’Université, plusieurs partenariats entre la région et l’établissement se sont mis en place au cours des dernières années. Contact en présente 5, qui constituent du même coup 5 occasions pour le touriste de porter un regard neuf sur la péninsule. Du noyau paroissial de Douglastown jusqu’au journal en ligne Graffici, en passant par les nouvelles terres agroforestières, les berges parsemées d’algues et la célèbre villa qui abrite l’École internationale d’été: suivez le guide!
1- Plonger dans le patrimoine
L’été dernier, Douglastown a été la vedette d’un circuit touristique hors du commun. Ce petit village aux racines irlandaises aujourd’hui annexé à Gaspé a arraché des oh! et des ah! à un groupe de spécialistes nord-américains du patrimoine.
«Avec son église, son école, son presbytère et sa salle du Holy Name, tous en brique jaune, le noyau paroissial de Douglastown est frappant!», rapporte Tania Martin1, professeure à l’École d’architecture. Cet arrêt faisait partie des circuits patrimoniaux coorganisés par la professeure, tout comme l’ensemble du congrès scientifique Forum international d’architecture vernaculaire, tenu à Percé.
Pourquoi Tania Martin avait-t-elle choisi la Gaspésie pour ce congrès? Parce qu’elle la connaît bien! Depuis 2007, elle y a donné 5 fois le cours intensif Patrimoine bâti et paysages culturels in situ, d’une durée de 3 semaines. La formule du cours: parmi les suggestions avancées par des acteurs du milieu gaspésien, Mme Martin choisit un cas sur lequel sa classe planchera, autant pour bien documenter le lieu que pour le mettre en valeur. Et pas à distance! Provenant de partout en Amérique du Nord, les étudiants habitent sur place et travaillent en étroite collaboration avec des gens du milieu.
Douglastown a eu son tour en 2011. Et cette année, du 26 mai au 13 juin, les travaux étudiants portent sur le Parc national du Canada Forillon. L’objectif est d’imaginer diverses vocations communautaires ou commerciales viables pour 2 maisons du parc, jadis expropriées et toujours inaccessibles au public. Cette exploration des possibilités met à contribution les connaissances et les aspirations des habitants des communautés qui jouxtent le parc. Dans quels projets ces villages et Parcs Canada pourront-ils se côtoyer et trouver leur profit? «Quarante ans après l’expropriation qui a donné naissance au parc, les cicatrices commencent à se refermer», observe Tania Martin.
1 Tania Martin est aussi titulaire de la Chaire de recherche du Canada en patrimoine religieux bâti et chercheuse au Centre de recherche en aménagement et développement (CRAD). ↩
2- Marier les arbres, les champs et les humains
L’auto roule sur la 132 en direction de Percé, vient de passer L’Anse-à-Beaufils. L’excitation monte à la perspective d’aborder sous peu la Côte-Surprise et la vue qu’elle offre sur le rocher géant. Mais dans les kilomètres qui précèdent, sur la gauche, une surprise d’un autre type attend les habitués de cette route: d’anciennes terres agricoles depuis longtemps en friche sont de nouveau cultivées. Et ces champs n’hébergent pas seulement une culture fourragère, mais aussi plusieurs rangées de jeunes arbres.
«Planter des arbres sur des parcelles cultivées apporte plusieurs bienfaits, indique Alain Olivier2, professeur à la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation. En plus d’offrir un paysage agréable à regarder, cette forme d’agroforesterie représente une source de revenus à long terme puisque des chênes ou des frênes bien entretenus pourront un jour être vendus pour leur bois.» Sans compter les avantages environnementaux: séquestration du carbone, lutte contre l’érosion et constitution d’un écosystème diversifié.
Un tel mariage entre agriculture et sylviculture a été célébré une trentaine de fois dans ce coin de la Gaspésie depuis 2009, moment de la mise en place du Laboratoire rural Agroforesterie et paysage.
Alain Olivier, qui agit comme conseiller scientifique au Laboratoire, précise: «Trente terres, ça peut sembler peu, mais ça représente un bon échantillon des superficies cultivables des environs!» Plus de 12 000 arbres et arbustes ont ainsi été mis en terre.
Un modèle à établir
Financé par le gouvernement provincial et appuyé par de multiples organismes locaux, le Laboratoire permet d’évaluer concrètement la formule d’agroforesterie, déjà pratique courante ailleurs dans le monde. Quels types d’ententes peuvent le mieux lier les propriétaires terriens et les agriculteurs qui louent leurs parcelles? Quelles essences s’adaptent le mieux au territoire? Quel avantage économique tire-t-on réellement d’une sylviculture aussi peu dense? Quelles motivations animent les participants au projet?
Aux commandes du Laboratoire rural Agroforesterie et paysage depuis ses débuts, Bertrand Anel connaît déjà la réponse à cette dernière question: «Ce qui plaît le plus ici, c’est de voir la vie reprendre sur des terres à l’abandon».
2 Alain Olivier est titulaire de la Chaire en développement international. ↩
3- Place aux algues!
À surveiller au menu de restaurants gaspésiens cet été: l’algue du moment. Salade à base de laitue de mer, lasagne dont les pâtes ont été remplacées par de la laminaire, croustilles de main de mer séchée…
Mais dans la péninsule, les algues ne sont pas seulement des mentions fugaces sur le menu de certains restos: elles font partie des ressources sous-exploitées qui pourraient donner un peu de vigueur à l’économie locale. Fruit d’une collaboration entre l’Université Laval et le Cégep de la Gaspésie et des Îles, le Centre d’étude et de valorisation des algues marines (CEVAM) met justement de l’avant cette vision.
Son histoire n’est pas toute rose, bien que classique: ce centre mis sur pied en 2009 n’a obtenu du financement que pour 2 ans, période où il a multiplié les programmes de recherche et de sensibilisation. Après 2010, même sans argent, les différents acteurs ont cependant poursuivi sur leur lancée. «La bonne collaboration se continue, et le CEVAM reste une plateforme d’échange de connaissances et de référence», rapporte Anissa Merzouk, professionnelle de recherche au laboratoire du professeur-chercheur Ladd Johnson3.
La laminaire sous la loupe
Du côté du Département de biologie, on fait surtout de la recherche fondamentale, par exemple pour identifier les facteurs qui influencent la croissance des différentes algues. Ou pour comprendre la relation entre des organismes marins abondants comme les oursins et leur habitat de laminaires –en mauvais état sur les côtes gaspésiennes.
Ces longues algues plates qu’on voit souvent traîner sur les berges font l’objet d’une attention particulière en Gaspésie. Leur culture pourrait permettre un approvisionnement régulier pour un éventuel réseau industriel et commercial qui tirerait profit de toutes leurs composantes.
On pense notamment à exploiter certaines molécules aux vertus antioxydantes de la laminaire. L’Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels (INAF) a d’ailleurs publié, en février 2014, une analyse de la filière industrielle qui serait alors impliquée, de la production de plantules jusqu’à l’extraction de molécules à haute valeur ajoutée. Dès septembre, une première entreprise, Fermes marines de Gaspé, mettra cette algue en culture.
3 Ladd Johnson est professeur au Département de biologie ↩
4- Percé, haut lieu de création
Au concours des plus beaux pavillons de l’Université, il serait difficile de refuser la palme à la villa Frederick-James! Cette maison plus que centenaire, perchée au-dessus de la falaise qui surplombe la baie de Percé, est la propriété de l’Université depuis 2007. Depuis plus longtemps encore, soit 2002, s’y donnent cours de maître et ateliers de création artistique dont quelque 800 étudiants ont jusqu’ici profité. En 2013 seulement, la villa a accueilli 139 participants et une douzaine de formateurs, qui logeaient pour la plupart dans une autre demeure appartenant à l’Université, la maison Biard.
«Nous enseignons depuis longtemps le développement régional à l’Université Laval; avec nos activités à Percé, on peut dire aussi que nous en faisons», lance Claude Dubé4, doyen de la Faculté d’aménagement, d’architecture, d’art et de design, et lui-même ancien professeur de développement régional.
Créateur et directeur de l’École internationale d’été de Percé, M. Dubé souligne en ce sens que l’École génère une activité locale notable, tant économique qu’artistique. «Percé est un lieu magique, et nous y amenons le plus de gens possible, assure le doyen. La formule que nous peaufinons depuis 11 ans offre aux participants un climat de création à l’abri du brouhaha et un accès facile au village.»
Les arts sont au centre des activités de l’École. C’est notamment le cas des ateliers de création de 5 jours, ouverts au public. Cette année, 7 de ces ateliers sont prévus; ils vont de la photo à l’écriture en passant par l’illustration et la peinture.
Des séjours plus longs, réservés aux étudiants du baccalauréat ou de la maîtrise, sont aussi au menu. Par exemple, cet été, en architecture et en art interdisciplinaire.
L’École accueillera également 6 artistes en résidence de création, sélectionnés parmi plusieurs dizaines de candidats. C’est que la formule, en place depuis 3 ans, fait l’envie de plusieurs: pendant 3 semaines, l’École fournit gratuitement aux 6 artistes ses installations à la villa Frederick-James, en plus de l’hébergement.
À toute cette activité artistique, se greffent chaque année d’autres formations issues de divers programmes de l’Université: agroforesterie, philosophie, interprétation du patrimoine…
4 Claude Dubé est également titulaire de la Chaire UNESCO en patrimoine culturel. ↩
5- Un média pour les Gaspésiens
Pour qui prépare un séjour en Gaspésie, il y a désormais un incontournable: Graffici.ca. Un site Web touristique? Non, un média journalistique où l’internaute plonge dans l’actualité artistique, sociale et économique de l’immense territoire gaspésien. Et derrière ce média, il y a un peu de l’Université.
«J’ai contribué à l’élaboration du plan d’affaires, à l’identification des types de contenus et à l’implantation de modes d’interactivité», rapporte François Demers5. Ce professeur du Département d’information et de communication a participé à l’aventure au cours des mois qui ont précédé le lancement du site, en septembre 2011, et dans les années qui ont suivi6.
Aujourd’hui bien en selle après avoir vécu différentes crises de croissance, Graffici.ca présente des articles, des dossiers, un calendrier d’activités et des blogues. Il attire plus de 20 000 lecteurs par mois (ou visiteurs uniques, dans le jargon) et compte désormais sur une belle clientèle publicitaire. «Nous atteindrons notre autonomie financière l’an prochain», assure le directeur Benoît Trépanier, depuis son bureau de New Richmond.
L’histoire d’un rêve
C’est depuis le début des années 2000 que les acteurs régionaux rêvaient d’une plateforme de communication gaspésienne. Le projet a avancé d’un pas quand il a croisé la route du mensuel papier Graffici, sorte de Voir distribué en Gaspésie, qui a finalement cédé la place à Graffici.ca.
Résultat: un média électronique régional où les nouvelles, livrées par des journalistes à la pige, vont bien au-delà des fermetures de mines ou des catastrophes naturelles –seules actualités qui trouvent leur chemin dans les grands médias.
«M. Demers nous a montré ce qui se faisait à l’échelle nationale pour le genre de site que nous voulions créer, et en particulier pour le passage d’un journal papier au Web, retient Benoît Trépanier. Il nous a aussi mis en contact avec des gens d’autres médias et nous a aidé, avec ses étudiants, à élaborer un modèle de couverture promotionnelle d’événements.»
Différents échanges ont toujours lieu entre l’Université et Graffici, dont des stages étudiants. De plus, François Demers a mis cette expérience au service de la refonte Web du journal-école des étudiants en journalisme de l’Université, L’Exemplaire, publié uniquement en ligne depuis septembre 2013.
5 François Demers est également fondateur et membre du Groupe de recherche sur les pratiques novatrices en communication publique (PNCP). ↩
6 M. Demers a prix part au projet Graffici.ca par l’entremise du Centre francophone d’informatisation des organisations (CEFRIO) et à la suggestion de Florence Piron, aussi professeure au Département d’information et de communication, qui collaborait alors aux Laboratoires vivants de l’organisme. ↩
Publié le 11 juin 2014
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