3 expériences touristiques nouveau genre
Comment explorer un coin ou l'autre du Québec sans emprunter les sentiers touristiques habituels?
Par Louise Desautels
Des chercheurs de l’Université ont étudié 3 phénomènes touristiques en plein essor: le mycotourisme, le tourisme généalogique et le tourisme créatif. De quoi donner des idées à quiconque rêve d’escapades…
1- Cueillir et déguster des champignons forestiers
Cueillir des champignons en forêt sous la gouverne d’un expert, après avoir acquis quelques notions de base. Puis, apprendre à apprêter sa précieuse récolte avant de passer à la dégustation… Voilà qui décrit bien la journée type d’un mycotouriste, une espèce en voie de multiplication.
«La filière des champignons forestiers suscite un intérêt marqué dans plusieurs régions du Québec, mais l’offre touristique reste encore marginale», indique Nancy Gélinas, professeure au Département des sciences du bois et de la forêt, coauteure d’une étude sur le phénomène1.
Pourtant, certains coins de pays se démarquent, note Mme Gélinas. Dans la région de Kamouraska, depuis 2013, une cinquantaine d’acteurs se sont mobilisés autour du champignon: propriétaires de boisés, transformateurs, restaurateurs, hôteliers. Il existe même un festival des champignons forestiers! Les activités offertes s’adressent autant aux touristes qui souhaitent salir leurs bottes qu’à ceux qui veulent simplement trouver des champignons du cru au menu des restos ou qui aimeraient acheter le produit –frais ou transformé. Un sentier ponctué de panneaux d’interprétation sur les champignons a aussi été aménagé.
La région de la Mauricie n’est pas en reste avec sa Filière mycologique. Depuis 2014, le touriste trouve là aussi à explorer la planète champignon, incluant ateliers culinaires, cueillette supervisée, dégustations et achats. Parmi les offres plus ponctuelles ailleurs au Québec, Nancy Gélinas signale l’activité «De la forêt à l’assiette» qui se tient à la forêt Montmorency. Chacune des 6 demi-journées d’automne consacrées aux champignons comprend identification, cueillette, cuisine et dégustation2.
Pourquoi un tel engouement à l’égard des champignons? D’une part, les gens semblent avides d’expériences nouvelles et s’intéressent de plus en plus à l’environnement particulier des régions qu’ils visitent. De l’autre, signale Nancy Gélinas, «les régions forestières ont un grand besoin de diversifier leur économie». Pour assurer cette diversification, on se tourne entre autres vers les produits forestiers non ligneux (PFNL), c’est-à-dire autres que le bois. On envisage non seulement de mousser le tourisme, mais aussi d’implanter la cueillette professionnelle, la transformation et la commercialisation des produits. Les champignons représentent une mine peu exploitée à ce jour, et pourtant la morille conique ou, encore plus, le matsutake américain peuvent se vendre à fort prix. D’autres produits forestiers non traditionnels apparaissent aussi sur cet écran radar, notamment les petits fruits et les noix ainsi que les plantes aromatiques et médicinales.
Plusieurs entraves parsèment toutefois le chemin menant à une exploitation durable des champignons sauvages au Québec. Côté tourisme: le fait que les champignons poussent en différentes saisons et au gré des conditions climatiques –après une forte pluie, par exemple; sans compter que nul ne doit récolter et consommer un champignon sauvage sans d’abord s’être assuré de son innocuité! Côté commercialisation: l’infrastructure de transformation (séchage, ensachage, etc.) quasi absente ainsi que le manque de connaissances pour repérer et protéger les sites de récolte. En fait, il reste beaucoup à comprendre au sujet de l’écologie des champignons, même si un pionnier comme le professeur à la retraite J. André Fortin3 a largement défriché le terrain. Du côté des précurseurs également: la douzaine de clubs de mycologues amateurs que compte le Québec, de Sept-Îles à Alma, en passant par Montréal et Québec.
Ailleurs dans le monde, les difficultés sont semblables, et pourtant les histoires à succès existent. Nancy Gélinas cite en exemple la région de Castille-et-León, dans le nord-ouest de l’Espagne. Là-bas, la présence des champignons attire désormais des flots de touristes en forêt, en marge des circuits conventionnels. Il faut dire qu’en Europe, les traditions de récolte et de consommation de champignons sont profondément ancrées. Plusieurs Québécois s’emploient maintenant à semer la tradition ici.
1 Nancy Gélinas est directrice des maîtrises et du doctorat en sciences forestières et vice-doyenne aux études à la Faculté de foresterie, de géographie et de géomatique. Elle est également membre du Groupe interdisciplinaire de recherche en agroforesterie et de l’Institut Hydro-Québec en environnement, développement et société. ↩
2 Pour plus d’information sur cette activité ↩
3 Pour en savoir plus sur les activités de M. Fortin, consultez sa fiche du Centre d’étude de la forêt. ↩
2- Retrouver la maison de ses aïeux
Remonter le fil de son nom de famille jusqu’au premier ancêtre à avoir posé le pied en terre d’Amérique: voilà le sport auquel s’adonnent de plus en plus de personnes, grâce entre autres à la disponibilité d’outils de recherche dans Internet. Mais pour plusieurs, il y a une suite à cette quête: aller prendre une photo de la maison ancestrale, déchiffrer l’acte de mariage dans la paroisse même où l’union des 2 aïeux a été célébrée ou toucher la pierre tombale qui porte le nom d’un ancêtre. Pour les Québécois de diverses origines et pour les Américains issus du million de Canadiens français partis travailler dans le nord-est des États-Unis au tournant du 20e siècle, ce retour aux sources se fait souvent dans la région de Québec.
«Il s’agit pour eux d’un voyage hors des sentiers battus, un défi qui comporte un réel investissement émotif», remarque Pascale Marcotte, professeure au Département de géographie4 et auteure d’un récent rapport sur le tourisme généalogique pour le compte de l’Office du tourisme de Québec.
Comment accueillir ces aventuriers? «On doit soutenir leur quête, les aiguiller et leur présenter un contexte historique plus large», énumère-t-elle. Après tout, l’arrivée de l’ancêtre dans la région de Québec s’inscrit dans l’histoire: colonisation française ou anglaise, déportation des Acadiens, immigration d’Irlandais fuyant la famine ou simple présence du port où débarquaient, parfois pour toujours, nombre de passagers des transatlantiques.
Selon Mme Marcotte, la Maison de nos Aïeux fait figure d’exemple pour ce qui est de l’accueil. Il s’agit d’un remarquable presbytère reconverti, situé à Sainte-Famille, sur l’île d’Orléans. L’intérêt d’aller y faire un tour redouble si l’on porte le patronyme d’une des 300 familles souches qui se sont établies là dans la seconde moitié du 17e siècle. Que ce soit pour repérer la terre de l’ancêtre sur la grande maquette de l’île qui y trône, pour pousser plus loin les recherches dans divers registres d’actes officiels ou simplement pour avoir une idée générale de l’histoire du peuplement de ce bout de terre, l’endroit est tout indiqué.
Une autre île, plus bas sur le fleuve, se révèle riche en histoire, bien que pauvre en information personnelle sur les Irlandais qui y ont été placés en quarantaine au milieu du 18e siècle. La Grosse-Île est à la marge du tourisme généalogique, mais au cœur du phénomène de pèlerinage sur les traces de ses ancêtres.
Les descendants d’Irlandais et d’autres communautés anglophones peuvent aussi faire une tournée du cimetière Mount Hermon, dans le secteur Sillery de Québec. Les responsables du lieu s’apprêtent à fournir aux visiteurs une carte destinée à faciliter le repérage des noms qui figurent sur les pierres tombales, certaines très anciennes.
Mais c’est bien sûr dans le Vieux-Québec qu’affluent les touristes intéressés par leur lignée familiale. En plus de venir s’y imprégner d’histoire, ils cognent tantôt à la porte de l’Hôtel-Dieu ou à celle du Séminaire afin de consulter les registres. «Pour ce qui est de garder des traces, les institutions religieuses ont bien fait leurs devoirs: les archives abondent en actes de baptême, de mariage et de décès, souligne Pascale Marcotte. Au Séminaire, on peut même trouver les bulletins scolaires des séminaristes avec des annotations sur leurs comportements.»
Ces visiteurs passent rarement par les portes d’entrée officielles, comme les bureaux d’information touristique. Un projet à leur intention est cependant sur la planche à dessin, le Carrefour de généalogie de l’Amérique francophone. On pourrait y orienter la recherche d’ancêtres et faciliter l’accès aux divers dépôts d’archives. Pourrait aussi y être proposé un répertoire des maisons ancestrales ouvertes au public et d’autres lieux qui portent la trace de l’une ou l’autre famille souche. Par exemple, l’an dernier, l’étudiant Jean-François Allard a sillonné Québec et trouvé 433 repères généalogiques, souvent une plaque commémorative installée par une association de famille souche, rapporte Mme Marcotte. Tous ces repères sont désormais géolocalisés.
4 Pascale Marcotte est également responsable scientifique de la Chaire de recherche en partenariat sur l’attractivité et l’innovation en tourisme (Québec-Charlevoix) ainsi que membre de l’Institut Hydro-Québec en environnement, développement et société et du comité consultatif sur la recherche universitaire de l’Observatoire de la culture et des communications du Québec. ↩
3- Sculpter, tricoter ou pétrir à Saint-Jean-Port-Joli
Quand vient l’envie d’admirer des sculptures sur bois, on pense tout de suite à faire un saut à Saint-Jean-Port-Joli. Mais si ce village de la Côte-du-Sud était aussi l’endroit rêvé pour apprendre à sculpter avec un artiste local? «Le tourisme créatif, c’est exactement cela: offrir la possibilité à certains visiteurs de mettre la main à la pâte, de vivre un moment de partage avec ceux qui portent le savoir-faire artistique ou artisanal et qui sont ouverts à le transmettre», décrit Habib Saidi5, professeur au Département des sciences historiques et directeur de l’Institut du patrimoine culturel.
C’est dans cet esprit que plusieurs artisans de Saint-Jean-Port-Joli ont conçu des ateliers destinés aux touristes créatifs: sculpture, lutherie, transformation de la fibre d’alpaga, construction de micromaisons sur roues, pétrissage du pain, etc. Pendant quelques heures ou quelques jours, selon l’atelier retenu, les participants plongent dans l’univers de l’artisan puis rentrent à la maison avec une œuvre, un savoir-faire et, en prime, l’expérience d’une relation privilégiée avec un membre de la communauté visitée.
Cette formule, qui a valu à Saint-Jean-Port-Joli le prix Best Creative Destination 2015, a été établie sous l’impulsion de l’Institut du patrimoine culturel de l’Université. «En 2012, l’Institut a tenu son école d’été dans ce village pour en explorer le potentiel touristique et envisager les possibilités de mise en valeur du patrimoine dans l’esprit du tourisme créatif», relate M. Saidi. Celui-ci a ensuite organisé, au Musée de la mémoire vivante, un colloque international sur le thème «Médiation et créativité en tourisme et en patrimoine». Puis, en 2013, les étudiants de son cours Tourisme et patrimoine sont venus jouer le rôle de touristes pour mettre à l’essai les tout nouveaux ateliers créatifs.
«Notre rôle d’universitaires, note-t-il, ce n’est pas de nous transformer en promoteurs touristiques, mais de diffuser les nouveaux concepts et de mettre les collectivités intéressées en contact avec les ressources disponibles et avec d’autres communautés.»
À leur demande, les responsables de Tourisme Îles-de-la-Madeleine ont peu après accueilli Habib Saidi pour discuter de tourisme créatif, avant d’implanter à leur tour la formule. Les nombreux visiteurs de l’archipel peuvent maintenant passer quelques heures avec des artisans locaux afin de s’initier à la broderie, de créer une pièce en verre soufflé, de fabriquer des chandelles en cire d’abeille ou de perfectionner leurs habiletés de photographe. «Plusieurs autres collectivités nous ont aussi interpellés», rapporte M. Saidi.
Bien sûr, le phénomène ne se limite pas au Québec. Le tourisme créatif connaît une percée partout sur la planète, même si ce n’est pas d’hier que des visiteurs souhaitent s’insérer dans la vie quotidienne de la communauté et apprendre d’elle. «Les séjours linguistiques en sont un bon exemple», souligne Habib Saidi. La tendance se mesure entre autres au sein du réseau international Creative Tourism Network, basé à Barcelone (Espagne). Saint-Jean-Port-Joli, membre en règle du réseau, y voisine d’autres destinations où le touriste est convié à stimuler sa créativité aux côtés d’artistes locaux. Stages de joaillerie à Porto Alegre (Brésil), de céramique à Lucena (Espagne) ou de sculpture de fruits à Bangkok (Thaïlande): les excuses pour prolonger une escale et vivre une expérience hors du circuit touristique traditionnel sont désormais à la portée de tous les globe-trotteurs.
5 Habib Saidi est aussi membre du Centre de recherches cultures, arts, sociétés (CELAT). ↩
Publié le 20 avril 2017
Publié le 22 avril 2017 | Par suzanne drolet
Félicitations, belle initiative, continue! Devinez qui écrit. Réponse: sa mère qui est fière de toi! P.S.: Ton père aussi est fier, mais lui il ne le dit pas.
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