Les blogues Contact

La zone d'échanges entre l'Université Laval,
ses diplômés, ses donateurs et vous

Les blogues de Contact

Photo de Simon Langlois

Les régimes de rentes: essentiels à la cohésion sociale

Le financement des régimes de rentes, l’âge à la retraite et la diminution appréhendée des revenus des futurs retraités sont à l’ordre du jour, sans oublier la diminution de la population active. Ces questions ne soulèvent pas seulement des enjeux strictement comptables, mais elles nous forcent aussi à revoir les politiques publiques sur la retraite afin de les mettre en phase avec les mutations sociales en cours qui marquent notre société. J’attire aujourd’hui l’attention sur quelques enjeux qui me paraissent importants.

La pérennité du régime public de rentes est assurée
Certaines réformes ont été faites. Ainsi, le taux de cotisation au Régime de rentes a été augmenté, ce qui va contribuer à la pérennité du régime pour les générations futures. Les individus âgés de moins de 50 ans devront cependant payer au cours de leur vie davantage de cotisations que leurs parents. Mais on ne peut pas revenir sur le passé. La bonne nouvelle par contre est que les plus jeunes (entre 30 et 40 ans) ont amélioré leur capacité de payer, puisque leurs revenus en termes réels ont augmenté dans les années 2000 et que l’effet de génération qui marquait auparavant la baisse les revenus de travail dans cette tranche d’âge a disparu.

Hausser l’âge de la retraite?
L’espérance de vie continue d’augmenter avec les progrès de la médecine et à la suite des changements dans les habitudes de vie, au point de mettre à mal les prévisions des modèles actuariels passés qui en avaient sous-estimé la hausse. On peut même entrevoir le temps où bon nombre de personnes passeront plus d’années à la retraite qu’au travail, ce qui exercera une forte pression sur le financement des rentes à verser.

Il faudra sans doute augmenter l’âge à la retraite et l’âge auquel est versée la pension fédérale de sécurité de la vieillesse, comme c’est le cas dans plusieurs pays développés. Les pays scandinaves proposent sur ce point une solution intéressante, soit de partager en deux parts l’impact de la hausse de l’espérance de vie. Une moitié (ou un tiers, selon les pays) va à l’augmentation de l’âge de la retraite et l’autre moitié est laissée au travailleur. Ainsi, si l’espérance de vie augmente d’une année, l’âge à la retraite n’augmente que d’une demi-année. Le régime public subit alors moins de pression et le retraité bénéficie d’un allongement de sa période de retraite. Cette solution emporte une large adhésion parce qu’elle est perçue comme équitable pour tous et son caractère automatique évite de politiser périodiquement le débat sur les hausses.

Concilier travail et retraite
Mais hausser l’âge de la retraite est une partie seulement de la solution. L’autre partie serait de favoriser la conciliation travail-retraite tout comme on a facilité avec succès la conciliation travail-famille au Québec. C’est la solution privilégiée par l’État québécois, mais elle nécessitera une simplification (pas encore en place) de plusieurs rigidités bureaucratiques qui encadrent le marché du travail et surtout, l’avènement d’un nouvel imaginaire social. La fameuse «liberté 55» ne devrait plus nécessairement être interprétée comme un temps complet de loisir, mais plutôt comme un temps permettant de choisir la meilleure formule d’organisation de son travail et de son temps libre (horaires flexibles, travail à temps partiel, travail une partie de l’année ou à contrat déterminé, etc.). Concilier travail et retraite impliquera de nouvelles manières de faire qui seront à négocier dans les différents milieux telles que la gestion des vacances ou la révision des règles trop strictes sur l’ancienneté qui ont parfois priorité absolue, comme c’est le cas en ce moment chez mon employeur (l’Université).

Pénurie de main-d’œuvre
Une autre raison milite en faveur de la hausse (modeste) de l’âge à la retraite et de la conciliation travail-retraite: la pénurie anticipée de main-d’œuvre. Un chiffre l’illustre avec évidence: de 2013 à 2030, la population âgée de 15 à 64 ans va baisser au Québec de 3,8% et elle va augmenter en Ontario de 9,6%. Donc, réduction du nombre de travailleurs cotisants au RRQ, mais aussi un sérieux défi pour l’économie québécoise.

Nécessaires ajustements du Régime de rentes aux modes de vie
Certains ajustements seraient à apporter au Régime de rentes afin de prendre en compte la mutation des modes de vie. Plusieurs propositions en ce sens ont été discutées en commission parlementaire en août 2010, mais elles n’ont pas été retenues par le gouvernement, comme la modification de la rente de conjoint survivant qui tiendrait compte du fait que les femmes âgées de moins de 55 ans ont un taux de participation au marché du travail aussi élevé que celui des hommes. La rente de conjoint survivant limitée à 10 ans était une bonne proposition qui devrait être reprise.

Le régime public de rentes n’a pas à jouer un rôle de redistribution du revenu (ce rôle est dévolu à l’impôt). Il vise plutôt à remplacer les revenus tirés du travail une fois arrivée l’âge de la retraite. Mais plusieurs mesures du RRQ ont quand même un caractère progressiste et elles favorisent une plus grande égalité et justice sociale. Ainsi, les travailleurs à faible revenu qui prendront leur retraite avant l’âge de 60 ans se verront imposer une pénalité plus importante au Régime de pension du Canada que dans le RRQ. De plus, ce dernier prévoit des prestations plus généreuses que le RPC pour les conjoints survivants âgés de moins de 65 ans (une majorité de femmes). Le Régime de rentes évalue de manière souple l’invalidité après 60 ans, ce qui favorise notamment les travailleurs manuels dont la force de travail est usée prématurément, une mesure qui n’est pas modifiée pour l’instant. Et la bonification de la rente d’orphelin qui a été adoptée récemment est à souligner.

Régime public de cotisations volontaires
Le Régime actuel assure le remplacement de seulement la moitié du revenu médian de travail, ce qui est insuffisant pour maintenir le niveau de vie lors du passage à la retraite. Les gouvernements ont choisi d’inciter les employeurs et les travailleurs à cotiser à un régime de pension particulier qui sera géré par la Régie des rentes ou le Canada Pension Plan. Le projet est prometteur, mais encore faudra-t-il que travailleurs et employeurs y contribuent.

Hausses attendues des inégalités
Les revenus de marché (tirés du travail salarié, du travail autonome et des placements) sont en hausse depuis une quinzaine d’années. Or, l’héritage des patrimoines –plus fortement inégalement répartis que les revenus de marché– ainsi que la prise des retraites offrant une protection du revenu fort inégale par un nombre accru de personnes, vont contribuer à accentuer les inégalités dans notre société dans les prochaines années. Mieux planifier la retraite sur le plan financier s’avère donc un impératif nécessaire au maintien de la cohésion sociale.

Haut de page
  1. Publié le 7 juin 2012 | Par Raymond Saint-Arnaud

    Le RRQ public doit être aménagé ou complémenté pour assurer à chaque Québécois un revenu de retraite acceptable sans s’en remettre au secteur privé, où de terribles magouilles se sont produites. Ce qu'il faut, c'est bonifier et élargir le Régime des rentes du Québec (RRQ) et non pas ouvrir les portes aux rapaces. C'est une question d'efficacité et de prudence.

    Pour remplacer les régimes privés à cotisations déterminées qui ne garantissent aucun rendement prévisible, et pour procurer un régime de retraite à ceux qui n’en ont pas (employés sans régime de retraite, travailleurs autonomes, personnes sans revenus de travail, etc), on pourrait mettre sur pied le régime suivant.

    Il s’agirait d’un régime public facultatif semblable au RRQ, géré par une régie étatique, qui recueillerait les cotisations des employés, des employeurs, des travailleurs autonomes, et de toute autre personne voulant investir dans sa retraite.

    Les sommes déposées dans ce régime serviraient à établir des droits de rente au participant, rente indexée et calculée actuariellement selon l’âge de la personne au moment des cotisations et selon l’âge de la personne au moment de la retraite.
  2. Publié le 15 mars 2012 | Par Rémy Auclair

    Effectivement, hausser l'âge à la retraite est une mesure tout à fait pertinente. Il y a bel et bien des propositions allant dans ce sens au Québec et au Canada, mais je n'ai pas le sentiment qu’il y ait engouement pour une telle mesure. C’est un «vaste programme» auquel tous les groupes en présence devront participer, mais ceux-ci sont loin d'être à armes égales, numériquement parlant. J’ose espérer que les solutions proposées seront équitables pour tous...
  3. Publié le 15 mars 2012 | Par Simon Langlois

    Rémy,
    Oui, vous avez raison de soulever ce point important des effets de générations. En fait, les cohortes passées n'ont pas cotisé assez pour satisfaire les obligations actuelles des régimes à prestations déterminées. D'où l'importance de mesures comme la prise en compte des mutations dans les modes de vie et dans l'espérance de vie dont j'ai parlé et l'importance de hausser le temps de participation au marché du travail (rester actif plus longtemps) afin de contribuer davantage aux différents régimes.
  4. Publié le 15 mars 2012 | Par Rémy Auclair

    Les régimes de retraite en général et à «prestations déterminées» en particulier sont maintenant aux prises avec de nombreux défis. J’en fais état de deux qui m’apparaissent importants, dont l’un pose un véritable problème d’équité intergénérationnelle.

    Tout d’abord, la majorité de ces régimes sont maintenant en pleine maturité. Cela signifie, entre autres choses, que les cotisants sont de moins en moins nombreux par rapport au nombre de retraités. Il en résulte une pression financière accrue sur les régimes, une pression qui est appelée à prendre encore davantage d’ampleur avec une espérance de vie qui s’allonge toujours plus.

    Deuxièmement, avec la financiarisation de l’économie, les régimes de retraite ne peuvent plus compter sur des rendements boursiers mirobolants pour assurer leur capitalisation. Pour pallier cette insuffisance, les régimes choisissent généralement de hausser les cotisations des participants. La solution la plus facile qu’ont trouvé les gestionnaires de ces régimes pour contourner ce problème, et surtout pour ne pas engendrer de grogne parmi les retraités, est donc de balayer le problème dans la cour des jeunes générations, et ce, souvent sans demander d’effort de la part des retraités. Soyons tout de même bons joueurs, récemment, certains régimes ont décidé de ne pas indexer les rentes versées pour une période déterminée. Mais les efforts dans cette direction demeurent jusqu’à maintenant exceptionnels.

    Bien que dans un passé encore récent, la solution facile ait été de hausser les cotisations, cette seule option n’est maintenant plus envisageable, car elle pose un véritable problème d’équité entre les divers groupes de participants et les ayants droits et entre les générations.

    Un véritable dialogue entre les générations doit donc être initié afin de proposer des solutions justes et équitables pour les différents groupes en présence.

Note : Les commentaires doivent être apportés dans le respect d'autrui et rester en lien avec le sujet traité. Les administrateurs du site de Contact agissent comme modérateurs et la publication des commentaires reste à leur discrétion.

commentez ce billet

M’aviser par courriel des autres commentaires sur ce billet