Construire des mondes virtuels
La scénarisation d'univers numériques est devenue une tâche très complexe.
Par Yvon Larose
Assassin’s Creed, Call of Duty, Halo: autant de jeux vidéo interactifs adoptés par des millions d’amateurs à travers le monde. Comme de nombreux autres, ils proposent des histoires d’action-aventure qui supposent un solide scénario.
«Action, jeux de rôle, simulation, stratégie, sport: les jeux vidéo d’aujourd’hui touchent à une grande variété de genres», indique Vincent Mauger, chargé de cours à l’École de design et doctorant en design et culture numérique. Tous permettent une interaction forte et active avec le joueur. À partir d’une liste d’actions préalablement imaginées et déterminées, le joueur choisit celles qui lui plaisent pour influencer le déroulement du récit. «Il faut lui fournir l’expérience de la liberté, affirme M. Mauger. Lui donner le pouvoir est fondamental.»
Ces dernières années, la qualité audiovisuelle du jeu vidéo a atteint un niveau de détails remarquable grâce à une technologie en constante évolution. «Faune, flore, architecture, costumes, paysages: tous les aspects visuels sont aujourd’hui exploités à fond pour favoriser l’immersion du joueur dans un environnement aussi complexe que précis et détaillé», explique le chargé de cours. Par exemple, l’action d’Assassin’s Creed 3 se déroule au 18e siècle et plonge le joueur dans une reconstitution minutieuse de Boston créée à partir de cartes d’époque.
Scénariste, une lourde responsabilité
Dans l’équipe de concepteurs d’un jeu vidéo, le scénariste qui occupe le poste de designer d’éléments narratifs est investi d’une lourde responsabilité. «Il fait plus que de la scénarisation comme telle, soutient Vincent Mauger. Il est responsable de la construction d’un univers et il doit fournir des ressources qui vont aider les concepteurs à réaliser le projet, tout en étant sensible aux limites technologiques.»
Selon le conférencier, les mondes sortis de l’imagination des scénaristes peuvent paraître évanescents, mais ils sont en fait très concrets. En ce sens, la trame narrative s’avère assez contrôlée pour atteindre la plus grande cohérence possible. «Le scénariste de jeu vidéo doit imaginer de façon réaliste les fondements d’un monde interactif, poursuit-il. Il doit définir diverses composantes telles la taille d’une planète, la forme des continents, les cités d’un pays et la culture d’une nation. Cette culture comprend notamment une histoire avec un grand H ainsi que des mythes fondateurs.»
Le scénariste doit également créer de toutes pièces des personnages crédibles dont la psychologie permet des rapports réalistes. Il doit inventer une intrigue générale vraisemblable et suffisamment captivante pour retenir le joueur à sa console jusqu’à la fin du jeu. C’est qu’un jeu vidéo dure beaucoup plus longtemps qu’un film. «Il faut donc toujours de la nouveauté pour maintenir l’intérêt du joueur, souligne Vincent Mauger. Et définir le rythme idéal est un sacré défi!»
Dans les récits numériques, comme dans tout récit de fiction, l’action dramatique est essentiellement basée sur la notion de conflit. Par contre, dans les jeux vidéo, il s’agit généralement d’affrontements au sens propre. «Dans ce type de constructions fictionnelles, il est difficile de faire vivre des conflits intérieurs aux personnages, comme on peut le faire dans un roman ou au théâtre, explique M. Mauger. La technologie permet difficilement d’“entrer” dans la tête d’un personnage.» Du moins pour l’instant!
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