Ouanessa Younsi: être à l’écoute
Diplômée en médecine et étudiante en philosophie, Ouanessa Younsi explore son monde intérieur par la poésie.
Par Matthieu Dessureault
Pour la psychiatre Ouanessa Younsi, on ne peut être médecin si on n’aime pas. «Soigner est une variation du verbe aimer. […] La médecine exige techniques et connaissances, mais cela ne suffit pas, particulièrement en psychiatrie, où la relation est le cœur et le nœud», écrit-elle dans Soigner, aimer, un ouvrage qui retrace son parcours de soignante.
Née en 1984 d’une mère québécoise et d’un père algérien, Ouanessa Younsi a obtenu son doctorat en médecine de l’Université Laval en 2008. Elle a été médecin psychiatre à Sept-Îles et à Kuujjuaq, avant de s’établir à Montréal. Entre deux patients, elle publie poèmes et récits et participe à des lectures et à des festivals de poésie. En plus de Soigner, aimer, on lui doit les recueils Prendre langue et Emprunter aux oiseaux, ainsi que le livre collectif Femmes rapaillées, qu’elle a codirigé.
Soi, l’autre et l’autre en soi
La poésie permet à Ouanessa Younsi d’explorer son monde intérieur, un aspect indissociable de ses fonctions médicales. «L’écriture, comme la psychiatrie, est un travail de connaissance de soi, de l’autre et de l’autre en soi. La poésie s’intéresse aux zones de vulnérabilité de l’être humain. Elle me permet d’aborder mes propres vulnérabilités, ce qui m’aide ensuite à accueillir celles des autres. Il n’y a pas d’écoute de l’autre s’il n’y a pas d’abord une écoute de soi.»
Avec la psychiatrie, cette insatiable curieuse répond à son désir de faire avancer une «discipline en questionnement, qui donne lieu à beaucoup de débats et de possibilités de recherche». Elle apprécie aussi le fait que ce domaine de la santé soit lié, directement ou pas, à d’autres disciplines des sciences humaines et sociales. Afin de pousser plus loin ses réflexions sur son métier, elle a entrepris des études en philosophie à l’Université Laval. Son mémoire de maîtrise porte sur la frontière entre la question du normal et celle du pathologique. «La philosophie me permet de remettre en doute ma propre pratique de psychiatre, explique-t-elle. Comme clinicienne, on peut avoir l’impression qu’on fait certaines choses par habitude. Ce retour aux études est une façon de me décentrer et de trouver des réponses à mes questions.»
Une vision de la philosophie
Si elle a choisi l’Université Laval, c’est pour la souplesse qu’offre son programme de cours à distance, ainsi que pour son approche de la philosophie. «Avec sa Faculté de philosophie et sa chaire de recherche et d’enseignement La philosophie dans le monde actuel, l’Université présente une vision de la philosophie qui rejoint la mienne. Le facteur humain a également joué un rôle important dans mon choix; le professeur Thomas De Koninck m’a toujours inspirée. La Faculté était aussi très chaleureuse dans son accueil.»
Lui aussi médecin et poète, le chargé d’enseignement clinique Jean Désy a connu Ouanessa Younsi alors qu’elle faisait ses études en médecine. Celui qui signe la préface de Soigner, aimer apprécie la vision du métier de psychiatre qu’elle véhicule. «Cette jeune femme croit en la valeur de l’humilité pour pratiquer la médecine, pour soigner les gens, mais surtout pour soigner des malades qui présentent des problèmes mentaux. La psychiatrie ne pourra jamais, même dans un avenir lointain, devenir exclusivement une science: les moyens technoscientifiques ou pharmaceutiques ne seront jamais suffisants pour contribuer à l’apaisement d’une âme souffrante. Ouanessa Younsi jongle aussi bien avec les éléments de l’univers poétique qu’avec ceux de la science médicale, ce qui constitue sa force.»
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