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Photo de Simone Lemieux

L’image corporelle dans tous ses états

Connaissez-vous les différentes activités de promotion d’une bonne estime de soi menées par la compagnie Dove? Celles-ci ont été lancées en 2004 et mettent notamment l’accent sur la diversité corporelle en nous invitant à aimer le corps que nous avons. Certains diront que si la compagnie continue sur cette lancée depuis plus de 10 ans, c’est que c’est certainement très payant! Mon intention n’est pas d’ouvrir le débat sur la façon dont Dove s’y prend pour vendre ses différents produits de beauté. Cependant, ce que je constate après avoir regardé plusieurs publicités de la compagnie, c’est que les gens se reconnaissent fort probablement davantage dans les modèles corporels que Dove leur propose que dans ceux qu’on leur montre habituellement dans les médias! 

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Définir l’image corporelle
Selon le groupe Équilibre, dont les activités visent à prévenir et à diminuer les problèmes liés au poids et à l’image corporelle dans la population, l’image corporelle serait non seulement influencée par ce qu’une personne pense de son corps, mais également par ce qu’elle croit que les autres en pensent.

Plusieurs facteurs peuvent agir sur la perception que nous avons de notre corps. À ce sujet, des études ont proposé que les modèles corporels présentés dans les médias pouvaient avoir une incidence importante sur notre niveau de satisfaction lié à notre image corporelle. 

La télé loin de la réalité
Les modèles d’hommes et de femmes présentés dans les médias sont souvent très peu représentatifs du citoyen moyen. Des études ont d’ailleurs documenté les écarts entre les caractéristiques de personnages très connus du petit écran et celles de la population moyenne. 

Je vous parle tout d’abord d’une étude publiée en 2003. Celle-ci a examiné un total de 1018 personnes jouant des rôles principaux dans les 10 émissions les plus populaires aux États-Unis1. Plusieurs caractéristiques physiques et comportementales ont été évaluées chez ces vedettes du petit écran qui jouaient surtout dans des séries dramatiques ou comiques. Afin d’évaluer l’indice de masse corporelle (IMC) des comédiens, 4 experts reconnus dans le domaine de l’obésité ont été mandatés. 

Les résultats démontrent tout d’abord que, parmi les personnages étudiés, seulement 3% des femmes et 7% des hommes étaient obèses. L’écart avec la réalité est remarquable puisque, au moment de l’étude, la prévalence d’obésité dans la population américaine était respectivement de 33% chez les femmes et de 27% chez les hommes2. Par ailleurs, une proportion importante de ces personnages était en sous-poids (31% des femmes et 12% des hommes). La réalité est tout autre puisque seulement 5% des femmes et 2% des hommes de la population aux États-Unis affichaient un poids insuffisant au moment de l’étude. 

Quant aux caractéristiques comportementales, l’étude nous apprend que les personnages féminins avec un surplus de poids étaient moins souvent perçus comme étant attirants que les personnages plus minces. Tant chez les hommes que chez les femmes, les personnages avec un excès de poids étaient moins susceptibles d’être  impliqués dans une relation amoureuse. On constatait également que les personnages masculins présentant un surplus de poids se trouvaient plus souvent dans des situations où on les voyait manger comparativement aux personnages plus minces.   

Ainsi, ces émissions de télévision proposent des modèles beaucoup plus minces que la réalité et affligent leurs personnages en surpoids de caractéristiques qui ne sont pas nécessairement enviables. La recette parfaite pour générer une insatisfaction corporelle chez bon nombre de téléspectateurs! Vous pensez que j’exagère? Lisez ce qui suit. 

Une étude sur la série Friends
Un groupe de chercheurs de l’Université Ryerson, à Toronto, a évalué chez 76 étudiantes universitaires comment la satisfaction de l’image corporelle pouvait être influencée par le visionnement d’un segment de 10 minutes d’un épisode de la très populaire série Friends3. Les chercheurs avaient pris soin de choisir un segment représentatif de la série. 

Ce que les résultats ont démontré, c’est que les femmes ayant regardé ce segment d’émission avaient une insatisfaction de leur image corporelle plus marquée que celles ne l’ayant pas visionné. Par ailleurs, il est important de souligner que cette faible satisfaction corporelle pouvait être prévenue. En effet, dans un des sous-groupes à l’étude, le visionnement était précédé de la lecture d’informations indiquant que le format corporel des acteurs de télévision n’est pas représentatif de ce qu’on trouve habituellement dans la population, qu’un IMC trop bas peut être dommageable pour la santé et que le poids corporel est entre autres déterminé par des facteurs génétiques. Les jeunes femmes ayant reçu cette information au préalable ne voyaient pas leur satisfaction corporelle diminuer après 10 minutes passées en compagnie des célèbres amis. 

Il est possible qu’en lisant ceci, vous vous disiez que c’est peut-être une bonne chose d’être insatisfait de son corps quand on souhaite perdre du poids. Comme je l’ai déjà mentionné sur ce blogue, et comme le propose la littérature4, cette insatisfaction qui tend bien souvent vers la honte ne favorise en rien la motivation des personnes à investir de façon positive dans leur santé. 

Au-delà de l’image
Je termine en vous parlant d’une expérience vécue avec mes étudiants. À chaque année, dans un de mes cours, j’aborde la question de la satisfaction corporelle. Pour amorcer la discussion, je demande aux étudiants de réfléchir à une partie de leur corps qu’ils apprécient et à la raison principale pour laquelle ils l’apprécient. Quand tout le monde a terminé sa réflexion, je leur demande s’ils ont fait leur choix en fonction de critères liés à l’apparence. Pour qu’ils comprennent bien, je leur donne quelques exemples: «J’aime mes yeux parce qu’ils sont d’un beau bleu.»; «J’aime mes jambes parce qu’elles sont longues.»; «J’aime mes cheveux parce qu’ils sont soyeux.».  D’année en année, tous mes étudiants lèvent alors la main avec un peu de perplexité dans le regard. Je leur dis alors que je suis surprise (en fait, je ne le suis pas vraiment…) que personne n’ait choisi une partie de son corps pour des raisons autres que l’apparence, par exemple pour sa fonctionnalité. 

Ce petit exercice leur démontre à quel point on accorde une très grande importance à l’apparence de notre corps et que cela peut expliquer pourquoi nous sommes si vulnérables devant les différents modèles de beauté qu’on nous propose. 

Pour conclure, je considère que de favoriser la diversité corporelle dans les médias est une bonne chose. Une prochaine étape pourrait être de s’éloigner de l’image et de mettre davantage l’accent sur ce que notre corps nous permet d’accomplir. Je sais que ce n’est pas si simple que ça peut en avoir l’air. Mais si on fait quelques pas dans cette direction, peut-être qu’un jour un étudiant me dira que la partie préférée de son corps est son cerveau puisqu’il lui permet de comprendre la complexité des enjeux liés à la satisfaction corporelle que sa professeure s’évertue à lui enseigner!

1 Greenberg BS, Eastin M, Hofschire L, Lachlan K, Brownell KD. Portrayals of overweight and obese individuals on commercial television. Am J Public Health 2003; 93: 1342-8.

2 Flegal KM, Carroll MD, Ogden CL, Curtin LR. Prevalence and trends in obesity among US adults, 1999-2008. JAMA 2010; 303: 235-41.

3 Want SC, Vickers K, Amos J. The influence of television programs on appearance satisfaction: making and mitigating social comparisons to Friends. Sex Roles 2009; 60: 642–55.

4 Daniali S, Azadbakht L, Mostafavi F. Relationship between body satisfaction with self-esteem and unhealthy body weight management. J Educ Health Promot 2013; 2: 29.

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  1. Publié le 7 mai 2017 | Par Simone Lemieux

    @Chantal. Je vous remercie de votre commentaire. Vous exprimez de façon très juste les difficultés qui peuvent être rencontrées lorsqu'on s'investit dans une démarche pour améliorer la satisfaction corporelle en devenant plus imperméable aux normes et aux standards véhiculés en matière d'image corporelle.
  2. Publié le 5 mai 2017 | Par Chantal

    Wow quel texte! Une très grande lucidité dans les propos! Je partage tout à fait votre point de vue!

    De s'éloigner de l'image corporelle n'est pas chose simple vu les bombardements de ce qui nous est présenté comme étant un beau corps!

    Je suis en processus de changement de vision sur mon propre corps, j'essaie de l'aimer dans l'ici et maintenant, moi qui ne répond pas aux critères standard de la beauté... Et qui ai rarement apprécié mon apparence, et ce, peut importe le poids que je pesais... Je me trouvais toujours trop grosse, trop moche...

    Je change mes lunettes tranquillement et entrevois la beauté de MA personne... et la gentillesse envers mon corps. Ce qui reste difficile, c'est que cela ne fait pas l'unanimité des gens qui m'entourent, que ceux qui m'aiment sont enore hypnotisés par les critères de beauté actuels.

    Merci d'aider les gens à voir autrement!

    Chantal
  3. Publié le 7 mai 2017 | Par Simone Lemieux

    @Marie-Josée Dionne. Je partage votre point de vue. J'ai également l'impression que pour la majorité des gens,l'aspect fonctionnalité du corps devient un facteur qui pèse plus dans la balance de la satisfaction corporelle lorsqu'on avance en âge. Merci de votre commentaire!
  4. Publié le 5 mai 2017 | Par Marie-Josée Dionne

    Excellente conclusion Madame Lemieux!
    J'ai tendance à penser que c'est principalement en vieillissant (ou lorsqu'on a eu un souci de santé) qu'on mesure vraiment l'importance des fonctionnalités de notre corps. Maintenant, j'apprécie particulièrement l'autonomie de mouvements, la capacité de réfléchir et les cinq sens dont il me permet de jouir!
    Salutations!

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