Impressions d'architecture
Publié le 13 mai 2014 | Par Martin Dubois
Ce cher bon vieux Colisée
La construction du nouvel amphithéâtre de Québec va bon train. Il ne manque qu’une équipe de la Ligue nationale de hockey, et le maire de la ville de Québec aura gagné son pari d’offrir du pain et des jeux à ses citoyens. Mais une fois ce nouvel équipement à la fine pointe de la technologie livré, en septembre 2015, qu’adviendra-t-il de l’ancien Colisée qui rend de loyaux services depuis 65 ans? Si le titre de ce billet est délibérément nostalgique, c’est que le bâtiment évoque bien des souvenirs aux amateurs sportifs ainsi qu’aux fans de groupes rock qui y ont vécu des moments inoubliables. Et qu’en est-il de son architecture? Est-elle assez intéressante pour contribuer à sa valeur patrimoniale? Retour sur l’évolution architecturale de ce vénérable temple du hockey.
Une œuvre moderne d’avant-garde
L’histoire du Colisée de Québec débute le 5 mars 1949 alors que le pavillon de l’Agriculture construit 20 ans plus tôt s’envole en fumée. Ce pavillon du parc de l’Exposition, aujourd’hui connu sous le nom de pavillon de la Jeunesse ou Petit Colisée, avait été doté de 5 000 sièges en gradins pour recevoir des foires agricoles, mais aussi des événements sportifs. L’incendie jette alors à la rue l’équipe de hockey locale que sont les As de Québec. Le maire Lucien Borne décide dès lors de construire un amphithéâtre plus grand, et la première pelletée de terre a lieu le 23 mai suivant. Il faut faire vite, car on souhaite avoir un toit sur la nouvelle patinoire dès la fin de l’année.
Les plans du nouvel amphithéâtre sont confiés à deux collectifs d’architectes: Blatter et Caron et Rinfret et Bouchard. La conception est sous la direction de Robert Blatter, un architecte d’origine européenne bien au fait des nouvelles techniques de construction, dont des structures en béton qui sont construites en des temps records et qui peuvent couvrir de grands espaces, sans colonnes. Ces techniques avaient notamment été éprouvées pour la construction de grands hangars d’avions ou de dirigeables dans les décennies précédentes.
C’est ainsi que le plus grand chantier de l’époque dans la capitale se met en branle. Une impressionnante voûte en béton armé, suspendue à de grandes arches, est alors érigée, sans appuis intermédiaires. Plusieurs doutaient d’ailleurs, lors de la construction, de la solidité d’un voile si mince pour une portée si grande.
Le défi structural est remporté avec succès lorsque les imposants échafaudages du chantier de construction sont enlevés. Il ne reste ensuite qu’à installer des gradins et à habiller cette grande arche pour le match inaugural qui a lieu le 15 décembre de la même année, après seulement 7 mois de chantier.
En plus de sa structure innovatrice qui constitue une prouesse d’ingénierie, l’édifice monumental se démarque par sa modernité européenne de style International avec sa façade lisse et ses saillies aux formes épurées, dont l’avancée centrale arrondie qui abrite un escalier d’influence Art déco. Un symbole de la modernité est né. Malheureusement, on ne sait pas apprécier cette œuvre à sa juste valeur et moins de 30 ans après sa construction, le bâtiment subit d’importantes modifications.
Étant donné l’engouement pour les parties de hockey à la suite de l’acquisition, en 1979, des Nordiques de Québec, l’édifice devient trop exigu et a besoin d’un important agrandissement. Inauguré en 1980, le nouveau Colisée a une capacité d’accueil de 10 000 à 15 000 spectateurs. Le bâtiment devenu plus fonctionnel répond dorénavant aux besoins du sport professionnel et de la présentation d’événements et de concerts d’envergure internationale. Cependant, son aspect extérieur est radicalement changé.
Le caractère moderne conçu par Robert Blatter est irrémédiablement perdu, et la silhouette voûtée caractéristique de l’édifice est moins perceptible. Après le départ des Nordiques, en 1995, le Colisée Pepsi continue néanmoins d’accueillir de nombreuses manifestations sportives et culturelles. Mais devant les exigences toujours plus grandes du sport professionnel et du monde du spectacle, il devient évident que cet aréna est désuet, et que la venue d’une nouvelle équipe de la LNH passe par un nouvel amphithéâtre. Le projet prendra finalement forme après une longue saga entourant le financement et l’emplacement du nouveau bâtiment.
Que faire maintenant avec le Colisée?
Un comité de réflexion sur l’avenir du secteur d’ExpoCité, que la Ville voudrait transformer en quartier de divertissement, a été mis sur pied par le maire Labeaume. Présidé par Daniel Gélinas, ce comité devra notamment se pencher sur le sort du vieux Colisée. Le potentiel d’un tel bâtiment, seulement en termes de superficie et de volume disponible, est très grand. Situé à proximité du centre-ville et bien desservi par le réseau de transport, il pourrait accueillir une foule d’activités. Seulement, ce n’est pas facile de convertir un édifice si spécialisé. Un peu comme les églises ou certains grands bâtiments, comme l’aérogare de Mirabel qu’on s’apprête à démolir, il est coûteux d’adapter des immeubles de cette taille afin qu’ils remplissent une nouvelle fonction.
À mon avis, le domaine sportif est probablement la piste la plus prometteuse. À l’heure où des projets sont discutés pour de nouveaux stades de soccer intérieurs, de nouvelles palestres de gymnastique ou un anneau de glace couvert, peut-on au moins se poser la question si certaines de ces activités pourraient être logées dans un colisée reconfiguré? Serait-il possible de hausser le niveau du plancher pour avoir une plus grande surface de jeu, pour le soccer par exemple, quitte à sacrifier une partie des gradins? Pourrait-on ajouter un 2e plancher à mi-hauteur? Un centre d’entraînement multisport, autant pour les athlètes d’élite que la population en général, pourrait-il être envisageable même si bien des sous ont déjà été investis dans le super PEPS? Je n’ai pas réponse à toutes ces questions mais à mon avis, ça vaut la peine d’y réfléchir, d’être imaginatif, de mettre toutes les possibilités sur la table. Il serait inconcevable de conserver un tel immeuble seulement pour quelques tournois épisodiques ou pour 2 semaines de compétitions olympiques au cas où Québec serait un jour l’hôte de Jeux d’hiver. Il faut trouver une fonction utile à la population et qui sera rentable à long terme.
Au-delà de la valeur foncière et du potentiel de réutilisation de l’immeuble, est-ce que le vieux Colisée a une valeur patrimoniale qui justifierait sa conservation? Avec les modifications subies au début des années 1980, je doute que son architecture puisse à elle seule être qualifiée de patrimoniale. Toutefois, la valeur symbolique du Colisée n’est pas à négliger. Ce bâtiment est intimement lié à l’histoire sociale du quartier Lairet. De plus, il a été le témoin de nombreux événements sportifs et culturels: les tournois internationaux de hockey pee-wee, les parties des Nordiques, Rendez-vous 87, des championnats du monde de hockey et de nombreux spectacles de musique. Certains évoquent même les fantômes du Colisée!
Démolir un tel bâtiment serait donc à mon avis un grand gaspillage. En plus des coûts importants que cela implique, la quantité de matières qu’on enverrait au rebut serait phénoménale, même s’il est maintenant possible de récupérer du béton concassé dans de nouvelles structures de routes, par exemple. En espérant que le comité de réflexion saura mesurer tout le potentiel de ce bâtiment et qu’il fera appel à la population pour lui signaler des idées qu’il n’aurait peut-être pas envisagées. Il faut également prendre le temps de trouver les meilleures solutions, car la précipitation et la vision à court terme sont souvent néfastes dans ce type de dossier.
Haut de page
Publié le 25 mai 2014 | Par JACQUES POITRAS
Je demeure surpris que vous n'en disiez mot!!
JP
Note : Les commentaires doivent être apportés dans le respect d'autrui et rester en lien avec le sujet traité. Les administrateurs du site de Contact agissent comme modérateurs et la publication des commentaires reste à leur discrétion.
commentez ce billet